00:00:02
Speaker 1: Bonjour, bienvenue dans Chaleur humaine. Je suis Nabil Ouhakim. Je dois bien
reconnaître que quand le mouvement des gilets jaunes a commencé en novembre 2018, moi
je suis complètement passé à côté. En fait, j'ai rien compris. Quand j'ai vu ces gens qui se
plaignaient de devoir payer plus cher leur carburant, je me suis dit ils n'ont pas conscience
que oui, l'essence, ça va coûter plus cher. Et en fait, on a besoin qu'elle coûte plus cher parce
que c'est un des moyens qu'on a pour se débarrasser des énergies fossiles et enfin mener la
bataille contre le changement climatique. Il faut dire que moi, j'ai toujours détesté conduire.
J'ai grandi en ville et encore maintenant j'ai peur quand je prends le volant. Alors c'est sûr
que ça a pas aidé à mon empathie avec le début du mouvement. Et là, ma collègue Aline
Leclerc, qui a suivi de près le mouvement des gilets jaunes, revenait justement de plusieurs
rencontres sur des parkings de supermarché et elle m'a dit Mais en fait, tu comprends rien
du tout, c'est beaucoup plus compliqué que ça et ça ne me plaît pas trop de le reconnaître.
Mais maintenant je suis bien obligée de dire qu'elle avait raison. D'abord parce qu'elle voyait
que beaucoup de gens sur les ronds points étaient tout à fait prêts à faire des efforts, mais
qu'ils voulaient savoir à quoi ça sert, et puis surtout qu'ils voulaient qu'on leur propose des
alternatives, ce qu'ils n'avaient pas forcément sous la main. Et je dois dire que ça m'a fait
beaucoup réfléchir sur qui doit faire quel effort dans la transition et y compris ici à la
rédaction du Monde. Ça nous a fait beaucoup discuter et je ne crois pas qu'on soit tous
d'accord là dessus. C'est vrai, on sait qu'il faut réduire massivement nos émissions de gaz à
effet de serre et que ça va demander des changements dans nos modes de consommation et
de production et des changements pour tout le monde. Ça, ça concerne toutes les couches
de la population. Mais quand même, est ce qu'on peut demander la même chose à des gens
qui gagnent beaucoup d'argent et à des gens qui en gagne très peu, à des gens qui vivent en
ville et à des gens qui vivent à la campagne, à des gens qui ont des voitures, à des gens qui
n'y en ont pas. Voilà, c'est ce genre de questions que j'ai envie d'aborder aujourd'hui. Et j'ai
compris beaucoup de choses quand j'ai ouvert le Rapport mondial sur les inégalités qui est
paru l'année dernière. Un gros travail coordonné par les économistes Thomas Piketty, Lucas
Chancel, Gabriel Zucman et Damien Saez. C'est une mine d'infos. Et dedans, j'ai appris par
exemple qu'au niveau mondial, les 1 % les plus riches, ils émettent autant de gaz à effet de
serre que les 50 % les plus pauvres. Comment on fait pour intégrer cette question des
inégalités à la lutte contre le changement climatique? Est ce qu'on peut mener en même
temps la bataille pour le climat et la lutte pour réduire ces inégalités? Et puis surtout,
comment on fait pour que la transition, elle, ne génère pas encore plus d'inégalités que
celles qui existent déjà? Pour répondre à toutes ces questions, je suis ravi d'avoir en face de
moi Lucas Chancel. Lucas Chancel est économiste, il est spécialiste des inégalités et de
l'environnement et il est justement l'un de ceux qui a coordonné ce très gros rapport dont je
viens de vous parler. Il est co-directeur du Laboratoire sur les inégalités mondiales à l'Ecole
d'économie de Paris et il défend une thèse l'idée qu'on peut à la fois combattre le
changement climatique, faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre et en même
temps faire baisser massivement les inégalités au niveau mondial mais aussi en France.
Bonjour. Lui ca Chancel.
00:02:57
Speaker 2: Bonjour.
, transcript
00:02:58
Speaker 1: Alors Lucas Chancel, je vous ai déjà entendu dire Essayez de résoudre le problème
du changement climatique sans s'attaquer à la question des inégalités. Ça nous amène droit
dans le mur. Est ce que vous pouvez m'expliquer ce que ça veut dire?
00:03:09
Speaker 2: Alors je pense que votre introduction sur les gilets jaunes montre parfaitement le
la tension qui est face à nous. C'est à dire que, en fait, tout le monde a envie d'une planète
désirable et tout le monde est prêt à faire des efforts pour préserver l'habitabilité de la terre
et offrir à ses enfants, à ses petits enfants, un monde dans lequel on puisse respirer. Sauf
que bon, il y a des efforts qu'il faut faire aujourd'hui, et ces efforts, ils représentent pas la
même chose pour tout le monde. C'est à dire que quand on est contraint, quand on a peu de
revenus, quand on a peu d'épargne, quand on a peu d'alternatives à l'utilisation de sa
voiture par exemple, eh bien ce n'est pas la même chose de rentrer dans ce débat sur la
transition que quand on a une bonne épargne personnelle, on peut acheter un véhicule
électrique, on peut rénover sa maison, on peut décider d'acheter plus cher des produits bio
qui émettent moins de CO2, qui utilisent moins de pesticides, mais qui vont coûter deux fois
ou trois fois plus cher. Donc là, on voit bien qu'il y a un enjeu de de justice sociale. Il y a un
enjeu de comment est ce qu'on répartit l'effort. Et je pense que pour discuter de ces
questions, c'est important d'avoir quelques chiffres clés en tête qu'on n'a pas toujours à
l'esprit. En fait, quand on aborde la question climatique. Pourquoi? Parce qu'on dit souvent
bon bah voici l'empreinte carbone d'un Français, voici l'empreinte carbone d'une famille.
Sauf que tous les Français, toutes les familles, n'émettent pas la même, le même niveau de
carbone, d'émission carbone. Et le point de départ, c'est quand même ça. C'est quand même
quel est le niveau de pollution des uns et des autres. Et par rapport à ce niveau de pollution
là bas, quels vont être les efforts requis pour arriver en 2030 à tel objectif et en 2050 à 0
carbone? Parce que l'objectif, au final, c'est bien que tout le monde soit zéro tonne de
carbone en 2050. Mais le chemin pour y parvenir, c'est là l'espace du débat politique.
00:05:08
Speaker 1: Et ça, c'est ce qu'on voit bien dans le Rapport mondial sur les inégalités et dans
les travaux que vous avez menés. Est ce que vous pouvez justement préciser un peu là
dessus quand vous dites Tout le monde n'émet pas autant, si on découpe, j'allais dire, par
niveau de revenu, on voit bien les riches émettent plus que les pauvres, mais par exemple en
France, ça se traduit comment concrètement?
00:05:27
Speaker 2: Donc en France, chaque année, un Français en moyenne va émettre à peu près
neuf tonnes de carbone pour donner un un élément de repère, de comparaison. Si vous
prenez l'avion de Paris jusqu'à New York et que vous revenez, vous allez émettre à peu près
1,5 tonnes de carbone juste dans ce billet d'avion aller retour. Donc en moyenne, chaque
Français est à environ neuf tonnes. Et dans ces neuf tonnes, je prends en compte. On inclut
ici les émissions dites importées, c'est à dire les émissions qui sont faites en Chine pour
produire les biens et services que vous allez consommer chez vous en France. Donc ce n'est
pas juste l'essence qu'on met dans sa voiture ou le gaz qu'il y a derrière l'électricité qui va
allumer nos téléviseurs. Il y a aussi le pétrole ou le charbon utilisé dans la fabrication du
téléviseur. Mais ça, ce n'est qu'une valeur moyenne. Et en réalité, quand on fait des études
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