Fonctions
Ce chapitre étudie les fonctions, principalement de la variable réelle à valeurs réelles. Le but n’est pas de
proposer un cours complet sur les fonctions car il serait difficile d’accès et bien trop long mais d’acquérir un socle
de connaissances permettant de progresser en analyse (branche des mathématiques qui traite de la notion de
limite, primordiale pour étudier les fonctions) et du matériel pour comprendre les applications qui seront vues
dans les autres matières. Les propriétés fondamentales de l’analyse, comme la continuité et la dérivabilité, seront
étudiées plus en profondeur au deuxième semestre, tant au niveau des fondements qu’au niveau des résultats
qui en découlent. La progression se fera donc par strates qui s’élargiront au fur et à mesure en direction des
fondements d’une part et de l’élaboration d’autre part.
Nous commençons par un cours sur le langage mathématique élémentaire permettant la rédaction de démons-
trations mathématiques et nous donnons quelques techniques de raisonnement qui seront utilisées dans le cours
et dans les séances d’exercices. Nous présentons alors la composée de deux applications et les propriétés qui y
sont reliées. Cette composée est présente de façon cachée dans de nombreux cours qui suivront où l’on définit la
notion de bijection réciproque. Cette notion, qui demandera un effort de compréhension, nécessite l’introduction
d’ensembles associés à une fonction (ensemble image et image réciproque) ainsi que des propriétés que l’on
formalise dans le langage mathématique (injectivité et surjectivité).
Une fois cet effort d’abstraction effectué dans les premiers cours, nous pouvons déjà présenter des exemples
d’application. Nous appliquons ainsi les premiers cours aux fonctions déjà étudiées précédemment dans la
scolarité : exp, ln, cos, sin, . . . Enfin, nous nous orientons dans deux directions concrètes distinctes mais fortement
reliées : être capable de tracer qualitativement le graphe d’une fonction (à l’aide de la dérivée) et être capable
de calculer des aires délimitées par des courbes (à l’aide de l’intégrale).
Au début de chaque cours, nous proposons des références précises de passages courts (tant que possible) qui
permettent de compléter le cours. Les références sont disponibles à la Bibliothèque Universitaire ou en ligne
pour [Exo16]. Nous vous encourageons à aller feuilleter les différentes références et à vous laisser embarquer en
dehors des passages proposés. La référence [LTT16] permet de faciliter la transition Lycée / Université, n’hésitez
pas à vous y référer si vous sentez qu’un cours est trop difficile pour vous.
1
, 2
Cours Magistral n1
Pré-requis : Objectifs :
– pas de pré-requis particuliers – savoir reconnaître une assertion
– être capable de lire et de comprendre une asser-
tion donnée à l’aide de connecteurs logiques et de
quantificateurs
– mener une démonstration de façon rigoureuse
Lectures complémentaires : sections 1.2, 1.4 et 1.5 de [Cos16] ; chapitre 1, Logique et raisonnement de
[Exo16].
1. Langage mathématique
Le but de ce cours est de se donner un langage rigoureux pour écrire des mathématiques. Nous souhaitons
éviter les ambiguïtés que la langue française peut contenir. La conjonction “ou” peut par exemple être exclusive
“un match qui aura lieu à Barcelone ou à Toulouse” ne se déroulera pas aux deux endroits à la fois. Mais elle
peut aussi ne pas l’être : si vous cherchez un “gateau au caramel ou au chocolat”, ce serait dommage de refuser
une tarte caramel-chocolat. Dans ce cours, nous présentons un vocabulaire précis qui permet de démontrer
rigoureusement.
1.1. Logique
Une démonstration mathématique est composée d’assertions (ou propositions logiques) que l’on relie au moyen
de connecteurs logiques. Démontrer une assertion revient à montrer qu’elle est vraie.
Définition 1
Une assertion est un énoncé (que l’on peut comprendre sans ambiguïté) dont on peut connaître la valeur
de vérité : vrai (V), faux (F). Une assertion est complète si elle ne dépend pas de variables libres.
Exemple 1
– “Elle est douée”, “1 + 1 = 2”, “il existe un nombre pair” et “P (x) : x2 > 9” sont des assertions mais “il
fait il beau est joyeux” et “Attention !” ne sont pas des assertions,
– “1 + 1 = 2” et “il existe un nombre pair” sont des assertions complètes,
– “Elle est douée” et “P (x) : x2 > 9” ne sont pas des assertions complètes. L’assertion P (x) dépend de
la variable libre x. Il faut donner une valeur à x pour pouvoir donner une valeur de vérité à P (x).
Nous relions ensuite des assertions à l’aide de connecteurs logiques. Soient P et Q deux assertions.
La conjonction “et” P V F V F
L’assertion “P et Q” est vraie si P est vraie et Q est vraie. Elle est Q V V F F
fausse sinon. On résume ceci par la table de vérité ci-contre. P et Q V F F F
Exemple 2
La valeur de vérité de l’assertion : “N ⊂ Z et 2 > 1” est V (vraie).
La disjonction “ou” P V F V F
L’assertion “P ou Q” est vraie si l’une des assertions P ou Q est Q V V F F
vraie. Elle est fausse sinon. On obtient la table de vérité ci-contre. P ou Q V V V F
, 3
Remarque 1
– Comme dit dans l’introduction, le “ou” dans le langage mathématique est inclusif.
– On a utilisé une phrase en français contenant les mots “et” et “ou” pour définir les connecteurs logiques
“et” et “ou”. On évite ce problème en prenant les tables de vérité comme définition.
La négation “non” P V F
L’assertion “non P ” est vraie si P est fausse. Elle est fausse sinon. non P F V
L’implication “⇒” P V F V F
L’assertion “P ⇒ Q” est vraie si l’assertion “non P ou Q” est vraie. Q V V F F
P ⇒Q V V F V
Exercice 1
Quelle est la valeur de vérité de l’assertion : “Soit x un réel. Alors x2 < 0 ⇒ 2 = 3”.
Remarque 2
1. L’assertion “P ⇒ Q” se lit aussi : si P est vraie, alors Q est vraie.
2. La réciproque de l’assertion “P ⇒ Q” est l’assertion “Q ⇒ P ”.
L’équivalence “⇔” P V F V F
L’assertion “P ⇔ Q” est vraie si l’assertion “(P ⇒ Q) et (Q ⇒ P )” Q V V F F
est vraie. La table de vérité est la table ci-contre. P ⇔Q V F F V
L’assertion “P ⇔ Q” se lit aussi : P équivaut à Q, ou l’assertion P est vraie si et seulement si l’assertion Q
est vraie, ou encore, P si et seulement si Q. En général, on s’intéresse aux assertions vraies, lorsque l’on écrit
“P ⇔ Q”, on veut en fait dire “P ⇔ Q” est vraie. Par contre, cela ne veut pas dire que P et Q sont vraies !
Démonstration
Proposition 1.
Soient P et Q deux assertions. On a les équivalences suivantes :
1. (P ⇒ Q) ⇔ (non Q ⇒ non P ),
2. P ⇔ (non P ⇒ F ).
1.2. Quantificateurs
Les quantificateurs interviennent pour construire des assertions.
Le quantification “pour tout” ∀
Définition 2
L’assertion “∀x ∈ E, P (x)” est vraie si l’assertion P (x) est vraie pour tout élément x de l’ensemble E.
Exemple 3
L’assertion “∀n ∈ N, n + 1 ∈ N” est vraie.
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Le quantificateur “il existe” ∃
Définition 3
L’assertion “∃x ∈ E, P (x)” est vraie si l’assertion P (x) est vraie pour au moins un élément x de l’ensemble
E. Lorsqu’il y a unicité de l’élément x tel que P (x) soit vraie, on écrit “∃!x ∈ E, P (x)”.
Exemple 4
– L’assertion “∃n ∈ Z, n est pair” est vraie.
– L’assertion “∃!x ∈ R, (x > 0) et (x 6 0)” est vraie.
Remarque 3
1. Dans une assertion, l’ordre des quantificateurs est important. Par exemple, comparer les valeurs de
vérité des deux assertions suivantes :
– “∀x ∈ R, ∃y ∈ R, y < x”,
– “∃y ∈ R, ∀x ∈ R, y < x”.
2. La négation de “∀x ∈ E, P (x)” est “∃x ∈ E, non P (x)”.
3. La négation de “∃x ∈ E, P (x)” est “∀x ∈ E, non P (x)”.
Exercice 2
Quantifier puis donner la négation de “Si un quadrilatère a trois angles droits, alors c’est un rectangle” (on
pourra essayer de donner la négation avant de quantifier). Laquelle des deux assertions est vraie ?
Attention : la quantification des variables muettes est souvent absente dans le langage courant.
1.3. Raisonnements
Il existe plusieurs types de raisonnements qui permettent d’écrire des démonstrations. Nous présentons les plus
courants ainsi que quelques schémas de démonstrations associés.
Quelques raisonnements directs Lorsque l’on cherche à démontrer l’assertion “P et Q”, on raisonne souvent
en démontrant d’abord P puis Q. C’est un raisonnement “direct”. On peut rédiger de la façon suivante :
1. Montrons P . + démonstration.
2. Et montrons Q. + démonstration.
3. Donc : P et Q.
Si l’on cherche à démontrer une assertion du type : “∀x ∈ E, P (x)” par un raisonnement direct, on commencera
notre démonstration par “Soit x ∈ E.” Puis on cherchera à montrer P (x).
Par contre, si l’on cherche à démontrer l’assertion “∃x ∈ E, P (x)” par un raisonnement direct, on peut exhiber
un élément x ∈ E tel que P (x) est vraie.
Pour finir, la façon la plus courante de montrer une implication P ⇒ Q est d’utiliser un raisonnement direct.
On peut alors rédiger de la façon suivante :
1. On suppose que P .
2. Montrons Q. + démonstration.
3. Donc : P ⇒ Q.
Exercice 3
Montrer que “a, b ∈ Q ⇒ a + b ∈ Q”.
Pour démontrer une équivalence P ⇔ Q par un raisonnement direct, on procède par la démonstration de la
double implication. On peut rédiger de la façon suivante :
1. Montrons : P ⇒ Q. + démonstration. 3. Donc : P ⇔ Q.
2. Réciproquement, montrons : Q ⇒ P . + démonstration.