Références – Géopolitique.
Ouvrages sur l’Europe.
Zaki Laïdi, La norm e sans la force (2005).
Il souligne que contrairement à la vision que l’on peut avoir d’une Europe impuissante, « l’U E est en réalité perçue
com m e « un acteur hyper régulateur » dont la volonté « im périaliste » est d’étendre ses norm es au -delà
de ses frontières ». C’est une puissance norm ative. Le pouvoir de marché de l’UE, de presque ½ milliard de
consommateurs parmi les plus riches du monde, lui donne une puissance normative énorme : qui renoncerait à un tel
marché ? L'Europe n'est pas une réelle grande puissance (en termes de hard power) mais elle possède une influence
normative à travers le monde : par exemple, quand l'UE a choisi d'adopter ses normes OGM, de nombreux pays africains
ont refusé de se lancer dans la culture transgénique par peur de l'hostilité des consommateurs européens, qui représentent
le marché principal (50% des exportations africaines).
Laïdi se réfère au concept de « puissance civile européenne », notion introduite par François D uchêne au début
des années 1970. Voilà ce que cela signifie : l’image familière de l’Europe « géant économ ique, nain politique et
vers de terre m ilitaire », bien qu’elle soit éloquente, peut au ssi être trom peuse. Elle m et l’accent
exclusivem en t sur les com posantes « classiqu es » de la puissance , masquant un aspect jusqu’à aujourd’hui
pourtant essentiel de la construction européenne : la volonté affichée d’agir pour la paix et la sécurité en bâtissant un
ordre international basé sur la responsabilité commune, les arrangements multilatéraux, la coopération plutôt que la
concurrence, et la limitation, voire le rejet de la force comme instrument de puissance. La vocation européenne,
dans ce sens, serait de « civiliser » les relations internationales, d’agir davantage sous l'égide des valeur s
que sou s celle des intérêts.
L’Europe a été décrite à juste titre comme une ethical pow er , une « superpuissance tranquille », et a été raillée
par les Etats-Unis, où le Wall Street Journal du 25 octobre 2007 titrait : « Europe : Regulatory Imperialism » (non sans
une certaine haine outre-Atlantique, alimentée par une Europe tatillonne sur des questions de principes).
R obert K agan, La puissance et la faiblesse .
Durant la guerre froide, la seule mission stratégique de l’Europe, et d'ailleurs vitale, consiste à tenir bon et à défendre
son propre territoire contre toute offensive soviétique en attendant l'intervention américaine. Et même cela, les Européens
eurent du mal à le faire. Leur réticence à investir dans leurs forces armées autant que les administrations américaines
l’eurent voulu fut une source constante de tensions entre les deux bords de l'Atlantique. Les Etats européens préfèrent
jouir du dividende de la paix sous la protection assurée du parapluie américain.
Malgré les exhortations américaines poussant l’Europe à développer ses forces conventionnelles afin d’établir un partage
dans le « fardeau de la défense commune » et malgré l’effondrement de l’URSS, la garantie nucléaire am éricaine
ôta aux Européens toute envie de dép enser les som m es qui aurait été requises pour qu’ils retrouvent leur
statut de grande puissance m ilitaire . Géant économique mais nain militaire, l’Europe a raté une énième occasion
de constituer un contre-pouvoir contre les Américains lorsqu’elle a délaissé la course aux armements de haute technologie
permettant des frappes à distance.
Dans le meilleur des cas, le rôle de l'Europe se borna donc à compléter les forces prévues pour le maintien de la paix
après que les États-Unis se furent chargés, le plus souvent seuls, des étapes décisives de la mission militaire et de stabiliser
la situation. Comme l'ont dit certains Européens, il y avait un véritable partage des tâches, les États-U nis « préparan t
le repas » et les Européens « faisant la vaisselle ».
Plutôt que de considérer l'effondrement de l'Union soviétique comme une occasion d’étendre l’influence stratégique du
continent, les Européen s y virent l'occasion rêvée de tirer profit de la paix . Pour l'Europe, la chute de l'Union
soviétique ne fut pas la simple élimination d'un adversaire stratégique : d’une certaine manière, elle supprim a le
besoin de toute géopolitique .
Les États-Unis, forts de leur puissance militaire écrasante, a tendance à davantage l’utiliser, tandis que l’Europe, qui
n’en a plus, est contraire d’éviter la confrontation militaire. « Qui dispose d'un vrai m arteau voit des clous
partout » tandis que « qui n'a pas de m arteau refuse de voir les clous ».
, Olivier Ferrand, L’Europe contre l’Europe.
Il détaille trois paradoxes dans la construction européenne.
La faute aux fondateurs de l’Europe : le « paradoxe M onnet ».
Jean Monnet, un des pères de l’Europe, a théorisé cette construction en deux étapes, de l’Europe technique à
l’Europe politique. La « méthode Monnet » est un coup de génie au départ : la première étape « technique »
rend possible la naissance et le développement de l’Europe, en dépit des nationalismes. Mais elle est devenue
aujourd’hui contre-productive. L’Europe technique s’est développée au prix de la bureaucratisation, du
dérèglement technocratique, du déficit démocratique. L’Europe de la première étape est ainsi devenue un
puissant repoussoir de l’Europe politique que l’on prétend construire lors de la seconde étape.
La faute aux acteurs européens, et notamment à la Commission européenne : le « paradoxe B arnier ».
La Commission ne veut pas de l’Europe politique. Michel Barnier, alors Commissaire européen, avait exprimé
ce déni démocratique de manière brutale en 2002 lors de la négociation du traité constitutionnel européen : pour
pouvoir continuer à défendre l’intérêt général européen, la Commission doit rester non-partisane et à l’abri des
passions citoyennes. Au-dessus des partis et sans compte à rendre aux citoyens européens : c’est le gouvernement
des experts contre la démocratie. Les défenseurs de l’Europe théorisent ainsi les institutions européennes
actuelles, une construction soi-disant sui generis, oubliant que cette Europe technique n’a été conçue que comme
une étape transitoire vers l’Europe politique.
La faute aux politiques européennes : le « paradoxe D elors ».
L’Europe politique trouve sa raison d’être dans la défense du modèle de développement européen – un modèle
qui se caractérise par l’irréductibilité de la dignité humaine et qui trouve son expression, notamment, avec l’Etat-
providence. Or l’Europe s’est construite, pour l’essentiel, dans le domaine économique. Elle a développé des
politiques sans rapport avec son modèle, qui est avant tout social. Pire, avec l’Acte unique de Jacques Delors en
1984, les politiques européennes ont basculé dans une logique libérale de plus en plus radicale, au point de
constituer une menace pour la pérennité du modèle européen, d’essence sociale-démocrate.
Il imagine ensuite trois scénarii possibles de l’avenir de l’Europe :
Le premier qu’il entrevoit est le statut quo ou la suisse européenne. L’Union resterait supra nationale, sans
jamais chercher à acquérir des compétences politiques, sans chercher non plus à fédérer autour d’elle une nation
et une identité européenne. Un scénario catastrophe pour les Européens convaincus qui serait pourtant la
conséquence d’absence de réaction politique.
La seconde solution, le projet d’une Europe-m onde, est à mettre de côté. Elle postule le rejet du traité de
Lisbonne par les États européens. Sans le traité de Lisbonne et, de fait, incapable d’adopter de nouvelles
institutions, l’Europe aurait pu sans véritable fin continuer à s’élargir au dépend de l’approfondissement et de
l’efficacité politique.
La troisième solution qu’il appelle de ses vœux, est celle d’une Europe fédérale. L’avènement de ce scénario
audacieux, se joue au Parlement Européen. Ce sont les parlementaires qui le moment venu, par une
interprétation à peine extensive du traité pourront jouer pleinement leur rôle au sein d’une démocratie
parlementaire européenne.
L’Europe d’aujourd’hui se dresse contre l’Europe de dem ain .
Claude A llègre, P eut-on encore sauver l'Europe ? (2011)
Il faut reconstruire une Europe en créant un sentiment européen : pour cela, il faut dépasser le cadre économique et
financier et construire une Europe de la culture , de la science et de l'éducation. Il faut aussi insister sur l'aspect
historiquement positif de la construction européenne. Il faut réfléchir globalement sur l’avenir de l’Europe : les
institutions sont inadaptées pour réagir rapidement dans un contexte de mondialisation irréversible.
L'hétérogénéité économique et sociale d'une Europe à 27 la rend ingouvernable, et les peuples, et notamment le peuple
français, ne croient plus en cette Europe qui devait apporter le progrès et la croissance et qui est synonyme de chômage
et de règne de l'argent.