Comme le souligne l'historien Robert Lopez (1910-1986), chaque commune est aussi
un gouvernement de marchands, par les marchands, pour les marchands ». Elles peuvent ainsi
devenir des carrefours d'échanges et de productions artisanales rationalisées.
De cet esprit communal sort la Renaissance et « sa joie de trouver toute européenne » dont parle
Landes, cette « l'invention de l'invention », pour reprendre encore ses termes qui la caractérisent
encore aujourd'hui.
Landes explique cette invention de l'invention des Européens par :
le respect pour le travail manuel, héritage du monde chrétien,
• la subordination de la nature à l'homme que permet une nouvelle conception du monde,
comme nous le verrons, héritée du platonisme,
• le sens judéo-chrétien du temps linéaire,
• Les innovations politique ou économique qui payent et la réussite qui stimule l'imitation et
l'émulation rendues possibles par une relative tolérance religieuse et un intérêt politique bien
compris.
• Mais tentons de rendre compte de cette révolution communale si importante pour expliquer la
naissance ou la renaissance du capitalisme, nous ne prendrons pas parti sur ce point entre la
thèse de Joseph Schumpeter (1883-1950) et celle de Fernand Braudel(1902-1985).
• D'un côté, si les seigneurs puis les Princes accordent de tels privilèges aux communes, c'est
qu'ils peuvent en retirer un gain, l'impôt qu'ils peuvent alors prélever sur elles leur permettant de
financer leurs dépenses de prestige.
• De l'autre, les fermiers libres et les bourgeois, qui sont les adversaires naturels de l'aristocratie
terrienne, soutiennent la couronne contre les potentats locaux.
Cette politique hégémonique se traduit par une unification des territoires et une centralisation du
pouvoir. Elle s'appuie sur la création de nouvelles institutions. L'armée, l'administration et la
justice sont à présent aux ordres des souverains qui prennent en charge leurs dépenses de
fonctionnement.
• Cette politique d'expansion et d'unification territoriale se heurte bien évidemment à la puissance
des autres Etats. Le roi doit donc aussi assurer la défense de ses territoires contre ses ennemis
extérieurs, ce qui le conduit à rationaliser son administration en particulier fiscale et aussi à
s'endetter.
• Les rois doivent aussi lutter contre le pouvoir de leurs vassaux.
• Mais cette guerre, qui se traduit par de nombreuses batailles, comme le montre par exemple en
France l'épisode tardif de la Fronde (1648 et 1653), à la Renaissance est déjà gagnée.
• Si durant la Renaissance les nobles voient donc leur pouvoir politique relatif s'effriter,
ils voient aussi leur pouvoir économique diminuer car leur richesse est affectée par
l'augmentation des prix liée en partie à l'afflux d'or et d'argent en provenance des Amériques.
• Les Etats puissants assurent une relative sécurisation des échanges qui diminuent fortement
leurs coûts, ce qui favorise naturellement le développement du commerce tant régional et
national qu'international.
• Le commerce va en outre bénéficier de la découvertes des Amériques et leur conquête. Les
relations qui se nouent avec ces nouveaux territoires lointains viennent se substituer, en
s'intensifiant, dans les relations d'échange à celles que la chute de Byzance avait rompues.
• On assiste alors à un basculement du commerce maritime de la Méditerranée vers l'Atlantique
si bien décrit par Braudel. L'Italie, ou plus exactement quelques villes italiennes comme Florence,
,Gènes, Milan ou Venise, petit à petit perdre leur le centralité dans les affaires du monde chrétien.
La richesse commerciale se développe en Espagne, au Portugal, en Flandres et aux Pays-Bas,
puis en France et un peu plus tard en Angleterre grâce aux activités maritimes qui se
développent à partir de leurs villes portuaires.
Se défiant de la noblesse, qui prend ombrage de sa nouvelle puissance, le roi s'appuie de plus
en plus sur la bourgeoisie qui s'accroit par son nombre et sa richesse et vit dans des villes qui
s'affranchissent de plus en plus de la tutelle féodale.
• Le pouvoir de cette bourgeoisie augmente grâce au développement du commerce tant intérieur
qu'extérieur et du fait de la protection du roi qui, lui-même, en a besoin pour financer ses propres
dépenses afférentes à la gestion de son royaume.
•Les grands commerçants et banquiers à cette époque entrent peu à peu dans les conseils
royaux. Cette bourgeoisie pourra du reste s'anoblir, comme en France par exemple, en achetant,
à partir de 1614, des propriétés féodales.
• Une nouvelle classe sociale voit donc le jour et sa puissance ne fera qu'augmenter au fil du
temps car le roi aura toujours plus besoin d'elle pour mener à bien sa politique.
Cette bourgeoisie qui s'est enrichie avec le commerce prospère aussi grâce à une mini-révolution
industrielle liée à la mécanisation de la production d'armes et de textile et à l'imprimerie.
• Les banques que gèrent les bourgeois, accompagnent cette première phase de développement
commercial et industriel en prêtant aux commerçants et aux entrepreneurs, mais aussi aux rois et
au clergé, ce qui leur donne un pouvoir politique supplémentaire.
Ainsi l'Etat féodal laisse peu à peu la place aux Etats modernes : la France, la Bourgogne qui y
est rapidement rattachée, l'Angleterre, l'Espagne, mais aussi la Pologne, la Hongrie, la Norvège,
la Suède, le Danemark. Ces pays connaissent un renforcement du pouvoir de leur prince.
• Ce renforcement des Etats nationaux est permis, en outre, par la relative faiblesse politique de
l'Eglise qui a toujours eu des rêves impériaux brisés.
• Comme nous l'avons vu précédemment, l'Eglise, durant tout le Moyen-Âge, n'est pas aussi
puissante qu'il n'y parait car elle est régulièrement traversée par de graves crises. En 1054 il y a
la
séparation entre l'Eglise d'Occident et l'Eglise d'Orient. Les XI et XIlème siècle sont marqués par
l'éruption de multiples hérésies dont parle Umberto Eco dans son roman Le nom de la rose
adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud. Elles conduisent à la réforme grégorienne en 1059
qui met l'accent sur la supériorité du spirituel par rapport au temporel et à la création en 1216 de
l'ordre dominicain qui prend en charge la pastorale puis en 1233 de l'Inquisition. Il y a aussi la
division entre 1378 et 1414 entre les papautés de Rome et d'Avignon.
• En outre, durant la Renaissance, comme nous l'avons aussi dit précédemment, il y a le schisme
doctrinal entre catholiques et protestants conduisant aux guerres de religions et la fin d'une
Europe de l'ouest religieusement unifiée.
• Enfin, si le mythe de l'empire chrétien existe encore, il n'exerce plus d'influence effective que
sur les états germaniques, mythe auquel mettra fin, dans la période suivante, la Guerre de Trente
Ans (1618 à 1648) et le traité de Westphalie le 24 octobre 1648 qui inaugure la mise en place d'un
nouvel ordre politique européen.
mais ce début de développement aurait échoué s'il n'y avait eu conjointement une
transformation, certe lente
Comme le montre Charles Taylor (1931-) dans Laïcité et liberté de conscience (2010), la
Renaissance est marquée par une certaine laicisation des esprits des élites.
, • Les élites découvrent dans les écrits classiques et plus particulièrement romains une pensée
bien moins hostile aux plaisirs de la vie que celle défendue par le bas-clergé.
Après avoir eu les yeux rivés vers le ciel puis vers la terre pour expier, les hommes embrassent
cette dernière pour en jouir. Moins préoccupés qu'ils ne le furent durant tout le Moyen-Âge de
leur salut, ils veulent profiter quelque peu de leur séjour sur terre et vont être aidés pour cela par
le
clergé lui-même comme nous le verrons dans la seconde section de ce chapitre.
C'est à cette époque que l'individu, en tant qu'entité sociologique, fait son entrée sur scène et va
mettre bientôt cul par-dessus tête les institutions traditionnelles.
• Cet individu sociologique pense essentiellement à lui et veut s'enrichir. Il est prêt à tout ou
presque pour cela.
Or l'esprit de modération sur lequel s'appuyait la stabilité de la société médiévale s'étiole au fur
et à mesure que l'esprit de la Renaissance se diffuse avec l'accroissement des villes et des
échanges.
• La découverte des arts classiques conduit à une nette séparation de l'artiste et de l'artisan qui
n'est pas sans conséquence sur l'évolution de la représentation que les individus se font de leur
vie comme l'a montré Charles Taylor dans Les sources du moi (1998)
L'historien de l'art Daniel Arasse (1943-2003) a montré dans divers ouvrages lumineux comment
la peinture témoigne de cette évolution, puisque elle voit apparaître, à côté des sujets religieux,
de nouveaux thèmes dont celui de la représentation des puissants dont les peintres tentent de
percer l'intériorité.
Une seconde invention de la Renaissance dans le domaine des arts est la perspective qui est
emblématique de l'apparition de l'individu. Elle semble avoir été inventée par l'architecte florentin
Filippo Brunelleschi (1377-1446) afin de substituer la représentation au « modello » en bois des
architectes, lui permet de montrer que peinture, mais aussi l'architecture, sont des questions de
représentation.
• La fresque de Masaccio de Santa Maria Novella peinte entre 1425 et 1428, ou le Saint George,
sculpture réalisée par Donatello entre 1415- 1417, sont des illustrations de cette idée.
• Pour Panofsky, la perspective est la forme symbolique d'un monde d'où Dieu se serait absenté,
et qui devient un monde cartésien, celui de la matière infinie, puisque la perspective s'organise à
partir d'une ligne de fuite qui renvoie à l'idée d'infini.
•Cependant si l'explication de Panofsky est philosophiquement passionnante, Arasse montre
qu'elle est malheureusement inadéquate au plan historique.
Arasse soutient qu'avec la perspective, les peintres de la Renaissance ont construit une
représentation du monde qui s'organise en fonction de la position du spectateur. Il est construit
pour le regard du spectateur qui ensuite doit bien sûr y prendre sa place. Ce monde est
proprement humain car le peintre y construit une représentation vraie de son point de vue.
Pour étayer sa thèse Arasse observe que la perspective apparaît au même moment où l'on
géométrise l'espace (cartographie) et le temps (horloge mécanique).
Concomitamment, la découverte des philosophes classiques et tout particulièrement la
redécouverte de Platon donne l'impulsion aux découvertes techniques et scientifiques. En
particulier, les hommes de la Renaissance retiennent de leur lecture de ce philosophe, qui
essentialise tout, que la nature serait écrite dans le langage des mathématiques et qu'il est donc
de ce fait possible d'en découvrir les lois. Cette redécouverte conduira à la révolution galiléenne
à venir.
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