Droit de la protection sociale
Introduction
On peut regrouper sous le terme de protection sociale, un ensemble d’institutions visant à assurer à des individus
ou à des groupes familiaux une sécurité matérielle de l’existence => il y a donc une pluralité d’institutions (Cornu).
Le terme institution renvoie à des mécanismes, structures juridiques établies par des règles, et il peut renvoyer à des
éléments qui constituent la structure juridique de la réalité sociale.
L’objet de la protection social : assurer la protection contre des risques socialement identifiés et individuellement
perçus => le risque concerne donc l’individu mais aussi la société. La notion de risque social est le point de départ du
cours, c’est à cause de ces risques sociaux que l’on va créer ces institutions. Progressivement on va dissocier les
mécanismes de protection individuelle des mécanismes de protection collective.
Section 1 : Histoire des institutions de protection sociale
La protection sociale moderne naît avec l’industrie et le capitalisme. Le premier modèle dominant de protection
sociale du 19e siècle à 1914 est celui de la prévoyance libre. Ce système repose sur l’épargne et la possession d’un
capital (patrimoine/ placements). Bien entendu c’est la bourgeoisie qui va profiter majoritairement de ces rentes
(négociants, ingénieurs, rentiers). Les artisans et les paysans vont aussi être concernés par ce mode de protection
sociale qui est une forme d’auto protection.
Autre mode de protection à l’époque : les assurances privées se développent à mesure que l’idéologie religieuse
perd de sa vigueur notamment fin 19e siècle et au début du 20e siècle car l’assurance sur la vie implique une
dimension « immorale » dans le sens où on parie sur la mort d’un individu.
Ce système d’épargne et d’assurances privées vont commencer à poser problème sous le II empire et IIIe république
car le pouvoir a conscience que ces ressources ne peuvent pas profiter à l’Etat donc développement de l’épargne par
l’Etat qui va l’élargir ce mécanisme à des catégories plus populaires. On essaie d’organiser un système financier
parallèle pour drainer l’épargne vers l’Etat, c’est à partir de là que la protection commence à perdre de son caractère
individuel même le système reste profondément inégalitaire.
A l’époque il existe des formes de protection mutualisée ou solidaire à côté de la prévoyance + libre :
La mutualisation repose sur la mise en commun et création de fond commun contre les risques. Cette forme de
protection se fait par l’intermédiaire des sociétés de secours mutuel, elle se fédère dans l’institution de la mutualité
française à la fin du 19e siècle. Ces sociétés de prévoyance vont permettre la protection contre les risques sociaux
(principalement la maladie et l’invalidité). Moyennant des cotisations régulières versées à la mutuelle, les membres
des sociétés de secours mutuel sont assurés contre des risques collectivement identifiés. C’est la société qui crée
elle-même ces risques. Ce mode de protection va concerner des personnes qui ont quelque chose en commun, qui
se connaissent et notamment les travailleurs salariés. On va voir se développer des sociétés de secours dans des
bassins, des branches, corporations. La mutualité va prendre son essor au début du 20e siècle parce qu’alors un
verrou juridique saute. Avant cela ce mode de protection était plutôt mal vu, mais les républicains vont réaliser que
ce système est très intéressant pour les travailleurs et coûte moins à l’Etat. En 1913 : 10 % de la population y a
recours, c’est relativement beaucoup considérant le nombre de salariés à l’époque c’est alors une majorité des
salariés.
Société de secours mutuel : mutualisation des risques entre travailleurs salariés et plus largement aux individus
sains et aptes au travail (pas les enfants), on verse la même cotisation, on en retire le même bénéfice, c’est une
protection collective et non-étatique. On vise alors une autre catégorie de population et c’est une adhésion
purement volontaire.
,La protection solidaire : à la fin du 19e siècle apparaît l’idée d’une obligation de protection au sein de l’assistance
publique. L’Etat instaure une obligation pour les collectivités publiques d’assurer une assistance publique. Cette
forme de protection était déjà présente au Moyen-âge sous la forme de la bienfaisance et de la charité. Les
institutions de bienfaisance étaient tenues par des bienfaiteurs ou institutions comme l’Eglise mais aussi les
communes (pour avoir un contrôle social sur les vagabonds par ex). Cela préfigure la séparation de l’Eglise et de
l’Etat et on voit apparaître une véritable assistance publique communale. Ce qui va changer ce sont les personnes
bénéficiaires, du 15e au 18e siècle ce sont les indigents/ vagabonds/orphelins mais fin 19e siècle on parle d’une prise
en charge des individus qui sont temporairement ou définitivement placés dans l’impossibilité physique de pourvoir
aux nécessités de l’existence. Ainsi le nouvel ancrage n’est plus la pauvreté et le vagabondage mais la privation
temporaire de ressources consécutives à des évènements (maladie, âge, charges de famille) à des risques sociaux.
Cette obligation d’assistance publique est évidemment une forme de solidarité. L’étape suivante est l’obligation
d’assurance contre les risques sociaux par l’extension des sociétés de secours mutuel.
Il y a différentes institutions et finalement dans la première moitié du 20 e siècle c’est le modèle des sociétés de
secours mutuel qui vont ressortir et qui vont devenir des assurances sociales. Ce système va être privilégié parce
que le modèle de la prévoyance libre va s’écrouler à cause d’une poussée inflationniste très importante qui va faire
perdre de sa valeur aux revenus du capital et à l’épargne. Par ailleurs les structures sociales se modifient et le
salariat commence à s’étendre par les ouvriers (artisans et paysans sont reclassés), les rentiers disparaissent. C’est
pour cela que le système d’assurance sociale va primer car il correspond très bien aux salariés.
Section 2 : L’apparition des systèmes de sécurité sociale
De véritables systèmes collectifs de sécurité sociale vont se mettre en place. La prévoyance libre ne va plus servir de
technique de protection sociale, ce sont les mécanismes collectifs de protection qui vont devenir prépondérants et
plus précisément les mécanismes mis en place par l’Etat ou/ et avec la garantie de l’Etat. C’est une nouvelle
conception de l’Etat qui apparaît, l’interventionnisme étatique, l’Etat providence émerge dans la première moitié du
20e siècle. La raison d’être de l’Etat est donc assurer les conditions dignes d’existence aux hommes. Cette
conception s’ajoute à la conception ancienne selon laquelle l’Etat se limite aux fonctions régaliennes (pourvoir de
battre la monnaie, protection de l’ordre public et défense des frontière). On va opposer le « warfare » state et le
« welfare » state.
Les systèmes de sécurité sociale sont emblématiques de l’Etat providence, ils en sont la matérialisation. Ces
systèmes apparaissent en premier sur le continent européen, on présente principalement 2 modèles :
Le système allemand Bismarckien => mise en place d’un système d’assurance sociale dans les années 1880.
Précurseur. Il utilise la technique assurantielle et rend obligatoire l’adhésion à une caisse de sécurité sociale
à laquelle l’adhérent verse des cotisations et dont il reçoit des prestations. Ce système s’adresse d’abord
aux ouvriers et protège donc une certaine catégorie de population, les prestations servies concernent donc
ces travailleurs salariés. L’objectif est de fournir un revenu de remplacement aux travailleurs lorsqu’ils sont
dans l’incapacité de travailler. On passe par des cotisations sociales pour le financement, une ponction sur
le salaire qui alimente une caisse de sécurité sociale administrée ou non par l’Etat et qui reverse aux
travailleurs qui sont dans l’incapacité de travailler (vieillesse, maladie, invalidité), les prestations touchées ne
sont pas uniformes et sont proportionnelles au salaire perdu.
Le système anglais Beveridgien => missionné par Churchill dans les années 1940 pour mettre en place un
système de sécurité sociale à la sortie de la guerre. Il conçoit un plan de sécurité social très différent de
Bismarck, en effet il entend protéger l’ensemble de la population et non seulement les travailleurs.
L’objectif est d’éradiquer la pauvreté et de constituer un filet minimum de sécurité pour tous. Beveridge
prévoit des prestations forfaitaires minimales pour les retraites, un accès inconditionnel et gratuit aux
soins, il s’agit d’un système national uniforme qui ne s’attache pas à une certaine catégorie professionnelle.
On passe par l’impôt/ l’Etat pour le financement et une redistribution.
Ces systèmes ont bien entendu évolués mais on s’y réfère toujours car 2 références, conceptions différentes de la
sécurité sociale.
, Section 3 : La protection sociale française actuelle
Le système moderne de sécurité sociale naît en 1945, est alors institué la Sécurité sociale. Article L 111-1 CSS.
Influence Bismarckienne car il est destiné à protéger les travailleurs + extension aux résidents (famille) pour
certains risques (santé + charges de famille) et donc qui tend vers le modèle Beveridgien. La Sécurité sociale a
vocation à prendre en charge le risque de maladie (on assimile à maternité, invalidité, décès) = première branche.
Elle va aussi garantir contre le risque de vieillesse (pension de retraites) = deuxième branche. Les accidents du
travail et maladies professionnelles ne concernent que les travailleurs salariés = troisième branche. Enfin les
risques/ charges de famille = quatrième branche.
On est toujours aujourd’hui dans ce système de 1945. On parle aujourd’hui de nouveaux risques : risque de
dépendance mais pas encore consacré en France.
Le risque chômage est couvert en France mais ce n’est pas la Sécurité sociale qui s’en charge en effet en 1945 il n’y a
pas réellement de chômage mais ce risque va se développer et donner lieu à la conclusion d’un accord national
interprofessionnel (1958) qui crée l’assurance chômage. C’est un système autonome hors Sécurité sociale.
Administrativement la Sécurité sociale est contrôlée et régie par l’Etat tandis que l’assurance chômage est régie,
gérée et contrôlée par les partenaires sociaux et légèrement par l’Etat.
Se superpose à cela un système de protection sociale complémentaire de retraite = obligatoire mais non étatique. Ce
sont les partenaires sociaux qui ont créés ces régimes et l’Etat est intervenu pour les rendre obligatoires à tous les
travailleurs.
Régimes de retraite complémentaires obligatoires des salariés :
AGIRC (Association des institutions générales de retraite des cadres par ANI 1947)
ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés par ANI 1961)
Ce sont les partenaires sociaux qui gèrent et contrôlent ces régimes.
Des années 1950 à 1990 se sont créés des régimes de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés.
Depuis 1945 on constate qu’il y a plusieurs régimes selon les différentes catégories de travailleurs qui protègent
contre 4 risques. Ces régimes se distinguent en ce qu’ils visent des travailleurs de différentes activités
professionnelles.
- Régime général qui s’adresse aux travailleurs salariés (CMU, étudiants, travailleurs assimilés).
- Régime social des indépendants (commerçants, artisans, professions libérales).
- Régime agricole mixte (salariés + chef d’entreprises).
- Régimes spéciaux pour salariés et non-salariés comme la RATP, GDF-EDF, SNCF …+ d’une vingtaine. Cette
fragmentation en régimes dépend de l’activité professionnelle de la personne.
Voir Tableau pour distinguer protection sociale collective et individuelle (l’ancienne prévoyance libre = assurances
individuelles et produits financiers). Et au sein de la protection collective => aide sociale, Sécurité sociale, protection
sociale complémentaire qui sont autonomes. Codes différents. Déterminer les régimes obligatoires et facultatifs.
La protection sociale française est d’abord centrée sur l’activité professionnelle et qui vise à protéger les travailleurs
contre les risques sociaux via un grand système d’assurance sociale qu’est la Sécurité sociale. On peut considérer
que s’il y a redistribution, c’est une redistribution des revenus du travail. C’est une solidarité interprofessionnelle =>
entre actifs et inactifs et non entre riches et pauvres. On constate la nécessité d’avoir cette solidarité nationale : aide
sociale qui est la traduction de l’ancienne assistance publique.
Ceux qui créent la Sécurité sociale en 1945 considéraient alors que dans ce système généralisé il n’y aurait plus
besoin d’aide sociale, ce système ne fonctionne que si la société salariale fonctionne de manière optimale or après
1945 on a pris la mesure du problème avec l’explosion du chômage, prise en charge des enfants en bas-âge,
exclusion de certaines personnes du système salarial, inégalités, carrières fragmentées (multiplication des CDD),
minoration salariale (diminution du salaire). Progressivement le système de Sécurité sociale s’est donc fragilisé. C’est
pourquoi le système d’aide social n’a cessé de se rendre indispensable malgré sa mise en danger en 1945. La finalité
d’aide sociale est la prise en charge des personnes les plus défavorisées quel que soit leurs statuts on ne parle pas