la façon dont les névrosés contestent la séparation d'avec des objets ou des situations en développant des phobies, soulignant que ces phobies peuvent avoir des aspects symboliques, érotiques et contrephobiques
Je parlais la dernière fois de l'opération qui permet la mise en place du désir du sujet à
partir de la fonction paternelle et de la séparation en tant que processus qui suit celui de
l'aliénation au langage et au désir de l'Autre. La séparation de l'objet, ou de la Chose même, c'est-
à-dire de l'objet à jamais récupérable est contestée par les névrosés. Et la manière peut-être la plus
radicale1 pour faire cette contestation de la séparation est de développer une phobie en ce qui
concerne le registre névrotique mais aussi la perversion, vers lequel, d'ailleurs, peut virer, parfois,
la phobie2. La séparation dans la phobie reste fluctuante, sujet à un déplacement métonymique
dans l'espace d'un objet, fréquemment un animal, qui présente plusieurs attributs :
1) l'animal phobogène présente la jouissance du vivant, ou dans le cas de phobies de l'espace -
agoraphobie, claustrophobie, phobie des hauteurs (acrophobies) etc -, le rapport à l'espace, comme
on va voir, vient présenter quelque chose du côté de l'infini de la pulsion scopique et de la
pulsion orale.
2) L'animal phobique est aussi une tentative de symbolisation - à l'instar d'un totem - d'une
limite entre un espace familier (heimlich) -des zones pacifiées, comme le domicile (home) - et un
autre non familier (unheimlich) des zones où l'angoisse peut surgir à tout moment. C'est la même
chose avec les phobies sociales : les personnes familiers et les autres qui peuvent provoquer
l'embarras, et là encore le regard de l'inconnu joue - comme on le sait de l'expérience commune-
un rôle important.
3) La relation avec l'animal phobogène, va prendre une qualité érotique car il anime la
curiosité du sujet qui veut, comme le petit Hans de Freud, jeter un coup d'oeil. L'objet phobique
peut avoir un trait où apparaît la brillance phallique, un point qui suscite l'admiration du phobique,
la queux du chat par exemple dans une phobie de chats.
4) Enfin il n'est pas rare qu'un objet phobique puisse basculer vers le versant contre-
phobique, c'est à dire ce qui est une protection contre la phobie et vice versa. Les petits ours, et
autres animaux nounours - objets parfois transitionnels - et autres objets (portables) et personnes
accompagnateurs peuvent virer du côté de la phobie. Ou qu'une phobie soit compensée par une
activité périlleuse, un exploit, le parachutisme pour celui qui peur de chats etc. Il n'est pas rare, par
ailleurs, que les phobiques soient friands de films d'horreur.
Comme je le disais la dernière fois, quand le nom du père a opéré il y a du sens phallique
et pour cela il faut que la mère fasse valoir un tiers pour elle mais aussi que ce tiers, le père en
général, ne soit pas à côté de ses fonctions s'est à dire s'occuper du désir de la mère et non pas
d'agir de faire l'éducateur ou d'en ajouter sur l'autorité. Alors, une manifestation clinique témoigne
1
Dans le séminaire Le transfert, en 1961, Lacan évoque à plusieurs reprises la phobie, qu’il considère comme la névrose la plus
radicale, au sens où elle est faite pour soutenir le rapport au désir sous la forme de l’angoisse. C’est face à cette menace que l’objet
phobique est un recours, une armure, un blason « contre la disparition du désir.
2
En 1969, D’un Autre à l’autre, Lacan prend position sur la question de l’existence d’une structure phobique. Il décline cette
hypothèse pour faire de la phobie une plaque tournante qui traverse différentes structures : « La phobie n’est pas une entité
clinique, mais en quelque sorte une plaque tournante, quelque chose à élucider dans ses rapports avec ce vers quoi elle vire plus que
communément, à savoir les deux grands ordres de la névrose : hystérie et névrose obsessionnelle mais aussi bien par la jonction
qu’elle réalise avec la structure de la perversion».
1
, de cette opération : les phobies qui émergent régulièrement dans la vie des enfants, le plus
souvent ente 2 et 5 ans. La phobie est une manifestation en réaction au vide énigmatique du désir
de l'Autre dès que l'enfant s'aperçoit que ce n'est pas lui qui le remplir et attends de trouver un
opérateur qui peut relayer le désir de la mère. Si ce n'est pas lui qui remplit la manque de la mère -
enfin de l'Autre primordial - c'est aussi parce que sa propre image, ce qu'il peut renvoyer à l'Autre
comme image, n'est pas suffisante. Il faut ici se rappeler que l'image du corps n'est pas une donné
dès le départ et qu'elle se forme durant une phase que Lacan a appelé le «stade du miroir» (Ecrits).
Cette image est censée symboliser aussi les sensations proprioceptives, c'est à dire les excitations
ressenties dans son corps, la jouissance du vivant. L'image vient, comme le vase du schéma
optique, donner une illusion d'unité ce qui est perçu comme un amas d'excitations corporelles en
rapport avec les différents objets de pulsions, disons les fleurs du schéma.
Le corps disait Lacan (La Troisième) s'introduit dans l'économie de la jouissance par l'image du
corps. Il disait aussi que «s'il y a quelque chose qui nous donne l'idée du "se jouir" c'est l'animal»
qu'il peut nous la donner, un organisme limite par rapport à l'organisme humain qui est assujetti au
langage. D'un côté alors la jouissance du vivant, celle que les vivants partagent avec les animaux
en tant que organismes vivants et de l'autre une jouissance spécifique à l'humain qui est en rapport
avec le langage, la dite par Lacan jouissance phallique ; laquelle met des limites aussi à la
première, limites qui sont en rapport avec la sexualité. Au point que le mot «cheval», l'animal
peut-être le plus intelligent et à proximité à ce niveau avec l'humain, en grec se dit «άλογο» du «a»
privatif et de «logos».
Pour l'enfant de cet âge ses excitations, cette jouissance du vivant, est aussi, dès cette période
précoce, en rapport avec ses organes génitaux et la masturbation. Ces excitations peuvent être
refoulées par l'opération de la fonction paternelle, c'est à dire par l'intervention d'une instance, d'un
personnage qui va devenir une référence pour l'enfant en ce qui concerne la satisfaction de la
mère. C'est cette limite que l'instance séparatrice entre la mère et l'enfant qui pose des bornes à la
jouissance de la mère et en même temps à la jouissance du corps de l'enfant qu'on appelle
castration symbolique dont l'objet est imaginaire à savoir le phallus. Quand on parle du corps de
l'enfant on peut entendre jouissance du corps de l'enfant par la mère mais aussi cette limite qui
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