Le cours de contentieux administratif belge étudie l'ensemble des litiges attraits devant les
juridictions administratives belges, et par extension, les règles qui s'appliquent au traitement
de ces litiges en Belgique.
CHAPITRE I : LA PROTECTION DU CITOYEN CONTRE L’ARBITRAIRE
ADMINISTRATIF - APERCU DE DROIT COMPARE
I. Les conditions d’instauration d’un contrôle
Pendant longtemps, on a considéré que l’Etat n’avait que 3 grandes fonctions à
remplir :
- assurer la sécurité publique
- percevoir les impôts
- rendre la justice
Par contre, on ne considérait pas qu’il devait lui-même respecter le droit.
Mais ça a peu à peu changé, sous l’influence de différentes circonstances :
- soit une position de faiblesse du pouvoir en place qui l’oblige à faire des
concessions (ex. Angleterre au XIIIème siècle, Magna Carta)
- soit une révolution et un pouvoir nouveau qui veut réagir contre les abus de
l’ancien régime (ex. France en 1789, Allemagne post-nazie, Portugal, Roumanie)
- soit une volonté du pouvoir en place de se réformer et d’abandonner
l’autoritarisme (ex. Espagne post-franquiste, anciennes républiques soviétiques)
Dans ces cas de figure, le pouvoir décide donc de se soumettre à un contrôle. Ce
n’est pas une garantie d’un Etat de droit car l’Etat peut décider d’un contrôle tout en
y soustrayant ses décisions à caractère politique (ex. France sous Pétain) mais ça
permet du moins de soumettre l’Etat au droit, dans une mesure plus ou moins large.
Le contrôle peut être :
- soit interne à l’administration
- soit externe à l’administration : il peut être assuré par 4 différents types
d’institutions, combinées ou pas
• un Ombudsman ou médiateur
• les tribunaux ordinaires (pays de Common Law)
• des juridictions judiciaires spécialisées
• des juridictions non judiciaires spécialisées
II. L’Ombudsman
1. En Suède
L’Ombudsman est une institution née en Suède au XVIIIème siècle.
Elle s’explique par la spécificité du système suédois où l’administration a toujours eu
une large autonomie qui s’apparente à celle du PJ :
- les administrations ne sont pas dirigées par un ministre mais par un chef
d’administration
- les fonctionnaires sont inamovibles, comme les juges
- l’administration ne prend ses décisions qu’après avoir entendu la personne
concernée
- les fonctionnaires supérieurs peuvent réformer les décisions prises par des
, fonctionnaires inférieurs
L’Ombudsman est donc, à la base, un délégué du parlement chargé de surveiller
l’application des lois par l’administration.
Il se saisit d’une affaire
- soit sur demande d’un particulier (qui ne doit même pas justifier d’un intérêt). Il
est donc souvent sollicité et il y a aujourd’hui 4 Ombudsman.
- soit de sa propre initiative. Dans ce cas, il a de larges pouvoirs d’investigation
et d’instruction.
Ses enquêtes aboutissent à :
- soit un classement sans suite
- soit la dénonciation d’une infraction au PJ
- soit des recommandations à l’administration fautive (toujours suivies)
- un rapport annuel au parlement où il est discuté dans le but d’améliorer le
fonctionnement de l’administration
1. Un produit d’exportation difficile
L’institution de l’Ombudsman a été copiée dans d’autres Etats àpdes années ’50, au
niveau national, local ou même dans les entreprises (et dans l’UE).
Mais elle n’est nulle part aussi efficace qu’en Suède car ces Etats en question n’ont
pas le même système administratif. Leurs administrations dépendent d’un ministre et
le médiateur ne peut intervenir qu’après la mise en œuvre de la responsabilité
ministérielle. Ce « filtre » dénature la mission du médiateur.
1. Les médiateurs en Belgique
1. Apparition
La Belgique a elle aussi importé dans son droit l’institution du médiateur. Mais chez
nous, elle ne relève pas nécessairement du pouvoir législatif fédéral et n’est donc
pas considérée comme une institution de protection des droits fondamentaux. C’est
plutôt un mode d’organisation de l’administration.
Elle peut en fait être instituée à différents niveaux et selon les cas, elle l’est par un
acte législatif ou administratif. Chaque administration est compétente pour instaurer
son médiateur.
Il peut avoir des compétences
- soit générales : ex. médiateurs fédéraux, des C et R
- soit spécifiques : ex. délégué général aux droits de l’enfant et à l’aide à la
jeunesse (Communauté française), services de médiation des entreprises
publiques autonomes,…
2. Les médiateurs fédéraux
a) Institution
- 2 médiateurs fédéraux : un francophone et un Flamand qui agissent
collégialement
- nommés pour 6 ans (renouvelables) par la Chambre
- même statut que les conseillers à la Cour des Comptes
- soumis à des incompatibilités afin d’assurer leur indépendance
- autorités quasi-parlementaires rattachées au parlement car il est seul
compétent pour contrôler le PE
- compétence supplétive par rapport aux médiateurs spécialisés et aux recours
administratifs et juridictionnels
b) Missions et compétences
Les médiateurs fédéraux ont 4 missions :
,1°. Recevoir de réclamations :
Tout administré victime d’une déficience du service public (même sans illégalité)
peut saisir les médiateurs sans formalités et sans frais, par écrit ou oralement.
La réclamation ne sera recevable que si l’administré a d’abord tenté un recours
gracieux auprès de l’administration dont il se plaint. C’est un préalable obligé.
2°. Investiguer :
Quand une réclamation est recevable, les médiateurs investiguent. Ils sont de
larges pouvoirs d’instruction (ex. on ne peut leur opposer le secret
professionnel).
Ils doivent tenter de concilier les points de vue des parties en cause.
3°. Faire des recommandations :
Si les médiateurs n’arrivent pas à concilier les points de vue des parties, ils
peuvent faire des recommandations à l’administration et en faire rapport au
ministre concerné.
4°. Faire rapport : les médiateurs doivent faire un rapport annuel à la Chambre qui
le publie.
c) Commentaire
Lors de la transposition de l’institution du médiateur dans notre droit, le législateur a
évité de placer un « filtre » destiné à protéger le principe de responsabilité
ministérielle. Il arrive donc qu’on contourne ce principe mais ça permet en même
temps de décharger les ministres de plaintes parfois très mesquines.
Bref, on peut dire que les médiateurs fédéraux, même s’ils font parfois double
emploi avec les recours judiciaires, ont une certaine efficacité, surtout dans les
dossiers où l’administré est manifestement lésé, et ce grâce à leur mode de
fonctionnement constructif.
III. Le contrôle de l’administration dans les pays de Common Law
1. Notion
Dans les pays anglo-saxons, la Common Law est l’ensemble des règles, créées par
la jurisprudence qui sont communes à tout le pays (par opposition aux coutumes
locales).
Or, un des principes fondamentaux dans les systèmes de Common Law est la rule
of law qui signifie que l’autorité publique est :
- soumise au même droit que les personnes privées
- justiciable devant les tribunaux
Du fait de ce principe, on pourrait croire que, dans ces systèmes, il n’y a pas besoin
de droit administratif puisque l’administration est soumise aux mêmes règles que
n’importe quel particulier. Mais c’est un peu excessif : même si ce sont, en gros, les
mêmes règles qui s’appliquent, elles connaissent tout de même des aménagements
quand l’administration est en cause. Il y a donc bien en Common Law un
administrative law.
1. L’equity
Le système de Common Law s’est développé àpdu XIIème siècle et est peu à peu
devenu rigide. Résultat : beaucoup de justiciables étaient insatisfaits des solutions
apportées. Ils se sont alors mis à introduire des recours devant le roi, puis son
chancelier, au nom de l’équité.
Avec le temps, ce recours est devenu une procédure à part entière, distincte de celle
, de la Common Law. Aujourd’hui, c’est la Chancery division de la High Court qui est
compétente pour en connaître.
1. Organisation
Les litiges qui impliquent l’administration sont rarement tranchés au niveau local
(county courts). La plupart du temps, ce sont les juridictions centralisées à Londres
qui sont compétentes (High Court, Court of Appeal, House of Lords).
C’est surtout cette question de compétence qui est réglée par l’administrative law.
En effet, le droit anglo-saxon est plus axé sur les règles de forme que de fond
puisque le fond est créé par le juge via le système de Common Law.
1. Types de recours
En droit anglais, toute procédure commence par un writ. C’est un ordre qu’un officier
public, à la requête du demandeur, adresse au nom du roi à ses agents pour qu’ils
contraignent le défendeur à respecter le droit. Si le défendeur désobéit, le procès
naît et porte sur la question de savoir si l’ordre était régulier et s’il pouvait, oui ou
non, y désobéir.
Il y a différents types de writs et donc de recours :
1°. Ceux qui relèvent de la Common Law :
- mandamus(= nous ordonnons) : on demande à la Cour qu’elle ordonne à
une autorité publique de remplir ses obligations légales.
- certiorari(= être confirmé) : on demande à la Cour de vérifier la régularité
d’une décision administrative ou juridictionnelle (même venant d’une
institution de droit privé) et, le cas échéant, de l’annuler.
- prohibition : on demande à la Cour d’interdire à une autorité de continuer à
agir illégalement.
2°. Celui qui relève de l’equity : l’injunction (cf. prohibition)
3°. Un recours apparu plus récemment : la declaration
Avant tout litige, on demande au juge le sens d’une règle de droit ou si un acte
est valable. La réponse du juge n’est pas contraignante mais elle a une telle
autorité morale qu’elle est toujours respectée.
Ce recours a beaucoup de succès car il est simple à introduire.
1. Etendue et efficacité du contrôle
Le contrôle de la puissance publique en droit anglo-saxon recouvre :
- ses actes illégaux :
• erreurs de droit ou de fait
• excès de pouvoir
• décisions irraisonnables
• fraude, mauvaise foi et malveillance
• partialité
• violation d’audi alteram partem
- sa responsabilité
Ce système est performant mais compliqué, cher et difficilement exportable dans les
pays qui ne sont pas de Common Law.
IV. Juridictions spécialisées intégrées à l’ordre judiciaire : l’Allemagne fédérale
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