Dit document geeft een uitgebreide bespreking van het behandelde fragment. Met gerichte verwijzingen worden begrippen en concepten uitgelegd. Ook zijn bepaalde zinnen in een specifieke kleur gezet die overeenkomt met een bepaald concept van de theoretische samenvatting.
Chapitre IV
Ses regards le lendemain, quand il revit madame de Rênal, étaient singuliers ; il l’observait comme un ennemi avec lequel il va falloir se
battre. Ces regards, si différents de ceux de la veille, firent perdre la tête à madame de Rênal ; elle avait été bonne pour lui, et il paraissait
fâché. Elle ne pouvait détacher ses regards des siens.
La présence de madame Derville permettait à Julien de moins parler et de s’occuper davantage de ce qu’il avait dans la tête. Son unique
affaire, toute cette journée, fut de se fortifier par la lecture du livre inspiré qui retrempait son âme.
Il abrégea beaucoup les leçons des enfants, et ensuite, quand la présence de madame de Rênal vint le rappeler tout à fait aux soins de sa
gloire, il décida qu’il fallait absolument qu’elle permît ce soir-là que sa main restât dans la sienne.
Le soleil en baissant, et rapprochant le moment décisif, fit battre le cœur de Julien d’une façon singulière. La nuit vint. Il observa avec
une joie qui lui ôta un poids immense de dessus la poitrine, qu’elle serait fort obscure. Le ciel chargé de gros nuages, promenés par un vent
très chaud, semblait annoncer une tempête. Les deux amies se promenèrent fort tard. Tout ce qu’elles faisaient ce soir-là semblait singulier
à Julien. Elles jouissaient de ce temps, qui, pour certaines âmes délicates, semble augmenter le plaisir d’aimer.
On s’assit enfin, madame de Rênal à côté de Julien, et madame Derville près de son amie. Préoccupé de ce qu’il allait tenter, Julien
ne trouvait rien à dire. La conversation languissait.
Serai-je aussi tremblant et malheureux au premier duel qui me viendra ? se dit Julien ; car il avait trop de méfiance et de lui et des
autres, pour ne pas voir l’état de son âme.
Dans sa mortelle angoisse, tous les dangers lui eussent semblé préférables. Que de fois ne désira-t-il pas voir survenir à madame de
Rênal quelque affaire qui l’obligeât de rentrer à la maison et de quitter le jardin ! La violence que Julien était obligé de se faire, était trop
forte pour que sa voix ne fût pas profondément altérée ; bientôt la voix de madame de Rênal devint tremblante aussi, mais Julien ne s’en
aperçut point. L’affreux combat que le devoir livrait à la timidité était trop pénible, pour qu’il fût en état de rien observer hors lui-même. Neuf
heures trois quarts venaient de sonner à l’horloge du château, sans qu’il eût encore rien osé. Julien, indigné de sa lâcheté, se dit : Au
moment précis où dix heures sonneront, j’exécuterai ce que, pendant toute la journée, je me suis promis de faire ce soir, ou je monterai
chez moi me brûler la cervelle.
Après un dernier moment d’attente et d’anxiété, pendant lequel l’excès de l’émotion mettait Julien comme hors de lui, dix heures
sonnèrent à l’horloge qui était au-dessus de sa tête. Chaque coup de cette cloche fatale retentissait dans sa poitrine, et y causait comme
un mouvement physique.
Enfin, comme le dernier coup de dix heures retentissait encore, il étendit la main, et prit celle de madame de Rênal, qui la retira
aussitôt. Julien, sans trop savoir ce qu’il faisait, la saisit de nouveau. Quoique bien ému lui-même, il fut frappé de la froideur glaciale de la
main qu’il prenait ; il la serrait avec une force convulsive ; on fit un dernier effort pour la lui ôter, mais enfin cette main lui resta.
Son âme fut inondée de bonheur, non qu’il aimât madame de Rênal, mais un affreux supplice venait de cesser. Pour que madame
Derville ne s’aperçût de rien, il se crut obligé de parler ; sa voix alors était éclatante et forte. Celle de madame de Rênal, au contraire,
trahissait tant d’émotion, que son amie la crut malade et lui proposa de rentrer. Julien sentit le danger : Si madame de Rênal rentre au
, salon, je vais retomber dans la position affreuse où j’ai passé la journée. J’ai tenu cette main trop peu de temps pour que cela compte
comme un avantage qui m’est acquis.
Au moment où madame Derville renouvelait la proposition de rentrer au salon, Julien serra fortement la main qu’on lui abandonnait.
Madame de Rênal, qui se levait déjà, se rassit en disant, d’une voix mourante :
— Je me sens, à la vérité, un peu malade, mais le grand air me fait du bien.
Ces mots confirmèrent le bonheur de Julien, qui, dans ce moment, était extrême : il parla, il oublia de feindre, il parut l’homme le plus
aimable aux deux amies qui l’écoutaient. Cependant il y avait encore un peu de manque de courage dans cette éloquence qui lui arrivait
tout à coup. Il craignait mortellement que madame Derville, fatiguée du vent qui commençait à s’élever, et qui précédait la tempête, ne
voulût rentrer seule au salon. Alors il serait resté en tête à tête avec madame de Rênal. Il avait eu presque par hasard le courage aveugle
qui suffit pour agir ; mais il sentait qu’il était hors de sa puissance de dire le mot le plus simple à madame de Rênal . Quelque légers que
fussent ses reproches, il allait être battu, et l’avantage qu’il venait d’obtenir anéanti.
Heureusement pour lui, ce soir-là, ses discours touchants et emphatiques trouvèrent grâce devant madame Derville, qui très souvent le
trouvait gauche comme un enfant, un peu amusant. Pour madame de Rênal, la main dans celle de Julien, elle ne pensait à rien ; elle se
laissait vivre. Les heures qu’on passa sous ce grand tilleul que la tradition du pays dit planté par Charles le Téméraire, furent pour elle une
époque de bonheur. Elle écoutait avec délices les gémissements du vent dans l’épais feuillage du tilleul, et le bruit de quelques gouttes
rares qui commençaient à tomber sur ses feuilles les plus basses. Julien ne remarqua pas une circonstance qui l’eût bien rassuré ;
madame de Rênal, qui avait été obligée de lui ôter sa main, parce qu’elle se leva pour aider sa cousine à relever un vase de fleurs que le
vent venait de renverser à leurs pieds, fut à peine assise de nouveau, qu’elle lui rendit sa main presque sans difficulté, et comme si déjà
c’eût été entre eux une chose convenue.
Minuit était sonné depuis longtemps ; il fallut enfin quitter le jardin ; on se sépara. Madame de Rênal, transportée du bonheur d’aimer, était
tellement ignorante, qu’elle ne se faisait presque aucun reproche. Le bonheur lui ôtait le sommeil. Un sommeil de plomb s’empara de
Julien, mortellement fatigué des combats que toute la journée la timidité et l’orgueil s’étaient livrés dans son cœur.
Le lendemain on le réveilla à cinq heures ; et, ce qui eût été cruel pour madame de Rênal, si elle l’eût su, à peine lui donna-t-il une pensée .
Il avait fait son devoir, et un devoir héroïque. Rempli de bonheur par ce sentiment, il s’enferma à clef dans sa chambre, et se livra avec un
plaisir tout nouveau à la lecture des exploits de son héros.
Quand la cloche du déjeuner se fit entendre, il avait oublié, en lisant les bulletins de la grande armée, tous ses avantages de la veille. Il se
dit, d’un ton léger en descendant au salon : Il faut dire à cette femme que je l’aime.
Au lieu de ces regards chargés de volupté, qu’il s’attendait à rencontrer, il trouva la figure sévère de M. de Rênal, qui, arrivé depuis deux
heures de Verrières, ne cachait point son mécontentement de ce que Julien passait toute la matinée sans s’occuper des enfants. Rien
n’était laid comme cet homme important, ayant de l’humeur et croyant pouvoir la montrer.
Chaque mot aigre de son mari perçait le cœur de madame de Rênal. Quant à Julien, il était tellement plongé dans l’extase, encore si
occupé des grandes choses qui, pendant plusieurs heures, venaient de passer devant ses yeux, qu’à peine d’abord put-il rabaisser son
attention jusqu’à écouter les propos durs que lui adressait M. de Rênal. Il lui dit enfin, assez brusquement :
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