OPÉRA
XIXème siècle
LE GRAND OPÉRA
À LA FRANÇAISE
Genre français : apogée entre 1820 et 1870 ; naît à l'Opéra de Paris
1. Genre, Forme et Structure
Genre lié à l'Opéra Garnier : grande salle pour un genre spectaculaire → très long, de 4 à 5
actes, durant 4-5h, avec effets visuels très importants, grand nombre de solistes, choeur, figurants
(300 à 400 en plus du choeur et des solistes).
Opéra entièrement chanté, sérieux, sujets historiques (histoire de France, légendes
médiévales). Présence de ballets et de danseurs (II ou IIIème acte) → importance de la danse en
France : un genre théâtral, musical, dansé et très visuel.
Précurseurs : SPONTINI et CHERUBINI (1810-1820), ROSSINI (un italien qui s'installe
en France et œuvre à la naissance du Grand Opéra)
→ Un genre éclectique qui mélange les influences
Âge d'or : MEYERBEER : d'origine allemande, mais compose dans le style français
AUBER, HALÉVY
♫ CHERUBINI – Les Abencérages (1813)
→ virtuosité des parties d'orchestre ; l'orchestre de Paris est très réputé en Europe (grand nombre et
qualité des musiciens)
♫ ROSSINI – Guillaume Tell (1829)
→ composé en français, considéré comme le 1er Grand Opéra
♫ MEYERBEER – Robert le diable (1831), Les Huguenots (1836)
♫ HALÉVY – La Reine de Chypre (1841)
Le Grand Opéra connaît alors un âge d'or, avant de décliner à partir de 1850, en faveur
d'une nouvelle direction de l'opéra qui passe du public au privé. Progressivement, le public se lasse
et le goût va évoluer vers quelque chose de plus intimiste, avec un goût pour exotisme, vers quelque
chose de plus proche du public, en demi-teinte, avec plus de sentimentalisme.
Nombre varié de structures musicales :
• Récitatifs, arias développés, arioso → grande palette vocale
• Formes : airs, duos, trios, ensembles, choeurs, choeurs + solistes
• Grands finales d'acte spectaculaires, avec arrivée progressive des solistes et
des figurants
• Musique instrumentale à double rôle : pages de musique pure = ouverture,
ballet ; musique de scène en accompagnement = défilés, processions... De
l'accompagnement à des pages de musique symphonique
, ♫ AUBER – La muette de Portici (1828)
→ Rôle muet dansé. Scène du marché : Choeur et figurants, musique de scène
Le choeur est placé en ligne sur la scène tandis que les figurants sont par groupe et animent la scène,
les solistes sont toujours sur le devant de la scène.
→ Une collaboration étroite entre compositeur, librettiste et metteur en scène
♫ AUBER – La muette de Portici, IV, Cavatine
→ Air : Récitatif / 2nde partie plus mélodique
Style plus italianisant (avec un côté assez verdien) qui s'entend au niveau du lyrisme et de la
vélocité d'exécution.
2. Le Cosmopolitisme : Échanges et Influences
Dès le milieu du 19ème siècle s'opère une grande rivalité entre l'école de chant française
et l'école italienne. À Paris notamment, des troupes italiennes se produisent au Théâtre des Italiens.
À la grande école française représentée par l'École Royale de Déclamation et de Chant, il y a une
moitié de professeurs français et l'autre moitié de professeurs italiens, créant un ensemble assez
mélangé.
STYLES
Le style italien est un style mettant l'accent sur la virtuosité, avec des ornements rapides,
une grande vélocité marquée par un travail particulier du son et de la vocalité.
En France, on cherche à égaler la virtuosité italienne, tout en gardant des caractéristiques
française, dont la principale est l'importance de la théâtralité, de la déclamation (assez proche du
style parlé, puisqu'on doit absolument comprendre le texte). On y adjoint cependant souvent des
cadences à l'italienne. Le théâtre, mais aussi surtout le livre y sont très importants.
Cadence d'après Julie DORUS-GRAS (soprano à l'Opéra de Paris de 1830-1845, créatrice
des principaux rôles des opéras composés à cette époque : MEYERBEER, HALÉVY, AUBER,
BERLIOZ, DONIZETTI...). → Un travail sur la mise de voix, puis réduction sur 20 secondes dans
le même souffle. (trille, mise de voix, ornements, gammes descendantes...)
Il y a une réelle adaptation à l'interprète de la part du compositeur en ce qui concerne
les cadences. Peu à peu, ce sont les chanteurs qui écriront leur propre cadence.
LANGUE
Elle est interchangeable, à travers les adaptations ; néanmoins il y a un certain nombre de
compositeurs italiens qui écriront en français, comme VERDI (Les Vêpres italiennes, Don Carlo),
DONIZETTI (Les Puritains). Parallèlement, des opéras français seront joués à l'étranger et donc
traduits, comme pour HALÉVY (La Reine de Chypre)...
INTERPRÈTES
Un influence s'établit également par des chanteurs italiens qui ramènent leurs usages en
France, comme en témoigne la grande rivalité entre Adolphe NOURRIT, ténor à l'Opéra de Paris et
Gilbert DUPREZ, un ténor formé en Italie qui sera engagé par la suite à l'Opéra. Duprez se
différencie par une technique en voix de poitrine plus sonore avec laquelle il pouvait atteindre un
contre-ut (ce fut le 1er à en émettre un en scène). Sa technique comporte en outre un doublage
(voire même plus) particulier des consonnes qui sert l'intention rhétorique d'un vers et crée ainsi une
meilleure déclamation, notamment lorsque la salle est grande (style italianisant). De nombreux
opéras seront écrits spécialement pour lui, comme Guillaume Tell de ROSSINI, qui le rendra
célèbre en Italie, avec l'air Asile héréditaire.
, 3. Le Monde de l'Opéra
FORMATION & ORGANISATION
Aujourd'hui, si l'opéra sélectionne ses chanteurs par des castings, au 19ème siècle (comme
aujourd'hui toujours à la Comédie Française par exemple), cela fonctionne avec des troupes.
La formation d'un chanteur commence au Conservatoire par le solfège, la vocalisation, la
voix chantée et finit par l'orientation vers un emploi particulier (un rôle-type dans un genre-type).
Ils suivent ensuite une formation théâtrale (tragédie ou comédie). Ils accèdent ensuite à leurs
débuts, 3 Débuts au terme desquels l'embauche s'effectue ou non selon l'acclamation du public.
Le plus grand degré d'emploi est le statut de sociétaire (qui possède des parts), puis ensuite
existe celui de pensionnaires : ce mode de fonctionnement est toujours utilisé à la Comédie
Française.
Ainsi cette organisation par troupes demande une adaptation des compositeurs aux
capacités et performances vocales des chanteurs présents : c'est un travail commun et une
collaboration. ( Annotations et rayures de travail en atelier sur le matériel de Benvenuto Cellini
– BERLIOZ par Mme DORUS-GRAS dans le rôle de Teresa).
COSTUMES
Maquettes conservées : Guillaume Tell – ROSSINI.
En 1er lieu, le chef propose une maquette qui va
être discutée par un comité, et seront ensuite construits
après validation du projet. Quelquefois, ce sont les
chanteurs eux-même qui réalisent leur propre costume.
De nombreux corps de métiers (blanchisserie,
bonneterie, broderie, cordonnerie, etc) qui sont rattachés à
l'Opéra, autour de la salle même, à l'image d'une grande
ruche, peuvent participer à cette réalisation.
MISE EN SCÈNE
Mathilde, Mme
Lumière Walter,
Damoreau
L'éclairage et la lumière de théâtre voient le passage Levasseur
révolutionnaire au 19ème siècle des bougies et des
quinquets à huile à la lumière à gaz. L'éclairage électrique ne sera disponible au théâtre qu'à partir
de 1846, permettant un contrôle plus précis de l'éclairage, mais également de plonger les spectateurs
dans le noir et de les concentrer davantage sur le spectacle (auparavant ils étaient éclairés par des
lustres que l'on ne pouvait pas éteindre).
Il faut également parler des progrès techniques comme en témoignent les travaux de Louis
DAGUERRE sur la photographie. Pierre-Luc Charles CICÉRI, qui va travailler en outre avec
Daguerre et bénéficier de ses travaux sur le diorama (un système de présentation en volumes par
mise en situation ou mise en scène d'un modèle d'exposition dans son
environnement habituel) et le cyclorama, sera décorateur en chef à
l'Opéra à partir de 1818 et pendant 32 ans, où il va acquérir une
réputation européenne car il a révolutionné le genre. Édouard
DESPLECHIN sera également un des décorateurs français les plus
renommés de son temps. Il collabora étroitement avec de grands
compositeurs comme MEYERBEER, VERDI, GOUNOD et
WAGNER.
Décors
Comme les costumes, les décors seront d'abord proposés sous Croquis pour l'acte III de Robert
forme de maquette en 3 dimensions à un comité, après la présentation le diable (Meyerbeer) - CICÉRI
de plusieurs croquis. La comité délibère ensuite pour la plus grande part à propos des convenances
, à respecter, mais aussi des embellissements à réaliser. Les décors relèvent dans le style d'un
réalisme historique (école du réalisme) qui est à mettre en parallèle avec les apports techniques
dans le domaine de l'image cités ci-dessus (diorama).
Par ailleurs, la multiplication des praticables qui se développent au 19ème, permet des effets de
relief sur plusieurs niveaux.
Éruption du Vésuve de DAGUERRE / CICÉRI – La Muette de Portici (qui provoque un
incendie vers 1840...).
4. UN ART POLITIQUE
CONTEXTE POLITIQUE
L'Opéra est une institution coûteuse, qui est financée par l'État par d'importances
subventions, et se positionne ainsi sous l'influence de l'autorité en place, ce qui provoquera au
19ème de nombreuses tensions. Nous sommes dans une période révolutionnaire : des conflits
naissent car l'Opéra est alors considéré comme un art aristocrate et conservateur.
Lors des restaurations monarchiques successives de 1815 et de 1848, la royauté a exprimé
une forte volonté de contrôle sur l'Opéra. Ainsi, le théâtre navigue de manière houleuse entre esprit
subversif et expression de la gloire de la monarchie. Il s'agit ainsi dès lors de faire des choix, que
ce soit dans les sujets ou les éléments de mise en scène, convenant à cette double contrainte : public
et autorité, indépendance et comptes à rendre, au milieu de nombreuses tensions.
→ En 1830, au théâtre de la Monnaie à Bruxelles, à l'occasion de l'anniversaire
du Roi Guillaume, La Muette de Portici (choeur du IIIème acte) échauffe un public
enthousiaste, qui se lèvent en répétant « Aux armes, aux armes ! », l'assistance voyant une
similitude entre la situation du peuple belge et cette œuvre qui transporte à la scène la
révolte du peuple de Naples contre la domination espagnole au 17ème siècle. L'oeuvre a
ainsi joué un rôle non négligeable dans la Révolution belge de 1830.
Or le meilleur moyen de contrôle est le financement. À l'Opéra est alors mis en place un
comité de mise en scène qui discute de la bienséance politique des décors, des costumes et de la
mise en scène. Lorsqu'apparaissent des conflits, la production se voit ainsi menacée de censure ou
de non-financement. → Dans Les Huguenots de MEYERBEER, la scène finale qui voit Catherine
de Médicis assise dans sa calèche regarder le massacre de son peuple est ainsi censurée.
LA SALLE
À Paris, il y a différents théâtres correspondant chacun à un style différent, à un public
différent avec des attentes différentes. De tous, ce sera l'Opéra Garnier qui sera le plus contrôlé par
l'État. Cette individualisation et cette identité des salles de théâtre provoque ainsi quelquefois
des incompréhensions : ainsi, Carmen – BIZET, créé en 1875 à l'Opéra-Comique de Paris, connaîtra
un échec monumental car il fut considéré comme pas assez comique.
La particularité de chaque salle est définie par plusieurs éléments : le comité de mise en
scène, le livret, le compositeur... Un cahier des charges (une législation donnée par un Directeur)
qui se doit d'être respecté comporte un certain nombre de points concernant le choix des costumes,
les finances et le budget, un choix de genres de créations, etc. La salle de théâtre s'individualise en
outre par des données juridiques, mais aussi géographiques et sociales.