2-La Seconde Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) est le plus grand conflit de tous les temps. Il a mobilisé des dizaines
de millions d’hommes sous les drapeaux et causé la mort d’environ 60 millions de personnes, la plupart étant des
civils. Les pays les plus touchés étant l’URSS (26.5 millions de morts), la Chine (13millions), la Pologne (6 millions) et
l’Allemagne (5.5 millions de morts). La Seconde Guerre mondiale est marquée par de multiples crimes de guerre et
crimes contre l’humanité qui culminent avec l’extermination des populations juives et tsiganes d’Europe. La
responsabilité de la guerre en revient incontestablement à l’Allemagne nazie et à son chef Adolf Hitler. Désireux de
remettre en cause le traité de Versailles (28 juin 1919) et de constituer un espace vital en Europe orientale aux
dépens de la Pologne et de l’URSS, l’Allemagne a entrepris dès le 1 er septembre 1939 une guerre d’anéantissement
fondée sur la guerre-éclair ou Blitzkrieg. En effet à la différence de la Première Guerre mondiale, ce conflit se
caractérise par de grands mouvements de troupes essentiellement en Europe, dans le bassin méditerranéen et dans
le Pacifique. Le Japon en guerre contre la Chine depuis 1937 s’est rapproché de l’Allemagne à la fin des années 1930.
Après le bombardement de la base Pearl Harbor (archipel des îles Hawaii) (7 décembre 1941) sans déclaration de
guerre par les forces aéronavales japonaises, les Etats-Unis entrent en guerre contre le Japon puis contre
l’Allemagne hitlérienne et l’Italie fasciste qui leur ont déclaré la guerre dans la foulée.
Face à la mobilisation des plus grandes puissances (les Etats-Unis étant la principale puissance économique, la
Grande-Bretagne disposant du plus grand empire colonial du monde et l’URSS ayant mobilisé les plus importantes
forces terrestres de la guerre), les puissances de l’Axe sont finalement vaincues. L’Italie capitule dès 1943, le Reich
hitlérien se rend sans condition le 8 mai 1945. Il est suivi par le Japon le 2 septembre 1945 qui doit mettre bas les
armes après les bombardements d’Hiroshima (6 août) et Nagasaki (9 août).
Quels facteurs peuvent expliquer que ce conflit a revêtu les caractères d’une guerre d’anéantissement ?
Pourquoi les victimes civiles sont les plus nombreuses ? Comment a-t-on abouti à la mise en place de programmes
d’extermination planifiés ?
2.1 La mobilisation de moyens colossaux
2.1.1 Guerre-éclair (Blitzkrieg) et bombardements stratégiques
Les historiens expliquent en général les victoires allemandes de 1939 à 1942 par une série d’innovations
tactiques et stratégiques ayant pour but d’anéantir les forces militaires adverses avec une extrême rapidité : On
parle de guerre-éclair ou Blitzkrieg. La guerre-éclair se fonde sur l’emploi du couple char-avion. De grandes
formations blindées (ou divisions Panzer), précédées par des bombardements aériens massifs sur les centres
névralgiques de l’ennemi permettent d’encercler et de vaincre rapidement les armées ennemies. Les résultats sont
édifiants. La campagne de Pologne dure moins de trois semaines. Surtout la campagne contre la France qui permet
aussi aux Allemands de conquérir sans déclaration de guerre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas va du 10 mai
au 22 juin 1940 soit environ six semaines. Les opérations contre la Yougoslavie et la Grèce (printemps 1941) sont
aussi très rapides malgré un terrain montagneux où le déploiement des divisions blindées est limité. Contre l’Union
soviétique (opération Barbarossa déclenché le 22 juin 1941), les succès sont spectaculaires puisque les Allemands
parviennent jusqu’aux portes de Moscou qu’ils échouent cependant à prendre à la fin du mois de novembre 1941.
Cette guerre-éclair permet aux Allemands de tuer ou capturer rapidement des millions de soldats. Si les prisonniers
de guerre occidentaux (Français, Britanniques, Belges, Néerlandais) sont correctement traités, les prisonniers
polonais, soviétiques yougoslaves meurent de faim dans les camps de détention allemands. Les Allemands utilisent
les premiers des bombardements de terreur. Le bombardement de Rotterdam entraîne en quelques heures la mort
de 2000 personnes. La ville britannique de Coventry est détruite, etc.
Aujourd’hui, le concept de guerre-éclair est remis en cause par de nombreux chercheurs qui ont accédé aux
sources militaires allemandes. Le terme est peu employé par les généraux allemands et par Hitler à l’époque des
premiers succès. Dans un ouvrage récent le colonel Karl Heinz Frieser, ancien chef du service historique de la
Bundeswehr autrement dit les archives militaires allemandes de la RFA, (voir K. H. Frieser, Le Mythe de la Guerre
éclair, Belin, 1996) a démontré que la guerre-éclair contre la France n’avait pas été planifiée en tant que telle. C’est
par une série de désobéissances à l’égard d’Hitler (qui avait demandé, à plusieurs reprises après le 10 mai 1940
l’arrêt des opérations à l’ouest craignant au retour à une situation comparable à celle de 1914) que les généraux
comme Guderian et Rommel ont pu parvenir à écraser les Français et les Britanniques. En bref, les victoires contre la
France et les autres puissances de l’ouest furent le fruit d’une guerre-éclair non planifiée. En revanche, l’opération
Barbarossa fut une guerre-éclair planifiée qui finit par échouer tant les distances et l’énorme potentiel humain et
industriel soviétique furent sous-évalué…
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, En attendant, les alliés à partir de 1942, adoptèrent et perfectionnèrent ces méthodes de combat. Disposant
d’une supériorité industrielle écrasante, ils purent constituer des flottes de bombardiers et des divisions blindées en
bien plus grandes quantité afin de reconquérir le terrain perdu.
2.1.2 Des armes de plus en plus meurtrières
Par rapport aux matériels de la Première Guerre mondiale, les armements sont infiniment plus meurtriers.
Un régiment de la Seconde Guerre mondiale (1500 hommes) déploie une puissance de feu en moyenne équivalente
à une division de la Première Guerre mondiale (15000 hommes). Les armes individuelles sont de plus en plus
perfectionnées. Les pistolets-mitrailleurs et les mitraillettes (MP40, Thompson, Sten, etc.) se généralisent. A la fin de
la guerre apparaissent les premiers fusils mitrailleurs comme le STG 44 (Sturmgewehr 1944) allemand, l’ancêtre de la
fameuse Kalachnikov AK47 (Avtomat Karabin 1947). Les mitrailleuses sont de plus en plus puissantes. On songe à la
MG42 surnommée la tronçonneuse d’Hitler qui pouvait tirer au maximum 2000 balles par minute. Les chars apparus
durant la Première Guerre mondiale deviennent plus puissants et plus rapides. Les chars allemands deviennent de
véritables mastodontes à mesure que dure le conflit (Panther puis Tiger). Ce sont les Soviétiques qui réalisent le bon
compromis en matière de blindés avec les T 34 puis les chars Staline. L’artillerie est massivement utilisée pour les
sièges des grandes villes. Leningrad (ancien nom de Saint Petersbourg) est assiégée pendant 900 jours et bombardée
par des canons géants montés sur rail capables de tirer des obus d’un diamètre de 540 mm. C’est surtout le
bombardement aérien qui se perfectionne. Afin de détruire le potentiel industriel ennemi, ses infrastructures de
communications (ponts routes, gares, aérodromes, etc.) et briser le moral des populations civils, les Britanniques et
les Américains emploient le carpet bombing ou tapis de de bombes. On étudie avec précision les capacités
pyrotechniques de certains explosifs et produits incendiaires (phosphore et napalm). Le bombardement aérien sur
les villes allemandes et japonaises atteint des sommets dans les deux dernières années de la guerre. Une première
vague de bombardiers est chargée de marquer la zone à bombarder (en produisant de multiples incendies visibles de
nuit), puis une seconde vague est chargée de casser toutes les infrastructures capables d’éteindre les incendies
(destructions des canalisations et des conduites d’eau par exemple), enfin a lieu le carpet bombing proprement dit
où des vagues de bombardiers (B17 Superfortress, Pistol Lancaster britanniques, B29 américains à la fin de la guerre,
etc.) larguent des centaines de tonnes de bombes incendiaires sur les villes ennemies dont les centres historiques
souvent remontant au Moyen Age sont encore construits en bois. Les résultats sont catastrophiques : des dizaines
de villes sont méthodiquement anéanties. L’incendie se transforme souvent en tornade de feu impossible à arrêter.
Les civils qui se réfugient dans les caves pour échapper aux explosions y périssent asphyxiés ou carbonisés. Le
bombardement de la ville de Dresde en février 1945 cause la mort de 160000 civils. Le bombardement de Tokyo fait
périr 300000 personnes, plus qu’Hiroshima et Nagasaki.
La guerre d’anéantissement est aussi menée dans les laboratoires. Chaque camp développe des armes
nouvelles. Les Allemands mettent au point les premiers avions à réaction et surtout les missiles balistiques V1 (un
avion-fusée sans pilote en fait) et surtout V2. Le chef de ce programme de construction est Werner Von Braun, un
ingénieur qui, quelques années plus tard devait superviser le programme Apollo pour le compte de la NASA. Enfin les
Américains parviennent à mettre au point la première bombe atomique grâce à une équipe de chercheurs
internationaux menée par le physicien Robert Oppenheimer. C’est le Manhattan Project. Le premier essai a lieu dans
le désert du Mexique (essai Trinity du 16 juillet 1945). Le président Truman donne immédiatement l’ordre de
l’utiliser contre le Japon malgré les réticences d’Oppenheimer. Cela se solde par les bombardements dévastateurs
d’Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945). Le Japon accepte la capitulation sans condition (15 août) qui
est signée le 2 septembre 1945 sur le cuirassé américain Missouri ancré dans la Baie de Tokyo.
2.1.3 Mobilisation totale et déshumanisation de l’ennemi
Dans les grandes démocraties et en URSS, la mobilisation industrielle est précoce. Les Etats-Unis avant même
leur entrée en guerre mobilisent leur industrie pour fournir des armes aux alliés (programme cash and carry et prêt
bail). En URSS, face à l’invasion allemande, les usines sont démontées en urgence et transférées vers les régions de la
Volga et de l’Oural. Les femmes et les enfants sont mobilisés pour la construction des routes, des voies de chemin de
fer ou pour travailler sur les chaînes de montage. L’Allemagne nazie est plus tardive à mobiliser totalement son
potentiel industriel. En février 1943, le ministre nazi de la propagande Goebbels lors d’un meeting au palais des
sports de Berlin annonce la guerre totale. Toute la population doit être mobilisée pour l’effort de guerre.
L’Allemagne emploie massivement de la main d’œuvre forcée provenant des pays occupés ainsi que des travailleurs
esclaves des camps de concentration. A la fin de la guerre, le pays compte plus de 7 millions de travailleurs étrangers
employés dans l’industrie et l’agriculture.
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