Au chapitre précédent, nous nous sommes attaché à rappeler les fondements
neurobiologiques du comportement. Nous avons noté en particulier, le lien entre l’évolution
du système nerveux et les comportements, tant d’un point de vue phylogénétique
qu’ontogénétique.
Dans ce périple qui va nous conduire du « soma » à la « psyché », l’étape suivante consiste
à considérer l’étude des comportements sous un angle éthologique et phylogénétique, dans
une perspective évolutive en partant du comportement animal, en particulier des primates, en
passant par nos ancêtres pré-humains, pour enfin aboutir à homo sapiens.
Quelle place un tel « voyage » a-t-il dans un cours d’introduction en psychologie clinique ?
Lorsque vous vous installez sur une terrasse de café sur la Grand-Place de Mons (ou dans
tout lieu public similaire), vous aurez le loisir d’observer comment nos contemporains entrent
en contact, établissent un « territoire », échangent des politesses, s’échangent des boissons et
des nourritures, se parlent, se séparent, etc. Tous ces comportements semblent gouvernés par
des règles sociales et culturelles, ce qui est certainement le cas. Néanmoins, il est également
possible d’entrevoir les traces de comportements instinctifs hérités de nos ancêtres lointains.
D’aucuns parlent de comportements fossiles pour signifier leur caractère archaïque.
Comment ceux-ci nous ont-ils été transmis et surtout pourquoi subsistent-ils encore
actuellement malgré les progrès étonnants de la culture et de la technologie ? Certains
comportements et habitudes se sont constitués progressivement pendant des millions
d’années. Il est raisonnable de penser que ceux-ci ont probablement laissé des traces
durables, quasi instinctives, dans le comportement humain. Ces comportements et habitudes
ont sans doute été remodelés par la culture, mais sur une période nettement plus courte (de
l’ordre de quelques centaines de milliers d’années, voire de milliers d’années seulement) ? Il
est donc également raisonnable de penser que l’un ou l’autre de ces comportements ont plus
ou moins résisté au modelage culturel. Ou encore, on peut penser que la couche culturelle du
comportement peut, dans certaines circonstances, être « attaquée » et que l’on assiste alors à
des formes de régression phylogénétique vers le noyau instinctif.
L’éthologie constitue une discipline intéressante pour notre propos. Comme le soulignent
FEYEREISEN et de LANNOY (1985), on peut voir dans les mouvements expressifs du corps
comme un reste d’animalité, un résidu de réactions instinctives héritées de nos ancêtres
phylogénétiques.
L’anthropologie, va également nous aider à comprendre le phénomène humain tant dans sa
dimension culturelle que phylogénétique (évolution de l’espèce).
La primatologie nous a donné également une idée sur la façon dont les contraintes de
l’environnement déterminent les comportements chez des espèces phylogénétiquement
proches de l’homme. C’est d’ailleurs par cela que nous ouvrons ce chapitre.
C’est à ce titre que nous nous risquons à parler d’éthologie et d’anthropologie cliniques.
,Texte provisoire – Diffusion interdite
1. MODELES ANIMAUX
Dans quelle mesure le comportement animal peut nous apprendre quelque chose sur le
comportement humain ? Ouvrons quelques dossiers !
Eléphants
Les éléphants sont connus pour leur intelligence. Ils disposent d’une organisation social
complexe, adoptent des comportements qui évoque une conscience de la mort et font preuve
de grande capacité d’apprentissage.
Des observations récentes suggèrent qu’ils sont sensibles aux situations traumatiques et
qu’ils sont susceptible de développer des syndromes post-traumatiques, comme le document
ci-dessous le suggère :
Elephants remember to take revenge
By Roger Highfield, London
February 17, 2006
The saying that elephants never forget has been given a chilling new twist by experts who believe
that a generation of pachyderms may be taking revenge on humans for the breakdown of elephant
society.
Elephants appear to be attacking human settlements as vengeance for years of abuse, the New
Scientist reported.
In Uganda, for example, elephant numbers have never been lower or food more plentiful, yet there
are reports of the creatures blocking roads and trampling through villages, apparently without cause
or motivation.
Scientists suspect that poaching during the 1970s and 1980s marked many of the animals with the
effects of stress, perhaps caused by being orphaned or witnessing the death of family members.
Many herds lost their matriarch and had to make do with inexperienced "teenage mothers".
Combined with a lack of older bulls, this appears to have created a generation of "teenage
delinquent" elephants.
Dr Joyce Poole, the research director at the Amboseli Elephant Research Project in Kenya, said:
"They are certainly intelligent enough and have good enough memories to take revenge.
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,Texte provisoire – Diffusion interdite
"Wildlife managers may feel that it is easier to just shoot so-called 'problem' elephants than face
people's wrath.
"So an elephant is shot without (people) realising the possible consequences on the remaining
family members and the very real possibility of stimulating a cycle of violence."
Dr Poole's study showed that a lack of older bulls to lead by example has created gangs of hyper-
aggressive young males.
Richard Lair, a researcher at the National Elephant Institute based in Thailand, said that there were
similar problems in India where villagers — particularly in West Bengal — live in fear of male
elephants, which the villagers claim attack the village for only one reason: to kill humans. "In
wilderness areas where wild elephants have no contact with human beings they are, by and large,
fairly tolerant," he said.
"The more human beings they see, the less tolerant they become."
Ce document est intéressant. De jeunes éléphants ayant vécu des situations traumatiques
devinennent « délinquants » au cours de leur adolescence – en Ouganda, en tuant le bétail de
villageois en guise de représailles suite à des attaques de ces mêmes villageois (ce qui dénote
une grande intelligence puisqu’ils ont fait le lien entre les villageois et le bétail), en Afrique
du Sud, en tuant des rinocéros femelles refusant leur avances sexuelles. Compte tenu du
mode de vie des éléphants, le rapport de cause à effet entre les situations traumatiques et les
comportemnts « pathologiques » semblent relativement évident.
Canidés – effets de meute
Dans une meute de grands chiens, si l’un d’entre eux se met à aboyer et à courir, les autres
lui emboîtent le pas, par pure mimétisme. Chacun confortant l’autre, le phénomène s’amplifie
en boucle sans qu’il soit possible de le contrôler. C'est l'effet de meute.
On observe aussi ce phénomène chez l’homme : rumeur, embrigadement sectaire ou
idéologique (nazisme, communistes), emballement de foule, affolement en bourse, action de
marketing, messages internet, viol collectifs (« tournante »),etc… L’expression « hurler avec
les loups » est donc à peine une métaphore !
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, Texte provisoire – Diffusion interdite
Primatologie
L’étude de nos « cousins » directs, les grands primates, est susceptible de nous aider à
cerner l’« archéologie » de nos comportements.
Frans de WAAL (2005) a longuement étudié le comportement des grands primates, en
particulier celui des Chimpanzés et Bonobos.
Ces espèces ont des facultés que l’on croyait, jusqu’il y a peu, constituer une exclusivité
humaine : empathie, solidarité, capacité de former des coalitions, gestion des conflits … La
faculté de s’imaginer ce que l’autre pense et vit (théorie de l’esprit) ouvre la porte à
l’empathie, mais aussi à la cruauté. Un Chimpanzé ou un Bonobo sont parfaitement capables
de se représenter l’effet de leur comportement sur un congénère.
Chez l’homme, et en particulier chez les enfants, la « théorie de l'esprit » concerne l'aptitude à
comprendre que le point de vue de l'autre peut différer du sien.
La Théorie de l’esprit désigne les processus cognitifs permettant à un individu d'expliquer
ou de prédire ses propres actions et celles des autres agents intelligents. Il s’agit donc de
l'aptitude à comprendre les conduites d’autrui sur base des inférences à partir d'états
mentaux supposés. Il semble que l'humain et certains grands primates seraient les seuls à
posséder cette capacité à traiter les états mentaux intentionnels. Chez l’homme, cette capacité
ne serait pas maîtrisée avant l'âge de 4 ans. Les individus souffrant d'autisme présentent dans
leur grande majorité un important déficit en Théorie de l'esprit. Il semble que cette aptitude
constitue un prérequis à l’empathie qui, quant à elle, concerne plus particulièrement la sphère
émotionnelle. Enfin, ce concept doit être associé au phénomène d’attribution de fausses
croyances tel qu’on l’observe dans certaines pathologies (exemple, la paranoïa).
Chimpanzés - pouvoir – stratégies et alliances
En outre, les chimpanzés sont passés maîtres dans l’art de sceller des coalitions afin de
conquérir le pouvoir, et ce, sur des périodes de temps relativement durables. Ainsi, Frans de
WAAL montre comment « Yeroen » et « Nikkie », deux mâles chimpanzés, s’associent afin
de prendre le pouvoir et en fomentant un « assassinat politique » contre « Luit », le mâle alpha
du groupe.
Or, la soif de pouvoir et de privilèges se retrouve aussi chez l’homme. Les exemples
foisonnent dans les partis politiques, les conseils d’administration, les comités de direction,
etc. Dans la rue, de jeunes « mâles » rivalisent au moyen de grosses cylindrées, de chaînes
stéréo tonitruantes ou vêtements coûteux.
Les chimpanzés sont obsédés par le pouvoir compte tenu des immenses avantages
lorsqu’ils parviennent à le conquérir (nourritures, compagnes sexuelles, …) ou de l’intense
amertume (voire des dépressions) lorsqu’ils le perdent.
Dans cette conquête du pouvoir, les chimpanzés sont capables de mettre en oeuvre des
stratégies, par exemple, nouer des alliances et des « traités » avec certains congénères afin de
renforcer leur position sociale.
Le rang détermine aussi qui disséminera sa semence. Bâtis pour se battre, les chimpanzés
ont tendance à scruter et détecter les faiblesses de l’adversaire. Dans cet univers, il est donc
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