Georges BOU JABER
Première I
En quoi la découverte de l’Autre permet-elle de mieux se comprendre soi-
même ?
Au XVIème siècle, la découverte des territoires du Nouveau Monde et de leurs
habitants par les Européens se poursuit. L'expédition française de Villegagnon dans
la baie de Guanabara, actuelle baie de Rio de Janeiro, en 1557, sous Henri II, donne
lieu en particulier à la publication de plusieurs récits de voyage par les écrivains tels
qu'André Thevet avec ses Singularités de la France antarctique ou bien encore Jean
de Léry avec son Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, récits à travers
lesquels ils rendent compte de leur rencontre avec les indigènes du Brésil, en
particulier les Tupinambas. Montaigne lui-même rencontre, en 1562, à Rouen, aux
cotés du roi Charles IX, trois indiens venus du Nouveau Monde, et consacre deux
chapitres de ses Essais à cette question de l’Autre, les chapitres « Des cannibales »
et « Des coches ». Notre monde vient d’en trouver un autre, rappelle-t-il à son
lecteur, avant de s’interroger sur les effets de cette découverte.
Nous pouvons donc nous demander : en quoi la découverte de l’Autre permet-
elle de mieux se comprendre soi-même ?
De ce fait, nous verrons dans un premier temps que la rencontre a permis
l’ouverture à l’Autre (les occidentaux) pour ensuite aborder le fait que l’interaction
avec l’Autre participe à une certaine remise en cause sur ses propres valeurs.
Tout d’abord, nous pouvons affirmer que la rencontre a permis l’ouverture à
l’Autre. En effet, le colon Jean de Léry, un explorateur du 16ème siècle va rencontrer
au fil de ses nombreux voyages en la Terre du Brésil, un sauvage qui fait partie de la
population des Tupinambas, qui va être mis en valeur dans son œuvre nommée
« Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil » où il s’interroge sur le progrès
intellectuel des sauvages. Ce sauvage va alors construire un discours qui va
remettre en question l’explorateur, notamment en évoquant l’égotisme et l’incohésion
de la société européenne pleine de vices et d’artifices. De plus, l’explorateur vise à
mettre en relief l’homogénéité que le sauvage tient tout au long de ses propos
comme nous pouvons le constater dans cet extrait tiré de l’œuvre de Jean de Léry :
« à cette heure connais-je que vous autres Mairs, c’est à dire Français, êtes de
grands fols : car vous faut-t-il tant travailler à passer la mer sur laquelle vous endurez
tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants ou à ceux qui survivent
après vous ? ».
En outre, l’humaniste Michel de Montaigne, écrivain du 16ème siècle, va à
travers de son ouvrage intitulé « Des Cannibales » et « Des Coches » faire l’éloge
des sauvages et de la condamnation des Européens en mettant en valeur les
populations d’au delà (notamment les sauvages qu’ils rencontre en l’an 1562 à
Rouen). Il va par ailleurs dénigrer les Caucasiens remplis de vanité et de contention.
Montaigne s’interroge sur le déclin intellectuel des Colons. Ce dernier va donc
s’appuyer sur des témoignages antiques pour soutenir son hypothèse sur le déclin
de l’ancien Monde en mettant en valeur le renversement des valeurs avec la
naissance du Nouveau Monde et la disparition de l’Ancien Monde. Celui-ci est dû à
ses anciennes valeurs et coutumes comme nous pouvons le voir dans cet extrait tiré
du chapitre « Des Coches » : « Notre monde vient d’en trouver un autre (et qui nous
répond si c’est le dernier de ses frères, puisque les Démons, les Sibylles et nous
avons ignoré celui-ci jusqu’ asteure ?) »