Texte provisoire – Diffusion interdite
Approches systémiques
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Illustration clinique (in Hendrick, 2007)
Voici une brève vignette clinique. Il s’agit d’une thérapie menée selon le modèle TBSI
(Hendrick 2007, 2013) dans le cadre d’un centre de consultation ambulatoire. Cette
illustration indique notamment quand et comment certains principes systémiques du modèle
TBSI sont mis en œuvre.
Lorsque les ados s’en mêlent et s’emmêlent
Il s’agit d’une mère qui vit avec ses deux adolescents et le beau-père de ces derniers. Marie a consulté plusieurs
thérapeutes avant de nous rencontrer. Cela n’a pas aidé sa fille Maryse, âgée de 16 ans. Elle a aussi un fils,
Mortimer, âgé de 18 ans. Elle souhaite consulter seule.
Depuis quelque temps, les relations sont tendues entre le beau-père, Eric, et les adolescents. Le beau-père s’est
mis en tête de mettre de l’ordre dans les comportements de ceux-ci. Ils ne rangent rien, fument du haschisch. Le
paroxysme a été atteint quand Monsieur a fouillé la chambre de sa belle-fille et lorsque celle-ci s’en est rendu
compte. Tout en le désapprouvant, Marie m’explique qu’elle est elle-même tombée «par hasard» sur le journal
intime de sa fille. En dehors des crises, Madame est très complice avec ses enfants, en particulier sa fille. Celle-
ci conseille à sa mère de quitter le « taré » (le beau-père). Elle envisage de partir en vacances avec ses enfants
sans son compagnon, mais hésite à quitter celui-ci.
Lorsque j’explore les tentatives de solution, Madame m’explique qu’elle s’use à jouer les pompiers au point
qu’elle songe sacrifier sa vie de couple au profit de ses enfants en quittant Monsieur. Je lui dis qu’elle doit avoir
de bonnes raisons de sacrifier ainsi son couple pour ses enfants. Elle m’explique que Mortimer a eu un cancer à
l’âge de 2 ans. Maryse est née entre deux chimiothérapies de Mortimer. Marie pense que le comportement de
Maryse est une séquelle de l’abandon qu’elle imagine lui avoir fait vivre lors des chimiothérapies de son frère.
En conséquence, Marie estime devoir réparer cette faute en donnant plus de temps à Maryse. Elle m’explique
qu’après l’épisode de la chimiothérapie, chaque enfant s’est mis à chronométrer le temps qu’elle passait avec
l’autre. Le temps a passé et Marie a calculé qu’elle avait fait l’équivalent du tour du monde en conduisant les
enfants à leurs activités. On imagine facilement le rôle que cela a joué dans sa vie conjugale.
Marie pense qu’elle a «tout» tenté et ne voit plus aucune solution: raisonner ses enfants, raisonner Eric,
s’interposer, etc. Je lui demande s’il lui est arrivé d’observer des situations où ce type de difficultés ne s’est pas
posé. Elle se rappelle qu’effective- ment, il n’y a pas eu de problème lors des dernières vacances en Corse. Elle
met l’amélioration sur le compte de la détente et de l’exotisme. Je lui demande néanmoins de décrire ce qui avait
changé dans leurs habitudes. Elle m’explique qu’elle passait plus de temps en couple alors que les adolescents
passaient le plus clair de leur temps avec des jeunes de leur âge.
Je lui suggère de retrouver ces moments de paix où elle a pu vivre une relation de couple agréable avec
Monsieur. Après quelques péripéties, le système familial se réorganise sur la base de « frontières » plus claires.
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(Suite de l’illustration à la fin de ce chapitre).
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I
Concepts et évolution de l’approche systémique
De façon plus générale, le fonctionnement de tout système vivant ne peut être correctement
appréhendé que dans son contexte, dans une dynamique temporelle et en prenant en compte
l’ensemble des variables qui le définit.
En particulier, le fonctionnement d’un individu ne peut être correctement appréhendé que
dans la perspective des relations de cet individu avec son entourage (contexte), dans la durée
(dynamique temporelle) et dans sa globalité (son corps, ses émotions, ses croyances, ses
groupes d’appartenance, son histoire, etc).
L’histoire des idées qui conduit à la pensée systémique est passionnante. Mais l’espace
nous manque pour la retracer. Nous allons donc essayer de relever l’impossible défi de
retracer en quelques lignes comment on est passé de la pensée analytique (fondée sur les
notions de causalité linéaire, de prévisibilité, de stabilité et d’une réalité objectivable) à la
pensée systémique actuelle (fondée sur les notions de causalité circulaire, d’imprévisibilité,
d’instabilité et d’une réalité construite par « l’observateur »).
1. Émergence de la pensée systémique
Vignette clique introductive - Véronique & Léon
Véronique téléphone pour un R.V. parce qu’elle est dépressive. J’invite le mari à la séance. Léon, le mari,
est d’accord de venir. En séance, Véronique explique que son mari n’est pas assez proche. Il travaille 9h/jour et
passe le plus clair de ses loisirs en salle de sport ou avec ses copains. Léon explique qu’il a besoin de ces
activités « pour détresser ».
Le couple est marié depuis 15 ans. Ils ont un fils de 12 ans et une fille de 7 ans. Léon vient d’une famille
nombreuse où il était le cadet. Son père est décédé alors qu’il avait 4 ans. Il décrit sa mère comme fusionnelle et
envahissante. Véronique vient aussi d’une famille nombreuse. Elle est la seconde d’une fratrie qui compte un
frère aîné et deux frères cadets. Elle décrit sa mère comme une femme courageuse, mais dépressive et son père
comme absent. Elle pense qu’elle a hérité des gènes de sa mère, ce que son médecin traitant confirme.
De la pensée analytique à la pensée systémique
À l’époque de DESCARTES et de NEWTON, le monde (et la vision que l’on en a) est
avant tout régi par les lois de la mécanique. Le modèle cosmologique de NEWTON permet
de prévoir la position à venir d’une planète dès lors que sa position passée est connue. En
d’autres termes, le passé détermine le présent et le futur, et le monde est parfaitement
prévisible. En outre, DESCARTES se propose de démontrer que le corps et l’esprit sont deux
substances indépendantes. Il jette également les fondements de la méthode scientifique.
Cette méthode est analytique au sens où il s’agit de décomposer ce que nous appelons
aujourd’hui un « système » en ses parties afin d’étudier celles-ci de manière séparée de
l’ensemble. Enfin, la réalité existe comme une donnée (d’essence divine, pour certains)
indépendante de l’esprit et celui-ci peut connaître le corps et la matière. Dans cette vision du
monde, les choses demeurent telles quelles aussi longtemps que rien ne vient les modifier. Il
s’agit d’univers statique où le changement et le désordre paraissent des exceptions
mystérieuses.
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