• Daniel Cohen, né le 16 juin 1953. Spécialiste de la dette souveraine, il a
notamment conseillé Papandréou et Correa pour renégocier les dettes grecques et
équatorienne en tant que Conseiller à la Banque Lazard. Il a par ailleurs reconnu
avoir soutenu François Hollande. Professeur d'économie à l'ENS, vice-président
de l'Ecole d'économie de Paris qu'il a co-fondé, il est également directeur du
Centre pour la recherche économique et ses applications CEPREMAP. D'origine
mathématicienne, il se définit en 2004 comme un économiste pragmatique.
Son ouvrage Trois leçons sur la société post-industrielle paraît en 2006.
Thèse définie par la 4ème : La séparation de la question sociale et de la question
économique lors de l'avènement de la "société post-industrielle. Postulat : société
industrielle liait un mode de production à un mode de protection.
Résumé
Le capitalisme de l'ère industrielle, celui du XXème, consacre la "protection de la
firme des aléas de la conjoncture". Ingénieurs, ouvriers et dirigeants ont tous le
même objectif et travaillent au sein d'une même structure.
Exemple : une entreprise qui vend des maillots de bain ET des parapluies => emploi
garanti toute l'année.
Or le capitalisme de l'ère post-industrielle signe la destruction de cette unité via la
réorganisation du travail, notamment avec la sous-traitance.
La société post- industrielle peut être définie comme :
une société des services :
Tertiarisation de l'économie et l'espoir de Jean Fourastié : les hommes deviendront
libérés du labeur avec l'avènement d'une économie de services. Mais là où l'on
pourrait croire à une amélioration des conditions de travail, cette pénibilité demeure.
L'ouvrier d'usine devient minoritaire pour revenir à un mode plus artisanal,
manutentionnaire.
et une société de l'information :
Nouvelle définition de la structure d'un coût lié à la nouvelle économie - exemple
avec les médicaments. Ce n'est pas la reproduction d'un bien qui est coûteux mais
l'élaboration de la première unité. Intérêt pour les firmes industrielles : dégager la
production et se concentrer sur les travaux de conception et de promotion. 3 leçons :
- les ruptures provocant l'essoufflement de la société industrielle
- la mondialisation et son impact sur ces ruptures
- les difficultés de réguler cette nouvelle "société"
Leçon 1: l'ère des 5 ruptures
1ème Rupture, technologique : l'arrivée d'une nouvelle grappe d'innovations avec
Internet (Arpanet en 1969), le micro-processeur (Intel, 1971) et l'Appel II (1976).
D'ailleurs, l'auteur constate également que les grappes arrivent au niveau des
décennies 70 des 3 derniers siècles (1770s : machine à vapeur, machine à tisser et
pont métallique ; 1870s : Moteur à explosion, électricité et téléphone).
Cohen revient également sur le concept de General Purpose Technology :
,technologies à usage multiple dont le potentiel excède les intentions de l'inventeur.
Par exemple, Internet a été conçu pour permettre les transmissions militaires en cas
d'attaque nucléaire et non pas en vue de créer une nouvelle organisation de la
production.
2ème rupture, sociale à travers les conséquences de cette grappe et la
réorganisation du travail qui en découlent (tout comme l'électricité avait apporté le
fordisme). Dans les deux cas, Cohen montre qu'un faux espoir des artisans apparait,
basé sur l'hypothèse d'un renouveau du travail local et la fin des grandes firmes.
Cette grappe accentue les effets du toyotisme. L'information circule plus vite,
améliorant l'adaptabilité à la demande. On supprime également les temps morts en
rendant les emplois plus polyvalents, ce qui crée un "néo-stakhanovisme" selon
Askenazy et a pour conséquence une délégation des responsabilités sur les classes
inférieures. Il prend 3 exemples pour illustrer cette nouvelle organisation : le dactylo,
le libraire et le guichetier de banque. Cohen note l'augmentation constante des
accidents du travail (tms, stress, et fatigue psychique).
Société industrielle => fordisme = population illettrée + hausse des salaires.
Société post-industrielle => démocratisation de l'enseignement + inflation (soit la
double contradiction du fordisme).
3ème, Rupture culturelle : Mai 68
Mettre un terme à la société hiérarchique, subie et léguée par les parents. Les
jeunes ne souhaite pas renouveler le contrat implicite où salaire signifiait
obéissance. Il s'agit là d'un phénomène international "occidental" (USA, Italie,
Allemagne, Japon, France). Il se caractérise par la rupture avec les institutions
phares de la société industrielle : la famille, l'école et l'usine.
Idée : fin de leur légitimité inée et volonté d'instaurer une légitimité acquise pour ces
institutions => perte de leur monopole sur l'autorité.
Conséquence : recomposition de la famille, pédagogie à l'école et externalisation de
l'usine
Cohen note également que les acteurs de Mai 68 ont également été ceux qui ont
permis l'émergence d'internet.
4ème rupture, Financière 80s
Sous l'ère de la société industrielle, la taille croissante de la firme ne permet plus
aux actionnaires de la diriger. On assiste donc à la mise en place de managers-
salariés avec de nombreuses règles implicites (il n'est pas actionnaire). Or, la
financiarisation de l'économie au début des années 80 transforme le rôle des
managers. Ils sont "arrachés au salariat", notamment avec l'arrivée des stock-
options qui les incitent à se comporter comme actionnaires.
Durant cette période, les attaques des "raiders" auront pour but de découper les
grands conglomérats afin de vendre les différentes activités des entreprises. Cela va
se traduire par une "expropriations" des membres-partenaires de la firmes liées à la
perte de leur avantages, explicites ou non (progression dans la hiérarchie rendue
impossible, fidélisation ne rapportant plus, non renouvellement de contrat de sous-
traitance). C'est la fin de l'économie de partenariat et le développement du dowsizing
des firmes.
Leçon 2 : la nouvelle économie-monde - 5ème rupture permettant de
, comprendre l'émergence de la société post-industrielle
Retour sur la première mondialisation et les similitudes entres les 2. Analogies :
- puissance dominante cherchant à promouvoir le libre échange et à étendre
son influence (auparavant Grande-Bretagne, aujourd'hui Etats-Unis)
- nouveau moyen de communication et de transport
Cohen précise que la première mondialisation était bien plus aboutie : mobilité des
personnes plus importantes (10% de la population était immigrée, contre 3%
aujourd'hui), forte globalisation financière (mouvements de capitaux importants :
50% de l'épargne britannique partait à l'étranger) et très grand respect des contrats
de propriété privée (valeur juridique contrat Bombay = Londres)
On peut cependant constater une hausse incroyable des inégalités entre les pays
pauvres et les plus riches. Voyant que le commerce mondial ne profite pas à tous,
les pays pauvres vont choisir un développement protectionniste. La part des
exportations dans le commence mondial va être divisée par 2 (on passe de 28% à
14% entre 1955 et 1972). Mais cela ne leur réussit guère et le fossé entre les pays
riches et pauvres continue de se creuser. A partir de 80/90 => retour des pays du
Sud dans le commerce mondial et émergence d'une nouvelle organisation du travail
Nouvelle division du travail
Emergence d'un problème : la mise en place d'un "centre prospère et d'une
périphérie pauvre". Asymétrie entre les régions pauvres, ultra-spécialisées et
vulnérables à la concurrence des autres périphéries, et des centres polyvalents,
mieux protégés des aléas du commerce". Cohen prend l'exemple du chemin de fer
français au XIXème. La liaison ville-campagne provoqua, non pas de nouveaux
débouchés pour les bourgs et village, mais l'exode vers les centres développés,
riches et aux infrastructures plus productives. "Comme disent les économistes, le
problème des voies ferrées est qu'elles fonctionnent dans les deux sens".
Application à l'échelle de la nouvelle économie-monde
Cohen prend en exemple une paire de Nike pour illustrer le phénomène de la
"désintégration verticale de la production" et la transformation de la chaîne de valeur
d'un bien. Nike vendue 70$, imaginée au Etats-Unis. Salaire à 2,75$ et coût total de
fabrication dans un pays pauvre, transport compris jusqu'à L.A. = 16$. Pour
transformer ces chaussures en objet social, le coût est doublé => 35$. Le reste
correspondra au frais de distribution et à la marge. C'est un exemple parfait de cette
société post-industrielle : "la conception en amont et la prescription en aval
deviennent le coeur de l'activité des pays riches. L'étape du milieu, la fabrication,
devient inessentielle et peut être externalisée"
L'enjeux pour le Sud concerne sa participation à la production immatérielle. Le
Japon, la Corée et la Chine montrent la voie à la différence du Mexique par exemple.
Mondialisation des images de la mondialisation
Auparavant, plus l'éloignement du centre était important, plus on pouvait constater
un recul "temporel/historique". L'intensité de la vie urbaine y était méconnue. Or,
aujourd'hui, les pauvres sont privées des attributs du monde riche (développement,
infrastructures…) mais leurs inspirations y sont indexés par les masses médias. Le
Sud rêve de vivre à l'image du Nord. Par conséquent, la transition démographique
est quasiment accomplie en Inde, en Egypte et en Indonésie alors même qu'ils ne