Cours riche et complet sur le Japon, analysant point par point les différents paramètres de leur puissance mais aussi ses travers et les défis auxquels l'archipel est confronté. Cours rédigé et illustré.
Introduction :
Le Japon a toujours fasciné. Son nom, qui signifie “racine, origine du soleil”, a été introduit par un diplomate portugais.
Il a mobilisé un imaginaire extraordinaire avec une incroyable continuité. Même les Chinois, relativement proches,
considèrent le Japon de manière très lointaine, entre méfiance, curiosité et attraction. Le problème réside dans le discours
des Japonais sur eux-mêmes, à la fois lisse et contradictoire. La barrière culturelle a favorisé un argumentaire autour de
l’homogénéité et la singularité des Japonais. Pourtant la diversité culturelle, sociale et territoriale japonaise est grande,
dans un pays étendu sur 377 000 km2 et à l’histoire longue. Le discours sur l’unicité japonaise vise justement à réduire
les écarts et unir le peuple (Philippe Pelletier , La fascination du Japon). Il a toujours eu un rapport compliqué avec
l’étranger. Leur discours a toujours mis en valeur une supposée grande différence. Ils voient l’étranger comme incapable
de les comprendre, et réciproquement, les étrangers considèrent les Japonais entre travailleurs et progressistes, et rusés
et sournois.
La situation actuelle est morose. La dette est à 260% du PIB. Le Japon est en crise, aux prises avec une mondialisation
et des valeurs qu’il perçoit comme étrangères, qui menacent justement sa vision sur lui-même d’une nation à nul autre
semblable. Il semble avoir perdu ce qui faisait sa force (notamment la stabilité politique, même si ça va mieux depuis 5
ans). Des difficultés subsistent, comme la perte de sa pleine souveraineté, sous la tutelle des Etats-Unis. Il fait face à des
choix importants : soit sacrifier les multiples intérêts menaçants sa redynamisation, soit décliner ; soit s’ouvrir à
l’immigration, soit favoriser sa natalité, etc. Il doit s’adapter à un nouveau m onde ou décliner .
⎯ Le Japon, un exem ple com paratif avec la France et l’Europe.
Il risque de se sentir lésé dans les changements qui s’opèrent dans la région. L’Europe sent un parallèle et est intéressée
par voir comment il sort de ce cercle vicieux. N icolas B averez comparait en 2013 les déclins français et japonais, deux
modèles aux spécificités économiques fortes, entravant leur adaptation dans la mondialisation et m ontrant leurs
difficultés à se réform er . Il soulignait le parallèle entre l'eurosclérose et un Japon arthritique ayant du mal
à trouver de nouvelles forces dans la mondialisation. Tout comme la France, le Japon peut être assimilé à l’« homme
malade de la mondialisation ». Comparaison n’étant pas raison, si l’incapacité politique à donner sens aux réformes à
mettre en oeuvre pour réformer le modèle est similaire, le Japon a, horm is une situation dém ographique difficile,
plus d’atouts que la France — notamment celui d’être là où le boom économ ique est, en A sie Pacifique .
Malgré le fait que les réformes sont dites « impossibles », on va finir par en faire. Elles vont révéler des inégalités. On
réforme soi-disant pour améliorer, pour que le Japon reparte du bon pied, mais le Japon ne repart pas du bon pied.
Edith C resson déplorait « les fourmis japonaises » : les travailleurs français n’ont pas la même loyauté, fidélité,
obéissance et productivité que les travailleurs japonais.
Aujourd’hui, un nouveau parallèle est tendu entre l’Europe et le Japon. Le Japon est un peu le poisson pilote de
l’économie européenne et nous donne un aperçu de ce que pourrait être l’économie européenne dans le futur. C’est
d’abord une croissance qui s’étiole. C’est ainsi que Paul K rugm an parle de « japonification » de l’économie européenne,
,craignant que l’Europe ne s’engage dans une voie déflationniste. Selon lui, les décennies de moins bien économique du
Japon n’aurait pas suffisamment servi de leçon à l’Europe. L’Europe sem ble m archer dans les pas du Japon avec
10 ans de retard.
I. U n destin à part : le Japon ou “l’A rchipel absolu” ? (B erque)
A . L’histoire très spécifique d’une m odernité non-occidentale.
1. U ne place singulière en A sie.
Le Japon a — s’est construit — une histoire spécifique qu’il veut garder. Il aurait été fondé en -660 par l’empereur
Jinm u. Il a beaucoup emprunté à la Chine, avec laquelle les liens se sont distendus au Xème siècle ; le bouddhisme vient
même d’Inde. Il s’est construit sur des m ythes historiques forts (un puissant mythe de l’autochtonie qui serait à
la base de l’unité de la civilisation japonaise) qui ont une importance encore aujourd'hui. Ainsi, son peuplement serait
l’effet de l’arrivée d’un peuple homogène à partir du IIIème. C’est cette réalité qui est encore affirmée, les autorités étant
réticentes à fouiller le passé : les grandes tombes impériales restent pratiquement interdites de fouilles, afin de ne certifier
des liens à la Chine. Dans les faits, les premiers peuplements datent du II-IIIe, précédant un peuplement plus tardif par
des populations mélangées. Les différences qui existent entre K antô et Kansai sont ainsi niées (sociétés patriarcales à
l’Est, matriarcales à l’Ouest).
Le pays est dirigé par un empereur, le mikado, un être divinisé. Depuis le XVIIème, il a perdu son pouvoir politique
effectif, il vit reclus à Kyoto (capitale politique et religieuse). Le m ikado est alors remplacé par le shogoun.
L’arrivée des Européens dans la région marque une rupture. Les Portugais découvrent en 1543 ce qu’ils identifient comme
étant le Cipango décrit par M arco Polo. Le Japon se ferme à partir du siècle suivant par une politique isolationniste
du Sakoku instaurée lors de la période Edo, de 1641 à 1853. Le christianisme et le contact avec l’étranger est proscrit ;
on veut figer l’ordre social en valorisant le bushido qui imprègne la vie collective japonaise. Mais l’arrivée du commodore
Perry avec ses bateaux noirs en 1853 rompt cette fermeture et menace le pays. Des traités commerciaux inégaux sont
signés sous la contrainte (“politique de la canonnière ”) à Kanagawa.
La modernisation du Japon commence en 1868 avec l’ère M eiji. L’empereur Mutsuhito quitte Kyoto et s’installe à Edo
(aujourd’hui Tokyo), marquant le début de l’ère Meiji, période de restauration : le pays s’ouvre pour mieux résister et
s’industrialiser — et se doter d’une capacité militaire, pour ne pas connaître le même sort que la Chine. C’est la période
du wakon-yosai : « esprit japonais et techniques occidentales. » Cette révolution par le haut est marquante à plus d’un
titre. L’économie est subordonnée à l’impératif militaire, l’élite féodale se modernisant dans le même temps. Le pays
renforce alors sa position originale en Asie.
Les XIXème et XXème siècles laissent des traces au Japon. 1853 constitue sa première défaite. Le révolution Meiji est
un rebond géopolitique, avec l’annexion des Ryūkyū (les îles au Sud de l’île de Honshu, l’île principale) en 1879, de
Formose en 1895, des Kouriles en 1905, de la Corée en 1910, d’anciennes possessions allemandes dont la Micronésie en
1914. Le Japon aspire à dom iner l’espace asiatiqu e, m ais n’est pas rattaché au continent, c’est une île
« en face du m onde ». La poussée de l’impérialisme dans les 1920-30’s mène à l’invasion de la Chine en 1937, puis au
bombardement de Pearl Harbor en 1941 et à la conquête du Siam, de la Birmanie, des Philippines et de Singapour ; cela
permet la mise en place d’une « sphère de coprospérité ». Mais le 2 septembre 1945 marque la deuxième grande
défaite face aux Etats-Unis, avec la condamnation de l’amiral Tojo au procès de Tokyo.
2. Le Japon s’invente un “m odèle” (1945 - vers 1990).
Le miracle japonais naît en 1945, sous la tutelle américaine. M acA rthur a la volonté de démocratiser le Japon et de
changer le système d’économie de guerre mis en place depuis les 1930’s. Une nouvelle Constitution est signée en 1947,
dans laquelle l’empereur (H irohito) n’est plus “Souverain du Ciel” mais est le symbole de l’unité du peuple et de l’Etat.
Des élections libres sont organisées en 1946. Mais le changement n’est pas total : les keiretsu ressemblent aux zaibatsu
, et les élites politiques n’ont pas vraiment été renouvelées. La persistance d’aspects-clés de la société japonaise (“le pin
droit / qui reste vert sous le poids / de la neige”, Hirohito) explique une certaine reconnaissance envers les Etats-Unis.
Le “systèm e de 1940” adapté (qui garde les caractéristiques d’une économie de guerre, avec un contrôle social et une
régulation de l’économie, dans une logique de rattrapage) laisse place au “systèm e de 1955” : fusion des ailes
démocratique et conservatrice avec la création du Parti Libéral-Démocrate (au pouvoir jusqu’en 1990), capitalisme de
connivence (avec des liens forts entre administration, mondes politique et économique). Cela crée un consensus, base de
la réussite du pays. Le compromis toyotiste, qui repose sur le “triangle des trois trésors” (emploi à vie, avancement à
l’ancienneté et domestication syndicale), est alors consacré. On le désigne aussi l’appellation du « triangle d’airain »
(capitalisme de connivence) et le losange de fer (ajoutant le pôle de la mafia, les Y akousas)
La réussite accompagne alors l’économie japonaise. Le taux de croissance est de 10% de 1965 à 1975. Le chômage et
l’inflation épargnent les 1970’s grâce au “triangle des trois trésors”, alors que des marchés extérieurs sont conquis. Après
les délocalisations des 1970’s, les endaka (réévaluation du yen) sont mal vécus puisqu’ils pénalisent les exportations
(accords du Plaza de 1985, sous la pression américaine). Le rapport Maekawa qui fait suite en 1986 illustre le tournant
de la politique japonaise : il préconise un recentrage sur le m arché intérieur et une réduction de l’excédent de la
balance commerciale. Mais le rapatriement rapide de capitaux en provenance des Etats-Unis provoque la constitution
d’une bulle spéculative sur les actifs financiers et immobiliers qui éclate au début des 1990’s (Nikkei perd 50% en 1990
après son pic à 40 000 points) jusqu’en 2003 (Nikkei au plus bas) et 2005 (fin de la baisse des prix du foncier). C’est ce
qui est appelée la “décennie perdue”, au début de l’ère Heisei.
Voir la fiche sur le miracle japonais.
B . U n espace contraint m ais dont il ne faut pas négliger les forces.
1. Les contraintes géographiques bien connues de l’espace japonais.
Le Japon a su surmonter ses contraintes géographiques. C’est un archipel de 4000 îles et îlots, un territoire de 377
000km², 4 fois la Corée, 10 fois Taiwan ; mais il s’est construit géopolitiquement sur Hokkaido, Honshu, Kyushu et
Shikoku (61% du territoire). La construction territoriale a cependant été tardive : l’île de Hokkaido (5% de la population
et 22% du territoire) n’a été intégrée au Japon qu’en 1869, et les Ryükyü, annexées en 1879, sont perdues au profit des
Etats-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale, et ne sont rétrocédées au Japon qu’en 1972.
Son territoire est bien occupé mais pas surchargé. La population a été plafonnée à 30M pendant Edo (infanticides et
famines) ; il y a aujourd'hui près de 130M d’habitants. Cela la place à des densités élevées (333 hab./km2), qui restent
inférieures à la Belgique et aux Pays-Bas, à la Corée du Sud et Taiwan. Il est bien utilisé. La forte présence des
montagnes est handicapante, 83% du territoire est montagneux et volcanique (le mont Fuji culmine à 3376m), limitant
les plaines à 14% (65% en France), d’autant plus que le pays est boisé à 60%. A peine 20% du pays est propre à
l’occupation humaine (la densité y est de 1600 hab./km2) et seulement 12% de la superficie est cultivée.
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