Fiche du chapitre 1 du livre "La connaissance philosophique" d'Hubert Grenier (grand professeur de philosophie), chapitre portant sur les rapports complexes unissant la philosophie et les philosophies.
Hubert Grenier, La connaissance philosophique
Chapitre 1 : La philosophie et les philosophies
Platon : au philosophe il appartient de percevoir les ensembles. La philosophie s’est constituée comme le seul
savoir intégralement compréhensif, synoptique. Mais les divergences des doctrines philosophiques, la disparité
de leurs méthodes suffisent manifestement à ruiner son ambition synthétique. S’il y a des philosophies, c’est qu’il
n’y a pas de philosophie. Les philosophies sont à la fois la vie et la mort de la philosophie.
Si la philo a voulu s’instaurer comme la science de ce qui existe dans le temps de toujours (Platon), alors l’histoire
ne sied pas à la philosophie. Un savoir ne saurait avoir de vérité que s’il s’assimile, que s’il s’égale à son objet : la
connaissance de l’éternel ne peut donc être autre chose qu’une connaissance éternelle.
Avec Descartes et le cogito, le métaphysicien n’a pour rôle que de convaincre le savant qu’il ne perdra pas son
temps à découvrir les lois d’une réalité dont seule la philosophie démontre qu’elle ne se ramène pas à un songe
passablement cohérent, garantissant ainsi que le bonheur escompté des conquêtes de la science ne sera pas un
bonheur de rêveurs.
I. Philosophies et œuvres d’art
La philosophie ne saurait regarder son histoire comme un gourmet contemple une luxueuse corbeille : il ne
convient pas de comparer les philosophies à des œuvres d’art.
La beauté est ce qui reste quand tout a disparu. Voilà pourquoi de toutes les valeurs elle est la seule à laquelle
l’épreuve du réel ne réserve aucun dégât. Tandis que nous n’aurons jamais qu’un moyen d’être moraux, savoir
que nous ne le sommes pas ; tandis qu’en fonction de l’exigence critique le vrai n’est jamais assez vrai ; en
revanche, ce qui est beau se révèle toujours plus beau.
À la philosophie il est interdit de profiter des somptueuses ressources du pluralisme esthétique. Les philosophes
ne se présentent pas à nous comme des maîtres qu’il serait loisible de tous suivre à la fois. Leurs doctrines ont
pour dignité de refuser le partage. En tout cas, voilà l’avis de l’opinion se figurant que les philosophes se traitent
comme des adversaires. Il lui semble que les idées seraient destinées à entrer en conflit.
Mais une idée n’est pas quelque chose se heurtant à quelque chose et subissant une résistance. Elle n’a pas à se
frayer un chemin. Il serait contradictoire qu’il y ait entre les idées un quelconque antagonisme. Il n’existe donc
pas a priori de polémique en philosophie.
II. Philosophies et axiomatiques
On pourrait dire que les philosophies sont autant de productions indépendantes mais engendrées par un même
type de construction intellectuelle. Cette solution permet de distinguer les philosophies dignes d ce nom des
idéologies au rang de quoi l’incompréhension les ravale : une idéologie s’efface avec la cause qu’elle défendait
(on n’est pas longtemps intéressant quand on ne fait que soutenir des intérêts), et la pérennité des philosophies a
pour cause la rigueur sans défaut de leur ordre de raisons.
Entre les doctrines, la réalité ne servirait-elle pas naturellement de tribunal, à travers le critère de l’adéquation à
la réalité ? Non, car à supposer qu’on accepte pareille juridiction, celle-ci s’appuie sur une image confuse et
inconsistance de la réalité, précisément celle que dénonce la philosophie – c’est le premier acte de toute
philosophie, qui y substitue un véritable réel, un réel philosophique, dont chaque système élabore les modalités
théoriques en fonction de ses exigences spéciales. Les philosophies, délimitant chacune pour soi ses normes de
vérité, disqualifient en une prodigieuse ruse toute instance devant laquelle elles seraient forcées de comparaître.
Mais s’il ne peut plus y avoir de philosophies fausses, c’est qu’il n’y a pas de vérité de la philosophie. Tout ce qui
est gagné par celles-là est perdu par celle-ci.
Une thèse est fausse, si elle contrevient aux exigences de la cohérence, mais, pour être vraie, il ne lui suffit pas de
s’y plier. La validité logique, érigée en maître absolu, c’est l’idéal de vérité de ceux qui ont renoncé à la vérité, qui
du vrai n’apprécient plus que l’apparente contrainte et n’aiment la rigueur que pour ses rigueurs.
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