L’ORDRE POLITIQUE 1
LES FRONTIERES DE LA POLITIQUE
Leçon 1 : Une science du politique
Introduction
La science politique est une étiquette, une sorte de label autour duquel se rassemblent des
institutions, des revues. Elle regroupe un champ disciplinaire.
Ce qui est scientifique n’est pas l’acte politique. Faire de la politique, ce n’est pas faire de la science.
Par exemple, les théories raciales se prétendaient scientifiques. Ce qui est scientifique, c’est la ma-
nière de produire des connaissances sur l’objet. La science est une certaine manière d’élaborer des
savoirs.
La science politique est une science sociale, et les sciences sociales travaillent sur les faits so-
ciaux, les hommes en société. Elle s’intéresse au secteur du gouvernement des sociétés, à l’adminis-
tration du vivre ensemble cad ce que les sociétés n’ont jamais cessé de faire pour vivre collective -
ment.
La légitimité de la science politique est fragile puisqu’il existe des préjugés quant à son utilité
ainsi qu’une cacophonie, pluralité des discours. En effet, il existe plusieurs paroles :
- la parole ordinaire du citoyen, qui n’a pas besoin d’expertise
- la parole des hommes politiques qui vivent par et pour la politique
- la parole des intellectuels
- la parole des savants
Cette prolifération de la parole sur le politique crée un brouillage : où se situe la vérité ? Faut-il poser
la question de l’existence d’une vérité politique ?
I- La production des connaissances sur la politique
A- La généalogie des savoirs politiques
Il y a toujours eu un minimum de savoirs, transmis par exemple oralement.
On peut distinguer 4 moments, productions de savoir politique
- Le moment philosophique : il correspond à l’Antiquité avec les philosophes comme Aris-
tote ou encore Platon. Leur savoir a pour principale caractéristique de répondre à une
question : quel est le meilleur régime politique ? ils utilisent un discours axiologique (qui
a rapport avec les valeurs), normatif, de jugement de valeurs, ce qui conduit à la produc -
tion d’un classement. « La politique, c’est l’éthique du bien vivre » (Aristote). Il faut orga-
niser le bien vivre donc hiérarchiser des critères de valeurs.
- Le moment théologique : il correspond au moment où l’Occident entre dans le monde du
christianisme et marque la pensée sociale. Il dure environ 1000 ans. il faut soumettre la
question du politique aux dogmes du christianisme. A l’époque, faire politique c’est se
soumettre à la volonté de Dieu, aux textes saints.
- Le moment technologique : il renvoie à l’époque fondamentale pour la science politique,
fin MA- Renaissance (XIV, XV, XVIe siècles). Un nombre considérable d’écrits universels
vont être produits et font entrer la politique dans un âge nouveau. On peut alors citer
l’ouvrage Le Prince de Machiavel qui montre qu’il faut aller vers un impératif de rentabili-
té. La politique devient un art de gouverner et le prince s’identifie alors à un artisan. C’est
l’entrée de la politique dans la modernité.
- Le moment scientifique : il dure depuis environ 150 ans. différentes disciplines ont pro-
duit des savoirs sur la politique en suivant des approches politiques. Le savoir politique
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profite du développement des sciences pour produire des corrélations (causalité démon-
trée) cad des tendances majoritaires.
Chaque période a cru découvrir la vérité politique.
B- Les naissances de la science politique française
Il y a un processus d’autonomisation et d’institutionnalisation de la science politique. La discipline
doit se démarquer des autres.
- L’autonomisation : c’est un processus lent. La science politique est née du droit, est la fille
d’anciens juristes ainsi que de sociologues. En effet les juristes ont amené l’institution et la
réglementation et les sociologues ont amené l’interaction de l’individu dans la société.
- L’institutionnalisation : il est nécessaire de s’incarner dans des phénomènes qui lui donnent
de la visibilité (au travers de programmes, de diplômes, etc…)
En France, la science politique née au XIXe. Elle est la convergence de 3 dynamiques :
- Démocratie : la démocratisation de la politique conduit à la question sur le régime. Elle de-
vient source d’enjeux
- Développement de l’Etat : les fonctions de l’Etat vont se multiplier, ainsi que les sciences
- La défaite de Sedan ainsi que l’expérience de la commune va donner naissance à la science
politique. En effet, elle est une défaite morale car il y a un manque de préparation des élites.
De ce fait, les élites mettent en place des sciences nouvelles, des écoles nouvelles, de nou-
velles formations, etc… Par exemple, est créée en 1872 l’école libre des sciences politiques.
Tout le personnel de la IIIe République est issu de ces nouveautés.
André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République (1913)
II- Un protocole scientifique
A- Se doter d’une éthique
Il faut que la discipline s’inscrive dans une manière particulière de produire des savoirs. Il faut qu’elle
soit à l’épreuve de la preuve. Il faut qu’il y ait une éthique de la science. L’objet politique est ambigu,
chargé de sens et d’idéologies et ces dernières peuvent entrainer un oubli de certaines questions,
d’une certaine objectivité. Il faut donc qu’il y ait une neutralité axiologique –Wertfreiheit. La science
est d’abord une morale et l’éthique doit se traduire par l’évacuation de tout jugement de valeurs.
B- Un effort de classement et de catégorisation
Il faut produire des classements pour rendre la chose lisible et l’analyser. En revanche cette catégori-
sation, ce classement dépend du point de vue de celui qui l’énonce.
Leçon 2 Autonomisation et spécialisation de la politique
La politique ne bénéficie pas aujourd’hui d’une définition stricte, immuable. C’est un espace de la po-
litique en perpétuelle évolution. Il faut éviter le piège de tout est politique. Tout n’est pas politique.
C’est un enjeu majeur des acteurs qui appartient à la vie politique.
La politique ce sont des évènements relativement courts, un évènement en chasse un autre.
Il est très difficile de savoir où est le politique :
- en raison du caractère polysémique : l’exemple le plus représentatif est le ou la. Quand on
rentre dans le politique, on rentre dans le domaine des spécialistes qui ne veulent pas se li -