Propriété intellectuelle – Introduction
Le droit de la propriété intellectuelle jouit d’une mauvaise réputation et est souvent mal perçu. Cette
critique n’est pas seulement celle de l’internaute ordinaire, elle est argumentée par des personnes, y
compris des professeurs d’économie, qui décrivent la propriété intellectuelle comme un frein nuisible.
EX. : Daniel Cohen : « la propriété intellectuelle, c’est le vol. La propriété intellectuelle rompt avec le
schéma de la propriété tout court. Lorsqu’une idée a été trouvée rien ne fait obstacle à son usage par tous
sinon la propriété intellectuelle elle-même. Pourquoi ne pas partager des biens qui ne demandent qu’à
l’être ? »
Frein à l’accès aux inventions brevetables.
En quoi consiste la propriété intellectuelle ?
Elle se manifeste par des droits d’exploitation exclusifs. Le droit exclusif est le droit d’autoriser ou
d’interdire. Concrètement le titulaire du droit de propriété intellectuelle va être le seul à pouvoir
délivrer des autorisations d’exploiter l’œuvre, l’invention, le signe distinctif ou la marque. Il va les
délivrer moyennant une contrepartie financière, il va monnayer l’accès à un monopole d’exploitation.
Dans le cadre de la propriété intellectuelle, il faut différencier ce qui relève des biens corporels (EX. : un
CD) et ce qui relève des biens incorporels (EX. : l’invention, l’œuvre). L’œuvre en question peut
s’incorporer à toute sorte de support.
EX. : un dessin peut être imprimé sur un t-shirt, peut être mis un fond d’écran, peut être décliné sur
toute sorte de supports différents. Ce sur quoi porte le droit de propriété intellectuelle est l’œuvre de
l’esprit, peu importe ce sur quoi on le grave ensuite.
Le droit de propriété intellectuelle est un droit exclusif qui se traduit par un monopole d’exploitation.
Il faut une intervention du législateur pour déterminer ce qui est protégé, ce qui relève du droit de la
propriété intellectuelle. De ce droit de la propriété intellectuelle est beaucoup plus dépendant d’une
intervention du législateur qu’en matière de biens corporels.
En matière de propriété intellectuelle, l’œuvre en question va être commercialisée, on ne maîtrise pas
sa diffusion en public. On a donc besoin du législateur et des pouvoirs publics pour déterminer ce qui
est protégé et comment les inventions vont être protégées en pratique par des mécanismes qui vont
permettre de garder le contrôle de l’exploitation. Il incombe donc au législateur d’intervenir pour
définir les biens protégés et définir le régime de la protection.
Quel est l’intérêt de reconnaître de tels droits ? Pourquoi protéger les œuvres de l’esprit, les inventions,
les marques ?
L’idée est de récompenser l’inventeur pour qu’il continue de créer et d’innover. C’est donc un
encouragement à la création et à l’innovation. En octroyant un monopole d’exploitation, on va
permettre la rétribution du créateur ou de l’inventeur. C’est l’idée que s’il a enrichi la collectivité, il
mérite une récompense.
La propriété intellectuelle vise également à inciter les gens à divulguer leurs créations et leurs
inventions plutôt que de les garder secrètes. L’alternative à une protection par la propriété
intellectuelle est le secret.
EX. : le coca-cola est produit à partir d’une formule qui a toujours été gardée secrète. Le coca-cola est
donc protégé par le secret depuis des décennies. La société qui protège cette exploitation est une
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,société qui n’a jamais voulu divulguer la formule précise ; elle préfère le secret plutôt qu’une protection
par les pouvoirs publics.
Un choix peut être fait entre une protection sur le terrain de la propriété intellectuelle et le secret.
Pour certains procédés de fabrication, on peut préférer les garder secrets que les publier. Le droit de la
propriété intellectuelle vise à encourager la divulgation de l’invention. Il y a l’idée d’un contrat social
entre l’auteur, l’inventeur et la collectivité.
L’auteur fait apport de l’invention en contrepartie de quoi les collectivités vont veiller à ce qu’il soit
rémunéré.
Cette idée d’un compromis entre les intérêts de la collectivité et celles des inventeurs va se retrouver
dans d’autres éléments du régime de la propriété intellectuelle, notamment dans la durée limitée de
protection.
Le droit de la propriété intellectuelle a 3 caractéristiques :
Une durée limitée
Des exceptions
Propriété dynamique
Pourquoi limiter la durée de protection ?
En tant que propriété, la propriété intellectuelle devrait être illimitée dans le temps. Or ce n’est pas le
cas, la durée de protection est limitée sauf en droit des marques où l’enregistrement peut être
renouvelé tous les 10 ans.
Au bout d’un certain temps l’œuvre doit tomber dans le domaine public càd que tout le monde peut
reproduire l’œuvre sans solliciter d’autorisations.
Les œuvres, inventions, droits d’auteurs, droits des brevets, droits des dessins et modèles ne sont
limitées que pour une durée limitée.
Il y a des exceptions au droit de la propriété intellectuelle (modifiées par une loi de juillet 2016) : ce
sont des hypothèses où les ayants-droits ne peuvent pas s’opposer à une exploitation de l’œuvre ou de
l’invention pour des motifs d’intérêt général.
EX. : exception du droit des handicapés, exception de la copie privée. Les ayants-droits ne peuvent pas
s’opposer à une reproduction qui bénéficierait à des handicapés. Une exception est prévue aux droits
d’auteur.
Recherche d’un équilibre entre l’intérêt du public et l’intérêt des ayants-droits.
Propriété dynamique
Lorsqu’on se porte acquéreur d’une maison on n’est pas obligé de l’exploiter. En matière de propriété
intellectuelle, il faut exploiter l’œuvre, l’invention, la marque car si la personne ne le fait pas, elle pourra
être déchue de son droit. L’idée est qu’on occupe le marché sans exploiter l’œuvre alors que d’autres
pourraient le faire.
EX. :
En matière de droits d’auteurs : si l’éditeur n’exploite pas la création, le contrat d’édition qui a été
passé pourra être résilié. L’éditeur qui s’est fait céder des droits d’auteur est donc contraint
d’exploiter.
En matière de brevets : celui qui a déposé l’invention doit l’exploiter dans un certain délai sinon les
autres personnes peuvent demander une licence d’exploitation obligatoire.
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, La propriété sur les biens incorporels est dynamique, là où la propriété sur les biens corporels est
beaucoup plus statique.
Ce dynamisme du droit de la propriété intellectuelle est aussi une caractéristique de cette matière.
L’idée est qu’on réserve une invention ou une œuvre, c’est donc pour en faire quelque chose, sinon il n’y
a pas d’intérêt et donc pas de raison de priver le public de cette invention..
Différentes branches de la matière
Il faut distinguer les différents droits de la propriété intellectuelle. Le terme le plus large, le plus
englobant est celui de propriété intellectuelle : il couvre la totalité des objets cités.
Au sein de la propriété intellectuelle, qui est la catégorie la plus large, on distingue entre deux grandes
branches qui elles-mêmes amènent à d’autres distinctions :
Le droit de la propriété littéraire et artistique.
Le droit de la propriété industrielle.
Les objets couverts par le droit de la propriété industrielle font l’objet d’un dépôt.
EX. : un modèle de sac Vuitton fait l’objet d’un dépôt pour protéger ce modèle, pour que personne
d’autre ne puisse reprendre exactement le même modèle.
En matière de propriété industrielle on retrouve la caractéristique du dépôt qu’on ne retrouve pas en
matière de droits d’auteurs.
La propriété littéraire et artistique protège des créations, des œuvres de l’esprit alors que la propriété
industrielle regroupe des droits qui portent sur des innovations industrielles ou sur des signes
distinctifs qui servent d’instruments de ralliement de la clientèle.
Les droits de propriété littéraire et artistique donnent lieu à des sous-distinctions :
Le droit d’auteur ;
Les droits voisins du droit d’auteur.
Les droits d’auteur concernent les auteurs d’œuvres de l’esprit (œuvres musicales, littéraires,
graphiques, audiovisuelles). L’auteur est celui qui créé ces différentes catégories d’œuvres.
Les droits voisins vont couvrir d’autres protagonistes comme les producteurs et les artistes interprètes
(càd celui qui chante la chanson écrite par un autre ou joue la musique écrite par un autre : c’est
quelqu’un qui donne vie à l’œuvre, c’est un auxiliaire de la création qui n’est pas le créateur).
Le titulaire de droits d’auteurs est le créateur, celui qui a créé l’œuvre qui va être interprétée.
Les droits d’auteurs sont octroyés en présence d’une œuvre de l’esprit protégée. En matière de droits
d’auteurs, la personnalité de l’auteur joue un rôle considérable, ce qui n’est pas le cas en matière de
propriété industrielle.
EX. : seules les créations originales auront accès au marché du droit de la propriété intellectuelle. Cette
originalité est perçue comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
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, Partie 1 : Le droit de la propriété littéraire et artistique
Le droit de la propriété littéraire et artistique correspond à un monopole d’exploitation sur les
créations de l’esprit. Au sein de cette propriété littéraire et artistique, on trouve le droit d’auteur qui
concerne les auteurs d’œuvres de l’esprit et les droits voisins.
Les œuvres de l’esprit ne sont pas des idées abstraites, ce sont des créations de forme, que ce soit la
forme donnée à un texte littéraire, la forme donnée à un dessin ou à une œuvre audiovisuelle. Il y a
toujours une mise en forme dans les idées de l’esprit, ce ne sont pas des concepts généraux.
Une idée générale n’est pas protégeable par le droit d’auteur.
Les dynamiques du droit de la propriété littéraire et artistique
Les dynamiques sont les lignes d’évolution de ce droit. Il y a une permanence des fondements de la
protection (C1). Cette permanence des fondements n’empêche pas un renouvellement des sources qui
peuvent être internationales ou européennes (C2).
CHAPITRE 1 : La permanence des fondements du droit de la propriété littéraire et
artistique
Le fondement est ce sur quoi repose un droit et est donc d’abord sa raison d’être.
Section 1 : Histoire du droit de la propriété littéraire et artistique
C’est une protection qui a émergé assez récemment, il n’y a pas de droit romain de la propriété
littéraire et artistique. Sous l’ancien droit, les possibilités de reproduction étaient assez limitées
(moines copistes) et il n’y avait pas de droit qui régissait cette activité.
Le droit de la propriété artistique a émergé avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. À partir de
ce moment, on a pu assister à une forme de dissémination des œuvres littéraires d’où l’émergence de ce
droit.
Concrètement il y avait à cette époque des libraires qui en fait étaient des éditeurs. Ces éditeurs ont
voulu obtenir un droit exclusif. Un éditeur publie un texte, il va donc passer un contrat avec un auteur.
Les éditeurs ne voulaient pas que n’importe qui puisse se mettre à publier des livres reprenant le même
texte. C’est à partir de là qu’est né le besoin de protection.
Le roi a tout de suite été intéressé car en reconnaissant un privilège d’exploitation à ces éditeurs, il
pouvait en même temps contrôler ce qui était écrit dans les livres (censure). Grâce à ce privilège,
l’éditeur était le seul à pouvoir commercialiser les livres en question et n’avait pas à souffrir de la
concurrence.
Émergence d’un droit exclusif : toute personne voulant reproduire le texte devait passer par
l’éditeur sinon elle était sanctionnée par le pouvoir royal.
Par la suite en France, des éditeurs de Province commencent à supporter de plus en plus mal que ce
soit des éditeurs parisiens qui aient systématiquement le privilège d’édition. À ce moment-là, le pouvoir
royal manifeste sa volonté de révoquer les privilèges qu’il avait octroyé aux libraires parisiens et ceux-
ci le prennent très mal. Ils arguaient que le roi ne pouvait pas révoquer leurs privilèges car les œuvres
de l’esprit étaient créées par des auteurs qui avaient une propriété sur leurs œuvres.
Les œuvres sont la propriété de leurs auteurs.
Les éditeurs ont mis les auteurs au premier plan pour défendre leurs prérogatives. Au bout d’un
moment s’est imposée l’idée que les droits d’auteurs devaient revenir aux auteurs eux-mêmes puisque
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