Bespreking La recherche du temps perdu - Proust F3LI
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Course
Frans Literatuur van het taalgebied (F3LI)
Institution
Universiteit Gent (UGent)
Dit document geeft een uitgebreide bespreking van het behandelde fragment. Met gerichte verwijzingen worden begrippen en concepten uitgelegd. Ook zijn bepaalde zinnen in een specifieke kleur gezet die overeenkomt met een bepaald concept van de theoretische samenvatting.
Mme Verdurin était assise sur un haut siège suédois en sapin ciré, qu’un violoniste de ce pays lui avait donné et qu’elle conservait,
quoiqu’il rappelât la forme d’un escabeau et jurât avec les beaux meubles anciens qu’elle avait, mais elle tenait à garder en évidence les
cadeaux que les fidèles avaient l’habitude de lui faire de temps en temps, afin que les donateurs eussent le plaisir de les reconnaître quand
ils venaient. Aussi tâchait-elle de persuader qu’on s’en tînt aux fleurs et aux bonbons, qui du moins se détruisent ; mais elle n’y réussissait
pas et c’était chez elle une collection de chauffe-pieds, de coussins, de pendules, de paravents, de baromètres, de potiches, dans une
accumulation de redites et un disparate d’étrennes.
De ce poste élevé elle participait avec entrain à la conversation des fidèles et s’égayait de leurs « fumisteries », mais depuis l’accident
qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine de pouffer effectivement et se livrait à la place à une mimique
conventionnelle qui signifiait, sans fatigue ni risques pour elle, qu’elle riait aux larmes. Au moindre mot que lâchait un habitué contre un
ennuyeux ou contre un ancien habitué rejeté au camp des ennuyeux — et pour le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu
longtemps la prétention d’être aussi aimable que sa femme, mais qui riant pour de bon s’essoufflait vite et avait été distancé et vaincu par
cette ruse d’une incessante et fictive hilarité — elle poussait un petit cri, fermait entièrement ses yeux d’oiseau qu’une taie commençait à
voiler, et brusquement, comme si elle n’eût eu que le temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel, plongeant sa
figure dans ses mains qui la recouvraient et n’en laissaient plus rien voir, elle avait l’air de s’efforcer de réprimer, d’anéantir un rire qui, si
elle s’y fût abandonnée, l’eût conduite à l’évanouissement. Telle, étourdie par la gaieté des fidèles, ivre de camaraderie, de médisance et
d’assentiment, Mme Verdurin, juchée sur son perchoir, pareille à un oiseau dont on eût trempé le colifichet dans du vin chaud, sanglotait
d’amabilité.
Cependant M. Verdurin, après avoir demandé à Swann la permission d’allumer sa pipe (« ici on ne se gêne pas, on est entre
camarades »), priait le jeune artiste de se mettre au piano.
— Allons, voyons, ne l’ennuie pas, il n’est pas ici pour être tourmenté, s’écria Mme Verdurin, je ne veux pas qu’on le tourmente, moi !
— Mais pourquoi veux-tu que ça l’ennuie, dit M. Verdurin, M. Swann ne connaît peut-être pas la sonate en fa dièse que nous avons
découverte ; il va nous jouer l’arrangement pour piano.
— Ah ! non, non, pas ma sonate ! cria Mme Verdurin, je n’ai pas envie à force de pleurer de me fiche un rhume de cerveau avec
névralgies faciales, comme la dernière fois ; merci du cadeau, je ne tiens pas à recommencer ; vous êtes bons vous autres, on voit bien
que ce n’est pas vous qui garderez le lit huit jours !
Cette petite scène qui se renouvelait chaque fois que le pianiste allait jouer enchantait les amis aussi bien que si elle avait été
nouvelle, comme une preuve de la séduisante originalité de la « Patronne » et de sa sensibilité musicale. Ceux qui étaient près d’elle
faisaient signe à ceux qui plus loin fumaient ou jouaient aux cartes, de se rapprocher, qu’il se passait quelque chose, leur disant comme on
fait au Reichstag dans les moments intéressants : « Écoutez, écoutez. » Et le lendemain on donnait des regrets à ceux qui n’avaient pas pu
venir en leur disant que la scène avait été encore plus amusante que d’habitude.
— Eh bien ! voyons, c’est entendu, dit M. Verdurin, il ne jouera que l’andante.
— Que l’andante, comme tu y vas ! s’écria Mme Verdurin. C’est justement l’andante qui me casse bras et jambes. Il est vraiment
superbe le Patron ! C’est comme si dans la « Neuvième » il disait : nous n’entendrons que le finale, ou dans « les Maîtres » que l’ouverture.
, Le docteur, cependant, poussait Mme Verdurin à laisser jouer le pianiste, non pas qu’il crût feints les troubles que la musique lui donnait
— il y reconnaissait certains états neurasthéniques — mais par cette habitude qu’ont beaucoup de médecins de faire fléchir immédiatement
la sévérité de leurs prescriptions dès qu’est en jeu, chose qui leur semble beaucoup plus importante, quelque réunion mondaine dont ils
font partie et dont la personne à qui ils conseillent d’oublier pour une fois sa dyspepsie, ou sa grippe, est un des facteurs essentiels.
— Vous ne serez pas malade cette fois-ci, vous verrez, dit-il en cherchant à la suggestionner du regard. Et si vous êtes malade nous
vous soignerons.
— Bien vrai ? répondit Mme Verdurin, comme si devant l’espérance d’une telle faveur il n’y avait plus qu’à capituler. Peut-être aussi, à
force de dire qu’elle serait malade, y avait-il des moments où elle ne se rappelait plus que c’était un mensonge et prenait une âme de
malade. Or ceux-ci, fatigués d’être toujours obligés de faire dépendre de leur sagesse la rareté de leurs accès, aiment se laisser aller à
croire qu’ils pourront faire impunément tout ce qui leur plaît et leur fait mal d’habitude, à condition de se remettre en les mains d’un être
puissant, qui, sans qu’ils aient aucune peine à prendre, d’un mot ou d’une pilule, les remettra sur pied.
Odette était allée s’asseoir sur un canapé de tapisserie qui était près du piano :
— Vous savez, j’ai ma petite place, dit-elle à Mme Verdurin.
Celle-ci, voyant Swann sur une chaise, le fit lever :
— Vous n’êtes pas bien là, allez donc vous mettre à côté d’Odette, n’est-ce pas Odette, vous ferez bien une place à M. Swann ?
— Quel joli Beauvais, dit avant de s’asseoir Swann qui cherchait à être aimable.
— Ah ! je suis contente que vous appréciiez mon canapé, répondit Mme Verdurin. Et je vous préviens que si vous voulez en voir d’aussi
beau, vous pouvez y renoncer tout de suite. Jamais ils n’ont rien fait de pareil. Les petites chaises aussi sont des merveilles. Tout à l’heure
vous regarderez cela. Chaque bronze correspond comme attribut au petit sujet du siège ; vous savez, vous avez de quoi vous amuser si
vous voulez regarder cela, je vous promets un bon moment. Rien que les petites frises des bordures, tenez là, la petite vigne sur fond
rouge de l’Ours et les Raisins. Est-ce dessiné ? Qu’est-ce que vous dites, je crois qu’ils le savaient plutôt, dessiner ! Est-elle assez
appétissante cette vigne ? Mon mari prétend que je n’aime pas les fruits parce que j’en mange moins que lui. Mais non, je suis plus
gourmande que vous tous, mais je n’ai pas besoin de me les mettre dans la bouche puisque je jouis par les yeux. Qu’est ce que vous avez
tous à rire ? demandez au docteur, il vous dira que ces raisins-là me purgent. D’autres font des cures de Fontainebleau, moi je fais ma
petite cure de Beauvais. Mais, monsieur Swann, vous ne partirez pas sans avoir touché les petits bronzes des dossiers. Est-ce assez doux
comme patine ? Mais non, à pleines mains, touchez-les bien.
— Ah ! si madame Verdurin commence à peloter les bronzes, nous n’entendrons pas de musique ce soir, dit le peintre.
— Taisez-vous, vous êtes un vilain. Au fond, dit-elle en se tournant vers Swann, on nous défend à nous autres femmes des choses
moins voluptueuses que cela. Mais il n’y a pas une chair comparable à cela ! Quand M. Verdurin me faisait l’honneur d’être jaloux de moi —
allons, sois poli au moins, ne dis pas que tu ne l’as jamais été…
— Mais je ne dis absolument rien. Voyons docteur je vous prends à témoins : est-ce que j’ai dit quelque chose ?
Swann palpait les bronzes par politesse et n’osait pas cesser tout de suite.
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