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Histoire-Géopolitique
Thomas Reynès
Lycée du Parc – ECS – 2020/2021
Facteurs et acteurs de la mondialisation
(1945 - Aujourd’hui)
Table des m atières :
I. C onceptualisation d’un term e clé . ....................................................................................................... 3
A. Qu’est-ce que la m ondialisation ? ...................................................................................................... 3
1. Histoire d’un processus continuel. ................................................................................................................... 3
2. Une mondialisation également perçue comme rupture. .................................................................................... 5
3. Histoire du terme et définitions génériques. ..................................................................................................... 6
B. A u-delà des définitions, les réalités : la m ultiplication des flux . ............................................ 7
1. Échanges de marchandises et de services : le boom du commerce mondial. ..................................................... 7
2. Flux financiers et globalisation financière. ....................................................................................................... 8
3. Flux d’information et mise en réseau du monde (les NTIC). ........................................................................... 8
C. La m ondialisation : une réalité et une idéologie discutées .......................................................11
1. Une mondialisation irréversible et uniformisante ? .........................................................................................12
2. Une mondialisation aussi créatrice d’inégalités et de ruptures multiscalaires. ................................................13
3. Les frontières ne sont pas aussi poreuses qu’on ne le pense. ...........................................................................14
4. Postmondialisation, démondialisation… ..........................................................................................................15
II. Entre tous les facteurs, la déterm inante révolution des transports : une «
planète m obile » . ..................................................................................................................................................17
A. La révolution des transports, m atrice de la m ondialisation : vitesse, spécialisation,
interm odalité. .......................................................................................................................................................17
1. La vitesse, nouveau critère de puissance. ........................................................................................................17
2. Spécialisation et efficacité économique. ..........................................................................................................17
3. Intermodalité, réseaux et hubs : les nouveaux maillages de l’espace. ..............................................................18
4. Les transports, épicentre des enjeux géoéconomiques et outils de ségrégation et de différenciation spatiale. .19
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, B. Transport aérien : dém ocratisation sans précédent et organisation, le sys tèm e du
« hub » . ..................................................................................................................................................................19
1. Explosion du trafic mondial et innovations technologiques. ...........................................................................19
2. Dérégulation, concurrence et concentration économique.................................................................................19
3. Un système très polarisé de hubs et de flux....................................................................................................20
C. La révolution fondam entale du transport m aritim e ou le renouveau d’un vieux
systèm e. ..................................................................................................................................................................20
1. L’essor du système maritime mondial. ............................................................................................................20
2. Une polarisation portuaire exceptionnelle au profit de l’Asie. ........................................................................21
3. Libéralisation et ultra-libéralisme du système maritime mondial. ..................................................................22
4. La géopolitique du commerce maritime. .........................................................................................................23
III . États contre entreprises ? ...................................................................................................................24
A. U n m onde dans tous ses États ou les États dans la m ondialisation. ...................................24
1. Les États-Nations : entre prolifération et remise en question. ........................................................................24
2. Mondialisation et frontières. ...........................................................................................................................26
3. Des États acteurs de la mondialisation, dessaisis, transformés ? Vers un nouveau besoin d’État ? ................32
4. Il est toujours des États puissants… ...............................................................................................................33
B. Les entreprises, m aîtresses du m onde ? ..........................................................................................34
1. Des actrices majeures de la mondialisation. ....................................................................................................35
2. Internationalisation des activités productives. ................................................................................................37
3. Maîtresses du monde ? Mais sont-elles seulement maîtresses d’elles-mêmes ? ................................................40
4. Vers la toute-puissance ? GAFAM et idéologie californienne. ........................................................................40
IV . H om m es et sociétés, acteurs de la m ondialisation. ................................................................41
A. La m ondialisation com m e affirm ation de l’intrus/individu dans les relations
internationales. ....................................................................................................................................................41
1. « Prophètes désarmés », people et « manipulateurs de symboles »., des individus d’influence. .....................42
2. Les ONG ou l’irruption des sociétés sur la scène internationale. ....................................................................42
B. Le m onde nom ade privilégié du tourism e. .....................................................................................44
1. Tourisme : activité mondiale mais partiellement mondialisée. ........................................................................44
2. Une mondialisation paradoxale, le cas des Maldives. ......................................................................................46
C. U n m onde en m igrations . .....................................................................................................................46
1. Un monde d’inégalités … et de différences. .....................................................................................................47
2. Des migrations contemporaines bien éloignées et presque à rebours même des stéréotypes. ...........................48
3. Les migrations porteuses d’un nouvel ordre international ou vers un rééquilibrage géopolitique ? .................51
4. Les migrations vues du Nord. .........................................................................................................................54
5. Conclusion : vers une gouvernance mondiale des migrations et un meilleur équilibre ?..................................57
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, La m ondialisation
Lieux, acteurs, manifestations et enjeux.
La mondialisation ou les mondialisations ? Le pluriel semble nécessaire pour rendre compte de l’indubitable complexité
du phénomène et pour traduire la multiplicité des points de vue idéologiques sur ce terme qui n’est pas adopté de tous.
I. C onceptualisation d’un term e clé .
A . Qu’est-ce que la m ondialisation ?
1. H istoire d’un processus continuel.
Si le terme de mondialisation que nous utilisons aujourd’hui est datable, le phénomène qu’il tente de décrire puise ses
sources dans l’interdépendance des économies depuis des siècles. Phénomène et processus, phénomène avant d’être un
processus, plurielle et polysémique, la mondialisation est un produit de l’histoire, de la géographie, de la géopolitique, de
l’économie, etc…, et dessine une nouvelle géographie ainsi que de nouvelles donnes géopolitiques qui s’articulent du local
au global. En fait, le processus prend son essor avant que d’être nommé, et cela ressemble à l’histoire humaine.
⎯ D ans l’A ntiquité.
L’historien grec Polybe, au IIème siècle av. J-C, qui subissait la conquête romaine, n’écrivait-il déjà pas à son époque :
« avant les événements qui se déroulaient dans le monde n’étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants
les uns des autres ». Il constate l’unification du bassin méditerranéen qui s’apparente à un premier pas dans la
mondialisation, surpassant pour la première fois l’atomicité du monde qu’il connaissait. De même, Sénèque proclamait
« avoir pour patrie le monde entier et ne pas être né dans un petit coin de la terre ». Le sentiment d’une « première
mondialisation », bien loin de celle de Suzanne B erger , était alors déjà présent.
Les Phéniciens sont au cœur de la première internationalisation des échanges marchands, mais aussi culturels, qu’ils
vont réaliser en diffusant leur alphabet.
⎯ A u M oyen-Â ge.
L’essor des commerçants européens participe à la constitution d’économies-monde selon le terme de Fernand B raudel.
Une économie-monde est généralement dominée par une ville-monde (ou « hyper-lieu » d’après le vocabulaire de M ichel
Lussault) : « les informations, les marchandises, les capitaux, les crédits, les hommes, les ordres, les lettres marchandes
y affluent et en repartent ».
Historiquement, plusieurs villes-monde se sont succédées, déplaçant le centre de l’économie monde qu’elles formaient,
représentant des étapes de la mondialisation : ainsi trouve-t-on successivement Bruges (les drapiers), Venise (les
commerçants vénitiens sont les pères du capitalisme que nous connaissons aujourd’hui avec l’ancêtre des sociétés par
actions, les « colleganza »), Anvers, Amsterdam, Londres, New York, Tokyo et demain, Shanghai. On peut définir la
mondialisation contemporaine comme la formation d'une seule économie-monde à l'échelle du monde.
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, ⎯ A u X IX èm e siècle.
Plus tard, K arl M arx, en analysant ce qui constitue le capitalisme familial de son époque, perçoit le phénomène de
mondialisation à travers la puissance et l’activisme de la nouvelle bourgeoisie capitaliste : elle en est le moteur.
c
Citation
« Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le monde entier. Il lui faut
s’implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations… A la place de l’ancien isolement des
provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une
interdépendance universelle des nations. Et ce qui est vrai de la production matérielle ne l’est pas moins des
productions de l’esprit. »
K arl M arx
Comme le répète M ichalet, reprenant la position de M arx, la « tendance à la mondialisation est inhérente au
capitalisme ».
Si on désigne la mondialisation comme un processus d’interdépendance continu, de plus en plus prononcée des économies
nationales, la mondialisation actuelle n’est que la quatrième vague de l’époque moderne et contemporaine :
Les grandes découvertes :
Pour nombre d’historiens, la première mondialisation s’opère avec celles-ci. Le monde méditerranéo-centré, dans
lequel on avait déjà perçu des connexions internes et des interdépendances, explose et se dissémine par-delà les
horizons, pour établir une économie-monde atlantique plutôt que méditerranéenne. La technique est au service
de cet expansionnisme, que ce soit les trois caravelles de Christophe Colomb ou les galères da mercato de Venise
qui peuvent charger dans leurs cales l’équivalent d’un train de 50 wagons.
La révolution industrielle européenne :
La Grande-Bretagne y affirme son statut d’économie-monde, et l’Europe étend à la terre entière ses ambitions
impériales. Car l’Europe, « celle qui voit loin » (étymologie de Europe), veut découvrir, unifier, et intégrer à son
profit le monde. Cette période, rimant avec progrès des modes de transports, est également synonyme de
colonisation, une sorte de mondialisation du modèle capitaliste libéral. Pour K arl Polanyi, c’est au terme de
la triple transformation du marché (unification, extension et émancipation) que celui-ci devient maître de la
société. C’est dans un mouvement ultime de marchandisation que selon lui, on serait passé d’une économie de
marché à une société de marché, qui deviendra peu à peu généralisée.
L’ère libre-échangiste de l’après 1945 :
La mondialisation a été à la fois cassée et contenue : cassée par les deux guerres mondiales et par la crise de
1929 et contenue par la mise en place des États-providence qui ont affaibli l’idéologie libre-échangiste. L’Europe
pulsatrice hier est exsangue. Il faut attendre les années 1950 pour assister à la troisième vague de la
mondialisation. Elle est préparée par une intensification orchestrée par le système de Bretton Woods, avec ses
trois rouages essentiels complémentaires commercial (GATT), monétaire et financier (banque mondiale et FMI).
Cette période apparaît aujourd’hui comme celle d’une reprise des échanges (R . B énichi parle même de « reprise
de la mondialisation »). « Chacun de nous a appris la gloire de l’indépendance : que chacun de nous apprenne
désormais la gloire de l’interdépendance. » nous dit alors J. D elano R oosevelt.
La vague néolibérale des années 1970 :
Si le marasme des années 1930 a tué le commerce international, la crise des années 1980 va, au contraire,
provoquer l’entrée dans la mondialisation. De fait, à partir de 1970 ; ce sont cinq mondialisations qui se
superposent en accéléré :
La mondialisation des marchés et leur primat sur les évolutions sociétales.
La mondialisation de la communication et le primat de la circulation de l’information. C’est un point très
important qui fait la grande, sinon la seule différence avec les mondialisations passées : on entre pour M .
C astelle (L’Ère de l’Information) « dans une économie globale qui ne se contente pas d’accumuler du
capital dans le monde entier mais qui fonctionne comme unité en temps réel à l’échelle planétaire ».
La mondialisation culturelle et la propagation de modes de consommation de masse.
La mondialisation idéologique avec la radicalisation autoproclamée victorieuse du libéralisme, voire de
l’ultralibéralisme.
La mondialisation politique avec le primat contesté que tente d’imposer l’Occident dans sa modernité et
ses valeurs.
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