Fiche sur les Règles pour la direction de l'esprit
de Descartes
, Descartes énonce ici les différentes règles d’une méthode universelle qui peut permettre d’orienter la pensée
quand celle-ci cherche à atteindre la vérité.
REGLE 1
« L'objet d'étude doit être de diriger l'esprit jusqu'à le rendre capable d'énoncer des jugements solides et vrais
sur tout ce qui se présente à lui. »
→ Il ne faut pas adopter en science le principe de spécialisation, à savoir étudier une seule science. Mais ce
principe de spécialisation est nécessaire dans l’art : on devient un maître si l’on se consacre qu’à l’objet de son
art. Pour atteindre la vérité, il faut s'inscrire dans la connaissance d'une science qui serait « une et identique à
elle-même », car toutes les sciences ont un point commun : le bon sens. Chaque vérité découverte nous aide à en
découvrir d’autres, dans d’autres domaines. Le but de l’étude doit être cette fin générale (« la sagesse
universelle »), plutôt que telle ou telle fin particulière. L’utilité ou le bonheur sont des exemples de fins
particulières que visent certaines sciences, à tort. Il ne faut pas étudier les sciences dans le but d’améliorer
l’existence humaine. Ainsi par exemple, on n'étudie pas ce qui peut se passer dans une galaxie si éloignée que
nous ne pourrons jamais nous y rendre, parce que c’est quelque chose d’inutile à l’homme. Il faut également
développer la « lumière naturelle de [notre]raison » , car cela permet de progresser bien plus vite que ceux qui
s’appliquent à des sciences particulières.
REGLE 2
« Il ne faut s'occuper que des objets dont notre esprit paraît pouvoir atteindre une connaissance certaine et
indubitable »
→ Il faut éviter le douteux, le probable et l’incertain car cela ne mène pas l'homme vers la vérité. Cette exigence,
que l’on retrouve encore dans les Méditations Métaphysiques, est fondamentale chez Descartes, car si l’on
introduit le douteux dans nos raisonnements en acceptant des arguments simplement probables,
alors l’espérance d’étendre notre savoir n’est pas si grand que le risque de l’amoindrir ». Il faut au contraire
chercher le certain, l’évident, le nécessaire, et pour découvrir des vérités indubitables, il est nécessaire de s'élever
de propositions certaines en propositions certaines. Pourtant, il semble qu’aucune idée ne fasse l’objet d’un
consensus de la part de la communauté scientifique, et qu’aucune idée ne puisse être présentée comme une vérité
, universelle indubitable.
→ En fait, il existe un domaine dans lequel il y a un tel assentiment universel : il s’agit de l’arithmétique et de
la géométrie. Celles-ci vont constituer une sorte de modèle : l’esprit doit s’efforcer de parvenir à l’humaine
sagesse, en adoptant les mêmes procédés et la même exigence de certitude qu’on trouve en mathématique. Ces
deux disciplines paraissent plus certaines que les autres car cela vient du fait qu' « elles seules traitent d’un
objet si pur et si simple qu'elles n’admettent alors absolument rien que l’expérience ait rendu incertain, et
qu’elles consistent toutes entières à tirer des conséquences par voie de déduction rationnelle . ». C’est ici que
Descartes se montre rationaliste, par opposition à l’empirisme (Locke), pour qui l’expérience est source de vérité
puisqu’elle représente l’origine de nos connaissances, mais pour le rationalisme, elle est source d’erreurs, et c’est
la Raison, seule, qui nous permet d’atteindre la vérité. Il ne faut donc s'occuper que des objets à propos desquels
on peut obtenir une certitude.
REGLE 3
« Il faut rechercher, non point ce que d'autres ont pensé, ou ce que nous-mêmes nous entrevoyons, mais ce dont
nous pouvons avoir une intuition claire et évidente, ou ce que nous pouvons déduire avec certitude ; car ce n'est
pas autrement qu'on acquiert la science. »
→ La lecture des ouvrages des Anciens peut être certes utile, mais il faut se souvenir qu’ils peuvent contenir des
erreurs, et il ne faut alors pas les prendre pour vérité établie. Descartes critique ici l’enseignement scolastique,
qu’il avait reçu en tant qu’étudiant, qui professe comme vérités d’évangile les idées d’Aristote. On sait en effet
que lors des joutes oratoires auxquelles on se livre dans ces écoles, l’argument d’autorité « Aristoteles dixit » (c’est
vrai puisqu’Aristote l’a dit) était parfois employé. Ce type d’enseignement relève plutôt de l’histoire que des
sciences proprement dites.
→ L’origine de toutes nos erreurs est de mélanger le certain et le probable. Descartes définit l’intuition et la
déduction comme les deux facultés susceptibles de fournir une vérité certaine, en rejetant l’autorité.
Intuition : « une représentation si facile et si distincte qu’il n’en subsiste aucun doute sur ce que l’on y
comprend, qui naît de la seule lumière de la raison. »
→ Elle est malheureusement souvent dédaignée, parce que les vérités qu’elle révèle sont simples. Mais on a bien
tort, puisqu’elle se retrouve également au cœur du second « acte de l’entendement » qui permet de découvrir des