DROIT CIVIL II. Typologie des obligations
Le droit des obligations à 3 composantes :
→ Droit des contrats Il y a 3 critères de classification.
→ Responsabilité civile
→ Régime des obligations A. D’après leur source
Classiquement, schématiquement, il y a deux sources : le contrat
INTRODUCTION (art 1134) et la loi (art 1382 : faute, dommage, lien causal). On le
retrouve dans le plan du Code Civil avec le titre III (« des contrats ou des
CHAPITRE 1 : Les obligations obligations conventionnelles ») et le titre IV et IV bis. Dans le titre III on
précise les dispositions concernant le régime général de l’obligation
(solidarité, terme…) et les dispositions relatives à la preuve.
Section 1 : les obligations
Distinction entre :
L’acte juridique, acte volontaire destiné à produire des effets de droit
I. La notion d’obligation dont la nature et la mesure sont déterminées par la volonté individuelle.
Exemple : contrat. L’acte désigne l’instrumentum (contenant) ou
Comme souvent, le terme obligation est un terme du langage negotium (contenu). On s’intéresse au negotium en droit des contrats.
courant mais auquel le droit donne une signification plus restrictive que
Fait juridique. Tous les actes produisent des conséquences
celle du langage courant.
exclusivement convenues par la loi. Le fait juridique peut être volontaire
Le terme d’obligation, en langage courant, désigne tout
ou non. 3 faits juridiques :
devoir de quelqu’un, quelque soit la source morale, religieuse,
- Le délit civil (1382) : acte illicite volontaire
philosophique, de conscience, bref toute source qui n’est pas
- Le quasi-délit : acte illicite involontaire
juridique.
- Les quasi-contrats (1391 et suivants) : acte licite volontaire mais
En droit, c’est l’étymologie latine qui nous permet de comprendre ce
sans accord de volonté
que veut dire obligation. C’est au 19 ème siècle, sous la plume de la
doctrine allemande que sa systématisation apparait.
Vient du latin « obligare », une obligation est alors un lien qui B. Classification d’après leur objet
permet d’atteindre un but. Si l’obligation est quelque chose qui lie, on
comprend mieux qu’en droit l’obligation permet de lier des obligations. 1101 : « le contrat est convention (…) »
1126 : concerne l’objet des obligations.
Rapport de droit par lequel un ou plusieurs débiteurs sont tenus La trilogie vient du droit romain (praestere). Le verbe dare :
de faire ou ne pas faire quelque chose, d’exécuter une obligation de constituer ou de transférer un droit réel à titre gratuit ou
prestation au bénéfice d’un créancier. Il y a obligation parce que onéreux (≠ donare, qui a formé donation : don sans contrepartie. Cette
l’on va pouvoir contraindre le débiteur à s’exécuter. obligation est exceptionnelle car le code civil pose le transfère de
propriété par le seul consentement (solo consensu) : il suffit que les
partis soient d’accord sur les choses pour que le transfert de propriété se
Ce lien juridique, cette obligation, va pouvoir être imposé par la
fasse.
force. C’est un rapport de droit, le fait de contraindre quelqu’un. C’est le
L’obligation de donner
terme latin « obligatio ».
L’obligation désigne aussi parfois la phase passive de ce rapport de
droit, c'est-à-dire la dette (debitum), ce que doit le débiteur. Il s’agit de → L’obligation de faire : gratuite ou onéreuse.
l’objet de l’obligation, ce n’est pas l’obligation au sens stricte. La dette → L’obligation de ne pas faire : abstention du débiteur, en matière de
est l’inverse du droit de créance. confidentialité ou la clause de non concurrence.
→ Pour qu’il y ait une obligation, il faut donc les deux : l’obligatio et le
debitum. C. Classification par rapport à la valeur
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DROIT CIVIL – 3ème semestre L2
, Cette distinction a été remplacée par une autre classification :
distinguer les obligations en nature et monétaires. C’est la distinction qui Ce sont les règles ont traits aux sources, à l’existence (aux effets et leur
a le plus de portée. L’obligation monétaire dépend d’un phénomène : transmission) et la mort (leur extinction). La théorie des obligations est
l’inflation. une des plus belles constructions du droit des affaires.
→ La dette de valeur : a mi-chemin entre l’obligation en nature et
monétaire. Il s’agit d’une obligation exécutée en argent mais que l’on fait I. Le droit des obligations aujourd’hui
échapper à la dépréciation monétaire en calquant son objet sur une
certaine valeur. Le montant de cette dette dépend d’une certaine valeur Quel visage offre-t-il ? Son évolution est due à un trait commun avec le
qui fait l’objet d’évaluation à des époques différentes. livre 2 du Code Civil : il n’a pas été modifié depuis 1804. Face à
Exemple : droit patrimonial de la famille depuis les années 1965. En l’immobilisme des textes, le droit a évolué ailleurs. Ses sources ont été
1962, on a connu la dévaluation du franc. Un conjoint paie une maison modifiées par la jurisprudence et par les lois spéciales. La jurisprudence
avec son argent. Elle appartient à l’autre conjoint. Si le régime se principalement mais pas exclusivement en matière de responsabilité
dissout, le montant de la dette du conjoint débiteur sera la valeur de la civile. Les législations spéciales se sont développées hors du code civil.
dette au moment du paiement. Ce sont des législations impératives, contrairement au droit des contrats
En cas de lésion, on ne peut pas faire annuler un contrat s’il est qui est supplétif. C’est surtout pour les contrats qu’on emploie cette
inégal. Mais on peut en matière immobilier. Arrêt de principe de 1966. législation. On va jusqu’à l’autonomie de certains contrats face à ceux
du Code Civil. Le Code Civil, à l’article 1107, prévoit que les contractants
D. Classification par rapport à leur intensité créent des contrats non prévus par le code. Le problème est
l’appréciation de ses contrats par la législation. Il y a une
L’obligation naturelle (1235 §2) n’est pas obligatoire. Naturel, au hyperspécialisation des contrats. Pour savoir ce qu’est un contrat, la
18ème, ça signifie « non juridique » (≠ enfant légitime, avec lien juridique cause, l’objet et les mécanismes du contrat, il faut regarder le droit
puisqu’il y a mariage). C’est un debitum sans obligatio. C’est quand on commun (code civil).
se sent lié par un devoir de conscience, un sens de moral qui n’est pas Cette évolution est révélatrice d’une évolution de la manière de
reconnu par le droit. penser de la société. On va du collectif vers l’individuel avec l’explosion
Exemple : pas d’obligation alimentaire entre frère et sœur. Mais il y a un de l’individualisme au 18ème siècle. Dans le code, il n’y a pas de
devoir de conscience si on le fait. distinction dans les catégories sociales, on est tous égaux en droit. Le
On a de la jurisprudence pour l’obligation naturelle parce que malgré milieu du 19ème en pleine révolution industrielle a vu connaitre un retour
tout, le droit fait produire des effets aux obligations naturelles dans deux vers le collectif. Peu à peu on oppose de groupe à groupe :
hypothèses : employeur/employé, résident/proprio… On fait parti d’un groupe qui
→ Celle de l’article 1235 §2 : la répétition (le remboursement) n’est pas s’oppose à un autre. Il y a toujours un faible que l’on doit protéger. C’est
admise à l’égal des obligations naturelles qui ont été acquittées. pourquoi la législation est parfois désavantageuse pour le fort. A chaque
→ La promesse d’exécuter une obligation naturelle est contraignante, fois que la majorité change, on changeait la loi sur les baux.
juridique. L’hyperspécialisation a empiré avec le droit communautaire. En
effet, l’Union Européenne n’a pas de compétence en droit commun des
Obligation civile : l’obligation de résultat est la plus forte. On ne obligations. L’Union Européenne ne peut agir que sur la concurrence et
peut s’en exonérer qu’en démontrer la force majeure. la consommation dans des domaines donc spécialisés. Il ne s’agit pas de
L’obligation de moyen : on promet d’être diligent, de faire tout son droit commun. Ainsi, on participe davantage à cet éparpillement du droit
possible. Mais comme on ne s’engage pas, la faute n’est pas prouvée si des obligations. 1386-1 et suivants : acteurs de la vie économique,
on ne fournit pas de résultat. Par exemple, le médecin s’engage à faire consommateurs professionnels.
au mieux, à nous soigner, mais pas à nous guérir.
L’obligation de garantie est la plus importante : même la force majeure II. L’avenir du droit des obligations
ne peut pas l’exonérer. La faute n’est plus nécessaire pour que la
responsabilité soit engagée. Le droit civil doit refléter le droit des obligations réel. On doit
intégrer les règles prétoriennes et certaines innovations du droit de la
Section 2 : le droit des obligations
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DROIT CIVIL – 3ème semestre L2
, consommation pour que le droit commun reflète la réalité du droit des débiteur d’obligations par sa propre volonté car ce serait aux dépens de
obligations (spécialisation…). quelqu’un d’autres. Mais peut-on se rendre débiteur et faire de
Il y a deux types de projets de réforme : quelqu’un un créancier, simplement par un acte unilatéral ? La réponse
→ Elaboré au niveau communautaire pour un droit communautaire des est généralement négative parce que depuis le 19 ème, on n’envisage pas
obligations, ou plutôt des contrats, rédigé par des commissions, financé que quelqu’un soit dans un lien d’obligation, même positif pour lui, sans
par l’Union Européenne (nos impôts). l’avoir accepté (volonté de l’individu suprême dans cette période
Exemples : Commission Lando pour un droit urbain des contrats ; Code d’avènement de l’individualisme).
européen des contrats, Commission Gandolfi ; projet de 2009 Cette volonté unilatérale n’a aucune consistance, puisque quelqu’un
commission Fon Bar. DCFR se nuit unilatéralement, alors il faut assurer une liberté corollaire de se
→ Projets français de réformes des contrats et parfois même des délier. Ainsi on n’accepte pas que l’engagement unilatéral puisse être
obligations. Ce sont des projets en réaction des projets européens. On source d’obligations. Mais cet argument peut être contré. Un texte
veut créer le modèle pour une codification communautaire. 3 projets : pourrait très bien dire qu’une personne s’engageant unilatéralement se
_ Avant-projet Catala : réforme du droit des obligations et de la crée des contraintes. L’obligation découle de la loi. Mais pourquoi ne le
prescription (2005). 17 juin 2008, réforme de la prescription inspirée de fait-on pas ? Si c’est possible, est-ce cependant opportun ? Non, il ne
cet avant-projet Catala. faut pas en faire une source d’obligation, parce que cet engagement
_ Projet de la chancellerie en 2008 : mix entre l’avant projet Catala et les pose des problèmes de preuves.
principes du droit européen des contrats.
_ Avant projet Terré Parfois, la jurisprudence a reconnu des engagements unilatéraux de
volonté, mais c’est rare. Elle le fait dans des circonstances très
CHAPITRE 2 : Les actes donnant obligations particulières. Finalement, la Cour de Cassation a accepté pour des
raisons précises parce qu’elle n’avait pas l’instrument pour atteindre ce
Section 1 : le Contrat résultat d’équité et de justice que la loi ne donne pas. Il y a 3
instrumentalisations :
→ La promesse d’exécuter une obligation naturelle : c’est une obligation
I. La notion de contrat unilatérale de volonté.
→ En matière sociale, quand un juge veut lier un employeur à ses
Accord de volonté destiné à créer des obligations. Il y a une imprécision
promesses sociales.
du vocabulaire juridique. Le contrat est une espèce de convention. Or le
→ Pour les loteries, en 1995, la Cour a voulu contraint le professionnel, le
code parle de manière indifférenciée les termes « contrat » et
faire prendre à son propre piège.
« convention ».
Cette définition ne règle pas tous les problèmes de qualification. Qu’est-
B. Les accords de volontés non obligatoires
ce que le contrat n’est pas ?
Les hypothèses sont multiples.
A. L’acte juridique unilatéral
→ Actes signés pendant la négociation du contrat où on fixe l’état de la
négociation sur certains points. On ne sait pas si c’est contraignant. Tout
Il n’y a pas accord de volonté puisqu’une seule volonté s’exprime.
dépend de l’interprétation de la volonté des partis.
Par exemple, le testament. La donation est un contrat, mais pas le lègue.
De même, la reconnaissance d’enfant naturel, renonciation ou
Les actes de complaisance :
acceptation d’une succession, le licenciement ou la démission. L’acte par
Ce sont les services rendus gratuitement. Y a-t-il eu contrat ? Il y a une
lequel un contractant spécifie mettre fin au contrat est un acte
jurisprudence pragmatique. On peut y voir un contrat ou non en fonction
unilatéral. Ces actes sont assez connus et nombreux.
du but poursuivi. Le sauvetage : le tribunal considère qu’il y a contrat si
La question qui se pose est celle de savoir s’ils peuvent être
on a plongé pour sauver la personne, on admet que le noyer était
reconnus sans qu’une loi les ait prévus et règlementés. L’engagement
d’accord. L’intérêt est celui de l’assisté. Il aurait dit oui s’il l’avait pu. La
unilatéral de volonté peut-il être admis comme source autonome
cour de cassation fait ça pour que le sauvé puisse dédommager le
d’obligations de manière générale (même quand la loi ne prévoit rien)
comme le contrat ? La réponse est non. On ne peut pas rendre quelqu’un
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