Le cinéma français des années 1940 et 1950
Les années de l’Après-guerre sont marquées par l’absence du cinéma hollywoodien,
interdit dès l’arrivée des troupes allemandes. Paradoxalement, certains y voient dans ces
années l’âge d’or du cinéma français car sans concurrence étrangère.
Après la guerre, le retour du cinéma américain sur les écrans contraint l’industrie française à
trouver des solutions pour attirer les spectateurs face à ce puissant concurrent.
I) L’Occupation : 1940-1944
La division de la France durant l’Occupation a des conséquences directes sur l’industrie
cinématographique
A) Structure de l’industrie : 1940 – 1944
Années 1930 : petits producteurs indépendants
Les quelques studios situés dans le Sud de la France peuvent tourner des films, mais n’ont pas
le droit de les exploiter dans la zone occupée avant mai 1942.
Cependant, le gouvernement de Vichy consacre un véritable effort au soutien du cinéma
Zone non occupée (Vichy) :
- Création du COIC (Comité d’organisation de l’industrie cinématographique) afin de
réglementer et aider la production qui était alors jusque-là décentralisée.
- Crédits à taux réduits pour les producteurs = facilité la production
- Le COIC avait un rôle de censeur, mais lorsqu’un film était validé par ce comité, les
bénéfices étaient garantis (grande différence avec les années 30)
Zone occupée (Paris)
- Interdiction initiale de production jusqu’en mai 1941 => les seuls nouveaux films sont
allemands
- Création de Continental Films : verticalement intégré, la plus grande société de
production en France pendant cette période (30 longs-métrages sur 220)
B) La Continental-Films
- Une société qui prend ses ordres de Berlin
- Directeur : Alfred Greven
- Productions de qualité : budgets importants, recrutement de stars, réalisateurs,
scénaristes connus.
Cette politique tranche notamment avec ce que préconisaient les autorités
allemandes.
Greven est convoqué par Goebbels afin d’arrêter cette production ambitieuse, mais
même s’il agît pour les comptes de Berlin, il garde un certain degré
d’indépendance à Paris.
Les cinéastes français ne sont pas libres de traiter des thèmes d’actualité sociale et politique
telle qu’ils l’étaient dans les années 30.
Il y a une tendance de situer les récits dans des lieux ou époques très éloignés des
préoccupations de la France actuelle.
, Ex : Les Visiteurs du soir (Marcel Carné, 1942)
Carné et Prévert situent leur film dans un village médiéval. Après la guerre, de nombreuses
critiques voient en ce film une allégorie pour la Résistance française face à l’Occupation.
C’est également le cas pour un autre film tourné pour la Continental : L’Assassinat du Père
Noël, réalisé par Christian Jaque en 1941.
La fin de ce drame policier montre le jeune enfant malade qui se lève dans une atmosphère
féérique, de rêve : est-ce une allégorie de la France qui va résister à l’Occupation ?
Durant l’Occupation, il est donc plus facile pour les cinéastes français de situer leur action
loin de la France actuelle.
L’un des films les plus célèbres de ces années de guerre était cependant une exception à cette
règle. Le Corbeau, d’Henri-Georges Clouzot (1943) aborde la question épineuse de la
délation. Ce film fut sujet à des lectures opposées.
Après la guerre, des critiques issues de la Résistance affirment que ce film constituait de la
propagande anti-française car il montrait la France comme une nation sans solidarité. Clouzot
est même sanctionné et exclu de l’industrie cinématographique après la Libération jusqu’en
1947.
Cependant, ce film a également un côté farouchement anti autoritaire et est aujourd’hui
souvent vu comme une attaque contre les valeurs morale et politique de la droite pétainiste.
C) Une perte de talents
Si certains cinéastes ont pu profiter de cet « âge d’or » sans concurrence, d’autres n’ont pas
eu cette chance.
Le COIC appliquait en effet les lois antisémites passées par le régime de Vichy qui excluait
les Juifs des professions cinématographiques.
- Juifs exclus à cause de lois antisémites :
Alexandre Kamenka, Pierre Braunberger, Jacques Natanson, Pierre Chenal,
Jean-Paul Le Chanois, Max Ophüls, Marcel Dalio, Alexandre Trauner,
Joseph Kosma
- Certains ont choisi l’exil :
Julien Duvivier, Jacques Feyder, Jean Renoir, Michèle Morgan, Jean Gabin
Enfin, certains ont également réussi à continuer de travailler clandestinement dans l’industrie.
Ex : les décors du film Les Enfants du paradis (Marcel Carné, 1944) sont conçus par
Alexandre Trauner, logis et soutenu par J. Prévert.