Patault
Matthieu
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Anthologie des Caractères de Jean de la Bruyère
2 portraits
3 remarques (5-15 lignes)
5 aphorismes
Livre V :
2 : C’est le rôle d’un sot d’être importun : un homme habile sent s’il convient ou s’il ennuie ;
il sait disparaître le moment qui précède celui où il serait de trop quelque part.
. Chacun à son rôle en société, le sot se doit d’être pesant et l’homme habile de savoir se
mesurer et se retirer si nécessaire.
9 : Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel, et il se
donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle
à la table d’un grand d’une cour du Nord : il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce
qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il discourt
des mœurs de cette cour, des femmes du pays, des ses lois et de ses coutumes ; il récite des
historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à éclater.
Quelqu’un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui ne sont pas
vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur : « Je n’avance, lui dit-
il, je raconte rien que je ne sache d’original : je l’ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans
cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j’ai fort
interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration avec plus de
confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsque l’un des conviés lui dit : « C’est Sethon à qui vous
parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade. »
. Portrait du menteur qui veut se rendre intéressant grâce à ses mensonges. On pourrait
presque parler de « menteur compulsif ». Quant on essaye de lui démontrer que ce qu’il dit est faux,
il se met en colère et se justifie avec d’autres menssonges.
12 : J’entends Théodecte de l’antichambre ; il grossit sa voix à mesure qu’il s’approche ; le
voilà entré : il rit, il crie, il éclate ; on bouche ses oreilles, c’est un tonnerre. Il n’est pas moins
redoutable par les choses qu’il dit que par le ton dont il parle. Il ne s’apaise, et il ne revient de ce
grand fracas que pour bredouiller des vanités et des sottises. Il a si peu d’égard au temps, aux
personnes, aux bienséances, que chacun a son fait sans qu’il ait eu intention de le lui donner ; il
n’est pas encore assis qu’il a, à son insu, désobligé toute l’assemblée. A-t-on servi, il se met le
premier à table et dans la première place ; les femmes sont à sa droite et à gauche. Il mange, il boit,
il conte, il plaisante, il interrompt tout à la fois. Il n’a nul discernement des personnes, ni du maître,
ni des conviés ; il abuse de la folle déférence qu’on a pour lui. Est-ce lui, est-ce Euthydème qui
donne le repas ? Il rappelle à soi toute l’autorité de la table ; et il y a un moindre inconvénient à la
lui laisser entière qu’à la lui disputer. Le vin et les viandes n’ajoutent rien à son caractère. Si l’on
joue, il gagne au jeu ; il veut railler celui qui perd, et il l’offense ; les rieurs sont pour lui : il n’y a
sorte de fatuités qu’on ne lui passe. Je cède enfin et je disparais, incapable de souffrir plus
longtemps Théodecte, et ceux qui le souffrent.
. Portrait type de l’homme pesant en société. La Bruillère nous montre tout ce qu’il ne faut
pas faire si on veut êtres apprécier ou du moins paraître un minimum fin. Il y est question d’un êtres
insupportable de par son manque d’éducation et son manque de considération pour les autres et
leurs temps. Seulement il arrive tout de même à obtenir le soutient des « rieurs », les gens qui se
moquent (lien avec la remarque 57).