Il s'agit d'un socle minimal de règles impératives qui s'impose à tous les couples mariés. Il tend à la fois à
organiser les relations normales entre époux mais aussi à gérer les situations de crise.
Section 1 : L'encadrement de la vie conjugale
Le mariage crée une famille composée de deux individus.
La loi entend imposer une association minimale des époux : parce qu'ils sont mariés et forment une famille,
les époux doivent faire preuve d'une solidarité minimale dans la gestion de leur patrimoine.
Ensuite la loi intervient pour imposer une autonomie minimale des époux : même s'ils sont mariés les
époux restent des individus et conservent une indépendance (professionnelle, bancaire) qui ne peut être
remise en cause.
I) L'association minimale des époux
A) Les dépenses familiales
Les époux doivent assumer des dépenses quotidiennes pour faire vivre la famille : le crédit, le loyer, la
voiture, les factures.
Tout d'abord, dans les rapports entre époux, qui de l'un ou de l'autre doit supporter ces dépenses ? c'est
la question de la contribution aux charges du mariage.
Ensuite dans les rapports avec les tiers, la loi pose la règle de la solidarité des dettes ménagères qui va
permettre au créancier d'agir contre l'un quelconque des membres du couple pour obtenir le paiement de
son dû.
1) La contribution aux charges du mariage
Article 214 cc « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du
mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives ».
a) Le domaine de la contribution
Quels sont les couples concernés ? la contribution aux charges du mariage ne concerne que les couples
mariés, elle est inapplicable aux concubins. Elle s'applique à tous les couples mariés même s'ils sont
séparés de faits, sauf pour le juge à tenir compte des circonstances (refus pour la femme adultère).
En revanche, les mesures provisoires, ordonnées par le juge dans le cadre d'une procédure de divorce, se
substitue d'office à la contribution aux charges du mariage dès le prononcé de l'ordonnance de non-
conciliation.
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,Quelles sont les dépenses visées? Les charges du mariage regroupent toutes les dépenses liées au train de
vie normal de la famille : dépenses d'alimentation, de santé, d'habillement, dépenses d'entretien,
d'éducation et de scolarisation des enfants (y compris les enfants issus d'un premier lit du conjoint dès lors
qu'ils vivent avec le couple), dépenses de loisirs du couple, dépenses de logement et de transport…
En revanche, il a été jugé que l'impôt sur le revenu ne constituait pas une charge du mariage alors même
que l'imposition est calculée au sein du foyer et qu'il existe une solidarité fiscale entre époux.
À cet égard, il est constant que la contribution aux charges du mariage se distingue de l'obligation
alimentaire :
- L'obligation alimentaire ne concerne que les dépenses vitales.
- La contribution aux charges du mariage a un domaine beaucoup plus large puisqu’elle assure le train
de vie du ménage qui varie d'un couple à l'autre. Il n'est donc pas nécessaire que le conjoint soit dans le
besoin pour le réclamer.
Actualité : Arrêt du 3 octobre 2019 : la Cour de cassation énonce que « sauf convention matrimoniale
contraire, l'apport en capital provenant de la vente de biens personnels, effectué par un époux séparé de
biens pour financer la part de son conjoint, lors de l'acquisition d'un bien indivis affecté à l'usage familial, ne
participe pas de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».
La solution est d'importance car l'époux qui contribue avec ses deniers personnels à financer la part de son
conjoint, dans l'achat du logement, ne contribue pas aux charges du mariage, de sorte qu'il est fondé à être
indemnisé pour un tel apport dont a profité son conjoint.
b) La détermination de la contribution
Comment déterminer la contribution ? L'article 214 prévoit qu'il appartient, au premier chef, aux époux de
déterminer, dans le cadre d'une convention, la contribution aux charges du mariage. L'hypothèse est en
pratique exceptionnelle d'autant que le juge pourra toujours modifier le montant retenu au regard de la
situation nouvelle des époux.
C'est essentiellement le juge qui déterminera, en cas de litige, le montant de la contribution, en prenant en
compte les facultés respectives des époux.
Dans ce cadre, la jurisprudence pose une présomption : l'époux est présumé avoir participé aux charges
du mariage en proportion de ses facultés et il incombe à son conjoint de rapporter la preuve contraire.
La contribution ne prend pas nécessairement une forme pécuniaire.
Ex : La mise à disposition d'un bien (le logement) par un époux ou encore l'exercice d'une activité (ménage,
garde des enfants, travaux sur un bien attaché à l'activité professionnelle) constitue une forme de
contribution aux charges du mariage.
A quel moment la contribution est-elle déterminée ? Les époux s'acquittent, spontanément et sans faire
de comptes d'apothicaire, des charges communes. La question n’accède à la vie juridique que lorsque la
mésentente s'installe dans le couple.
La détermination de la contribution peut parfois intervenir en cours de mariage
Ex : un époux demande au juge de fixer la contribution aux charges du mariage parce qu'il estime que son
conjoint n'y pourvoit pas suffisamment.
L'alinéa 2 de l'article 214 prévoit qu'il peut contraindre son conjoint à contribuer aux charges du mariage
«dans les formes prévues au code de procédure civile ».
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,Mais c'est essentiellement lors de la dissolution du mariage, spécialement pour divorce, que la question va
se poser. La contribution aux charges du mariage est alors déterminée de manière rétrospective en tenant
compte de toutes les circonstances passées. À cet égard la règle «aliments n’arréagent pas » est
inapplicable dans la mesure où la contribution aux charges du mariage est distincte de l'obligation
alimentaire.
Ex : En pratique, il est fréquent qu'un époux, marié sous le régime de la séparation de biens, demande à
être indemnisé pour sa participation non rémunérée à l'activité professionnelle de son conjoint (secrétariat,
comptabilité, relations avec la clientèle). À la différence du régime de communauté, l’époux séparé de biens
n'est pas associé à l'enrichissement de son conjoint. Pour pouvoir obtenir une indemnisation, la
jurisprudence exige que la collaboration soit allée au-delà de la contribution aux charges du mariage.
Cette contribution a également une incidence sur la qualification de donation entre époux.
Arrêt de 2016 : En l’espèce, un époux avait payé le prix de l'appartement acheté par son conjoint et voulait
obtenir la révocation de cette libéralité à l'occasion du divorce. La cour dit que les juges du fond auraient dû
rechercher si la participation de l'épouse avait excédé son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Autrement dit, si l’épouse n'a fait qu’exécuter son devoir légal de contribuer aux charges du mariage, il n'y
a dans l'acte, aucune contrepartie, de sorte que la qualification de donation s'impose et partant de là, sa
révocation.
Désormais, la question est moins sensible dans la mesure où les donations entre époux de biens présents,
pendant le mariage, ne sont plus librement révocables.
Par ailleurs, l'article 258 cc prévoit que lorsque le juge rejette définitivement la demande en divorce, il peut
statuer sur la contribution aux charges du mariage. Il s'agit d'une détermination qui vaut pour l'avenir.
2) La solidarité des dettes ménagères
Alors que la contribution aux charges du mariage concerne les rapports des époux entre eux, la solidarité
des dettes ménagères est relative aux rapports des époux à l'égard des tiers, et plus précisément de leurs
créanciers.
a) Le principe
Article 200 cc « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du
ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l'autre solidairement ».
Il s'agit d'une solidarité légale, les époux sont tenus pour le tout à la dette contractée par l'un d'entre eux.
Ex : supposons qu'un époux ait conclu un contrat avec une école privée pour la scolarisation d'un enfant
pour un montant de 2000€. La totalité de cette somme peut être réclamée par le créancier à l'encontre des
époux et notamment au conjoint non signataire du contrat. Les créanciers n'ont pas à se préoccuper de
l'accord du conjoint puisque les deux sont tenus.
Quels sont les couples concernés ? Comme la contribution aux charges du mariage, la solidarité de cet
article est limitée aux couples mariés. En revanche, il importe peu que le couple ne cohabite plus dès lors
que la dette a pour objet l'intérêt du ménage. L'obligation solidaire dure jusqu'à ce que le divorce soit
opposable aux tiers par la transcription du juge sur les registres d'état civil.
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, Quelles sont les dettes concernées ? Ce qui importe c’est la finalité de la dette : l'entretien du ménage ou
l'éducation des enfants (loyer, dépenses de santé, frais d'hospitalisation d'un enfant, salaire d'une
employée de maison, charges de copropriété du logement).
En revanche, l'origine de la dette importe peu. L'article 200 cc s'applique aux dettes contractuelles comme
délictuelles.
b) Les exceptions
Parce que la solidarité est une règle rigoureuse, elle doit être écartée dans certaines situations où le risque
d'endettement du conjoint paraît trop élevé. Deux exceptions :
- Les dépenses manifestement excessives : article 220 al 2 «la solidarité n'a pas lieu, néanmoins pour
des dépenses manifestement excessives au regard au train de vie du ménage, à l'utilité ou l'inutilité de
l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant ».
C'est en cela que la solidarité des dettes ménagères a un domaine plus restreint que la contribution aux
charges du mariage dans la mesure où il doit exister un lien de nécessité entre la dette et les besoins du
ménage.
Ex : Si des soins dentaires sont normalement couverts par la solidarité, il en va autrement de la pose d'une
prothèse dentaire très coûteuse en ce qu'elle est manifestement excessive au regard du train de vie du
ménage et de l'utilité de l'opération.
- Les achats à tempérament et les emprunts : article 220 al 3 « elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été
conclus du consentement des époux pour les achats à tempérament ni pour les emprunts, à moins que ces
derniers ne portent sur des sommes modestes, nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant
cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au
train de vie du ménage ».
Le texte vise le crédit fourni par un vendeur (achat à tempérament) ou un prêteur (emprunt). Les deux
situations ne sont pas traitées de la même manière dans la mesure où :
La solidarité est réintroduite pour les seuls emprunts lorsqu'ils portent sur des sommes modestes.
Mais en cas d'une pluralité d'emprunts modestes, la solidarité est exclue lorsque le montant cumulé est
excessif au regard du train de vie du ménage.
A l'inverse, pour les achats à tempérament, peu importe le montant modique de l'achat, la solidarité
est toujours exclue.
La solidarité est réintroduite pour les achats à tempérament et pour les emprunts lorsque que l'acte a été
conclu avec le consentement des deux époux. Il n'y a alors plus lieu de rechercher s'ils portent sur des
sommes modestes mais l'emprunt doit présenter un caractère ménager au sens de l'article 220 alinéa 1.
Ex : Si un époux emprunte de l'argent pour payer une voiture à sa maîtresse, il importe peu que son conjoint
ait signé le prêt. La dette n'est pas solidaire mais seulement conjointe (sauf bien sûr solidarité
conventionnelle).
B) Le logement familial
1) La cogestion du logement familial
Article 215 al 3 cc « les époux ne peuvent l’un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le
logement de la famille ni des meubles meublants dont il est garni ».
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