Fiche du chapitre 7 du livre "La connaissance philosophique" d'Hubert Grenier (grand professeur de philosophie), chapitre portant sur les différentes façons d'aborder le concept de "preuve", sur le rapport de la preuve à la vérité, et sur la spécificité de la connaissance philosophique qui n...
Hubert Grenier, La connaissance philosophique
Chapitre 7 : La preuve
Hegel : les maths ne reçoivent leur vérité qu’à leur terme, elle n’est pas leur œuvre ; le travail du mathématicien a
sa récompense hors de soi, dans la contemplation immobile ne portant plus trace des étapes laborieuses qui ont
conduit à elle. D’abord, on fait des maths (on tâtonne, etc.), ensuite on les sait. L’histoire, c’est pareil : les critères
d’une vérité extérieure à la connaissance qu’on en prend y sont identiques : l’exactitude, la précision… La
connaissance mathématique comme la connaissance historique, ce n’est que du factuel. Imparfaite donc ces
sciences, secondes et secondaires par rapport à leur matière.
Il n’y a qu’en philosophie que la forme du savoir n’est pas étrangère à son contenu : philosophique est la pensée
qui, cessant d’en user avec le vrai comme avec « une monnaie frappée toute prête à être dépensée et encaissée »,
comprend que dans son unique éclaircissement par elle-même se développeront toutes les vérités.
Les preuves en philosophie sont difficiles, d’un maniement souvent très incertain. Les preuves indirectes ne sont
en ce domaine d’aucune efficacité, contrairement à ce qu’en pensent de nombreux métaphysiciens.
I. La preuve ontologique
Beaucoup de formulations. En voici deux célèbres :
- Dieu est un être parfait ; or une perfection qui ne comprendrait pas l’existence ne serait évidemment pas
complète ; donc Dieu est aussi doté de l’existence
- Formulation d’Anselme de Cantorbéry (Saint Anselme) : Dieu est ce qui est tel que rien de plus grand ne
peut être conçu ; or même « l’insensé » qui nie l’existence de Dieu a dans son intelligence une
représentation de Dieu ; donc Dieu existe au moins en un endroit, et comme il est tel que rien de plus
grand ne peut être conçu, il existe aussi hors de l’intelligence de l’insensé
Si cette preuve est vraie, conceptuellement, rien ne distingue l’idée du fait ; l’existence n’est plus qu’un néant. La
preuve avait d’autant moins de mal à faire entrer l’existence dans l’essence de Dieu qu’elle l’y dissipait.
L’argument se résume à un pauvre truisme : si Dieu est, il est.
Lagneau : l’idée d’une telle explication absolue est contradictoire : qui dit explication dit relation. Il serait
contradictoire qu’il y ait une vérité dont dépendraient toutes les autres et qui serait dispensée pour sa part de
dépendre de rien. Notre siècle en tirera la conclusion que les vérités se soutiennent mutuellement sans nul besoin
de transcendance. La pensée ne saurait se faire valoir que dans ses productions : pour dire ce qu’elle est, elle ne
peut montrer que ce qu’elle fait. Elle se prouve en opérant, en réalisant. Une axiomatique se garantit à la
cohérence de son déroulement. MAIS les philosophies ne sont pas des axiomatiques.
Chaque philosophie ne se prouve et ne se vaut que dans ses limites hypothétiques. « Comme la musique, la
philosophie », déclare Socrate dans le Phédon (60c) : la musique ne vit en dehors de l’âme, elle n’est réelle, elle ne
se répand dans la salle du concert, que si elle vit en dedans de l’âme. Une philosophie ne se prouverait de la
même manière que par la vie qu’en lui donnant en nous, nous nous donnons à nous-mêmes.
Comme toute vérité philosophique, l’âme chez Platon n’a pas l’être d’un fait, d’une chose, elle n’existe que pour
celui qui se soucie d’elle : « si vraiment l’âme est immortelle, elle réclame qu’on en ait soin » (Phédon, 107b-c).
Nul n’a une âme s’il ne se demande s’il en « a » une. Mythique, dans l’acception exacte du terme, l’âme
platonicienne ne se découvre que dans la dimension du discours. L’interrogation sur l’âme, voilà l’âme de l’âme.
II. La croyance
Rien ne commence qu’avec les preuves : la preuve est la voie de la raison, la raison comme voie. Point de pensée
si elle n’est soucieuse de sa propre justification, ou plus exactement (car il y a une injustice qui n’arrête pas de se
justifier), si elle ne place pas la justification de ses idées au-dessus de ses idées mêmes. Qui se contente de croire
s’imagine qu’une idée serait vraie du seul fait qu’elle est sienne. Du fait au droit, de la croyance à la certitude, on
ne passe que par le crible de la preuve. Tant que la pensée n’est que soi, elle n’est pas encore soi. Elle doit se
différencier de sa naïveté première pour conquérir son identité.
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