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Histoire-Géo-Géopolitique
M. DURAND
Lycée du Parc – ECS – 921* – 2021/2022
Étude d’un continent à l’essor contrasté :
L’Afrique mondialisée
Introduction : H éritages et nouveaux enjeux
0.1. L’A frique n’est pas un continent périphérique , et ne l’a jam ais été
Il y a l’idée que l'Afrique a souvent été « au bord du monde » (titre d'un article de Stephen Sm ith en 2005, Une
Afrique sur le bord du monde). L'Afrique avait pourtant déjà rebondi de la décennie du chaos. L’A frique est
paradoxale, duale, très contrastée. Sm ith remarquait que l'A frique de tout tem ps dan s son histoire avait été
au cœ ur de la m ondialisation sur le tem ps long avec une histoire terrible. L'A frique a toute sa place dan s
la m ondialisation . Cela relève de la thématique afroptimiste, l’idée d'une Afrique qui bouge, même si les défis restent
colossaux.
H egel considérait que l’Afrique n’était pas un continent historique. Cette pensée hégélienne a pu marquer les esprits,
permettant une hiérarchie des civilisations, où la civilisation africaine figure en bas de l’échelle. Ce n’est pas juste
historiquement. A vant m êm e la m ondialisation, l’A frique a très tôt été reliée aux autres espaces , qui y
trouvaient des intérêts stratégiques : des ressources en ivoire, en or, et éventuellement en esclaves. Y’a un commerce. Le
continent est hyperconnecté, peut-être trop connecté à la mondialisation et pas assez connecté à sa proximité, à sa zone.
Aujourd’hui, même cette Afrique « hors du monde », devenue de plus en plus périphérique par la métropolisation qui
vide la campagne de sa substance, est une Afrique en vérité très mondialisée, mais d'une mondialisation par le bas, que
ce soit en matière économique comme continent déversoir (brisure de riz, fripes, voitures de seconde ou troisième
main) ou en matière criminelle, qui mobilise à plein le continent. L’A frique est à cheval entre le m onde et
l’antim onde m ondialisé . R oger B runet, géographe français à l’origine du terme d’antimonde, le définit comme une
« partie du monde mal connue et qui tient à le rester, qui se présente à la fois comme le négatif du monde et comme
son double indispensable ». En effet, le processus de mondialisation tend à la concentration des activités, laissant émerger
des espaces totalement périphériques, marginalisés (marges sociales, légales ou territoriales) qui sont le terrain de jeu de
certains réseaux criminels.
Les nouvelles restrictions du marché noir poussent les exportateurs de drogue et de produits illicites sudaméricains à
contourner les barrages douaniers que rencontrent les marchandises arrivant directement en Europe. En relai des anciens
itinéraires aujourd’hui compromis, les marchandises sont exportées directement d’Amérique Latine vers l’Afrique de
l’Ouest pour fournir le marché européen en profitant de zones grises parmi lesquelles figurent le Sahara et des espaces
peu, sous, mal ou non contrôlés, par des États « fragiles », « déliquescents » ou « faillis », corrompus, ou même
« voyous » (rogue states) pour reprendre une terminologie politique et militaire dorénavant courante.
,En fait, le Sahara retrouve une centralité qu’elle avait perdu depuis l’arrivée des colons en A frique , qui
avaient fait des littoraux leur zone d’implantation et donc la nouvelle centralité « décentrée » de l’espace africain. C’est
un « retournement de l’espace » selon Sylvie B runel : la nouvelle centralité est créée ex-nihilo par les colonisateurs sur
les littoraux, mais cela se fait à rebours de l’Histoire africaine. Les centres de l’ensemble des pouvoirs africains ne se
trouvaient pas sur les côtes : ils sont dans l’intérieur des terres. En effet, dans un temps ancien, Tombouctou par exemple
bordait une voie caravanière très importante.
Citation
« Pour l’Afrique, le Sahara comme une mer traversée par des routes caravanières »
Fernand B raudel
L’Afrique, continent émergent, ne doit plus être réduit à ses faiblesses :
Citation
« L’Afrique, un continent d'avenir qui ne supporte plus le regard apitoyé des autres. »
A bdou D iouf, président du Sénégal.
0.2. M ais l’A frique est-elle si bien partie ? (Sylvie B runel)
L'ampleur de la croissance africaine signe leur grand retour du continent, fort de ses ressources naturelles et de son
nouveau marché de consommation, sur la scène internationale. Il existe désormais une Afrique émergente, porteuse de
tous les espoirs, avec sa classe moyenne immense et ses progrès. Mais ce redressement est-il durable ?
Jam ais l'A frique n'a été plu s injuste : sa croissance économique s'accompagne d'un creusement des inégalités porteur
de graves tensions. La grande pauvreté persiste y compris dans les pays émergents. La plupart des États continuent de
tolérer qu'un petit nombre se réserve le meilleur au détriment de l'immense majorité. On citera par exemple la famille
angolaise D os Santos qui, sur la base de la corruption, du blanchiment d’argent public et de son détournement vers
des paradis fiscaux, s’est établie comme la plus grande fortune africaine en profitant des redevances du pétrole angolais.
L’A frique est riche (en ressources) et pourtant les A fricains sont pauvres.
,M êm e si une réalité nouvelle et positive s’em pare de l'A frique , les structures déficientes perdurent : 22
des 24 pays à développem ent faible avec un ID H inférieur 0,5 se trouvent en A frique . C’est le continent de
la pauvreté. Le PIB en parité de pouvoir d’achat dépasse à peine les 2 000 dollars (alors que la moyenne mondiale et à
10.000 dollars). La logique des enfants mal nourris ou des enfants soldats en 1990 a disparu, mais la paix n'est pas
revenue. La kalachnikov toujours présente dans la réalité africaine. Sur des bases instables qui sont les siennes, ça n’a
pas encore explosé : on s’étonne qu’il n’y ait pas encore eu une explosion, alors que les ingrédients sont là (pauvreté,
corruption, inégalités, armes à feu…).
Par exemple, l’Ethiopie est devenue un centre mondial dans la production de chaussures grâce à la très grande
compétitivité-coût de sa main d’œuvre. Mais ce n’est pas ce qui va tirer un pays de plus de 100M de personnes. Elle
était considérée comme un des lions africains, succédant aux tigres asiatiques. Mais l’Ethiopie est revenue à ses
confrontations ethniques et politiques.
Point de leçon
L’origine de la guerre du Tigré
Depuis l'entrée en vigueur de la constitution de 1994, l’Éthiopie est un État fédéral divisé en régions — parfois
appelées États — établies sur des bases ethniques. L’Éthiopie est alors un État autoritaire, dirigé depuis des
décennies par la même coalition, au sein de laquelle la minorité tigréenne possède une part du pouvoir très
importante en comparaison de celle de sa population, qui totalise 6 % de celle du pays.
La situation change au début de l'année 2018 lorsque le pays est agité par des troubles socio-politiques qui
conduisent en avril au report des élections municipales et à la démission du Premier ministre auquel succède
Abiy Ahmed au poste de Premier ministre d'Éthiopie. Le nouveau Premier ministre s'efforce également de
réformer pouvoir politique en une structure nationale centralisée, celui-ci étant composé de quatre partis ethno-
régionaux implantés indépendamment les uns des autres dans les régions des Oromo, des Amharas, des
Tigréens et des peuples du sud. Ceux-ci sont ainsi fusionnés une seule formation : le Parti de la prospérité, à
l'exception du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), qui refuse son incorporation. Dès lors, la guerre
est lancée entre le pouvoir central et le FLPT.
L’A frique a retrouvé l’habitude des coups d’États m ilitaires. L’optimisme béat qui voit de l’avenir dans l’Afrique
finit par se briser sur des réalités politiques.
0.3. L’A frique est au centre des enjeux contem porains
Au-delà de ses ressources connues, l’Afrique offre de très nombreuses opportunités stratégiques. On peut tirer des
bénéfices de ses caractéristiques comme son taux d’ensoleillement (pour cultiver ou pour y développer l’énergie solaire),
qui font d’elle un espace convoité. C ’est un continent neuf : il y a des ressources naturelles, ignorées longtemps, qui
font de ce continent un enjeu pour l’avenir, un enjeu pour la communauté mondiale : la forêt équatoriale ! L’Afrique
centrale tropicale est le deuxième poumon de la planète.
Alors que l’Afrique est amenée à se développer, l’enjeu est également de porter le continent dans un processus de
développement qui soit en adéquation avec le respect de l’environnement. Cela alimente un discours d’injustice face au
développement. De même, il faut mentionner la vulnérabilité disproportionnée de l’Afrique face aux effets du dérèglement
climatique auquel elle ne participe que peu. En matière climatique, l’Afrique vit une véritable injustice : à l’origine de
4 % des émissions mondiales de CO2, c’est le continent qui a le m oins contribu é au changem ent clim atique,
m ais qui en subit les pires effets. Cyclones, inondations, sécheresses... le risque climatique prend différentes formes
et ses répercussions sont multiples.
, 1. D éfis dém ographiques et m ond ialisation
1.1. L'A frique retrouve son rang dém ographique
1,1 m illiard d'habitants avec plu s de 800 m illions rien que pour la seule A frique sub saharienne . Elle est
en pleine transition démographique, où la baisse de la mortalité n’a pas encore été suivie par une baisse de la natalité.
Certaines projections tablent sur le chiffre ahurissant d’1,7 m illiard en 2050. Jamais dans l'histoire une telle croissance
n'a été observée pour un tel ensemble.
L'Afrique ne fait que retrouver son rang car elle a décroché après 1700. Elle était à 100 millions en 1700 et est toujours
à 100 millions en 1900, après avoir subi un large trou d’air démographique à cause de la traite négrière. L'A frique
efface un long déclin sur la question d ém ographique. La fécondité est variable selon l’espace : le nord de l’Afrique,
calquée sur un modèle européen, présente un taux de fécondité de 2 enfants par femme, quand il atteint en revanche 5,5
en A frique subsaharienne, 7,4 au N iger , et 2,8 pour l'Afrique australe. Il y a donc des différences auxquelles sous-
tend une réalité globale, celle de l'accroissement démographique.
Au final, l’Afrique est un continent pléthorique et jeune : 60% de la population africaine a m oins de 20 ans.
