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Histoire-Géo-Géopolitique
M. DURAND
Lycée du Parc – ECS – 921* – 2021/2022
Zoom sur l’Hexagone
La France face à la mondialisation
P artie I
La France des Trente G lorieuses
Rappel de première année.
A. « Il ne faut désespérer de rien » : les glorieuses « Trente G lorieuses »
à la française
1. La difficile sortie d’économ ie de guerre
La guerre a fait 600 000 victimes, à mettre en regard avec les 1,4 millions de 1914-1918, ou de l’Empire. Mais la reprise
démographique de 1942 prépare le baby-boom de 1946, la situation est donc moins menacée qu’en 1918, malgré un état
sanitaire médiocre (les adolescents de 14 ans en 1945 ont entre 7 et 11 cm et 7 et 9 kg de moins que leurs prédécesseurs
de 1935). Les déficits de naissances (530 000), et les départs (320 000, essentiellement des mineurs polonais) seront
comblés par les naissances dans les années qui suivent. La promesse d’un avenir meilleur se concrétise.
On était pourtant parti de très loin. La France sort dans l’une des pires situations dans pays occidentaux : l’appareil
productif français est anéanti, la situation économique est calamiteuse :
Au niveau des transports, elle a perdu 50% de sa flotte commerciale, 7500 ouvrages d’art routiers, 80% des
équipements portuaires et fluviaux, 25% de ses locomotives et 50% de ses wagons.
500 000 immeubles sont détruits.
60 000 établissements industriels sont hors d’usage.
La France ne possède plus que 590 000 machines-outils, pillées par les Allemands, dont la moyenne d’âge est à
plus de 25 ans ! À titre de comparaison, le Royaume-Uni en possède 2M, avec une moyenne d’âge de 7 ans.
Au niveau financier, 1/4 de la fortune d’État a été engloutie, on dépasse les recettes de 50%.
La dette a été multipliée par 4 et l’encaisse or n’est plus que de 13%.
Néanmoins, le niveau de production de 1938 est retrouvé en 1948, et celui de 1929, en 1950.
Pendant un temps, tout le monde retrousse les manches : c’est la période de coalition du GPRF, dominé par le G énéral
de G aulle qui a accepté la participation des communistes et le retour en France de M aurice Thorez, qui avait déserté.
Citation
« Produire, produire et encore produire, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée du devoir de classe, du
devoir des Français. »
M aurice Thorez, Discours de Waziers, le 21 juillet 1945
,La France fait face à des goulets d’étranglements : le logement (les destructions ajoutent du poids à une structure déjà
très bancale dès l’entre-deux-guerres). Le plan Marshall est donc le bienvenu : 2 Mrds de dollars ont été reçu dont 80%
sous forme de dons en 1951. Ces subventions américaines ont notamment contribué au secteur ferroviaire.
Des réformes de structures qui vont être apportées et déterminantes :
La planification sert de cadre économique : la création, en janvier 1946 d’un Commissariat général au plan
(Jean M onnet) doit donner à l’équipement une prime sur la consommation, la planification « souple et
indicative » doit être l’occasion d’une modernisation. Il faut choisir entre modernisation ou décadence, telle était
la devise du commissaire au plan : « la modernisation n’a d’autre alternative que la décadence ». La force de
Monnet a été de lier plan et aide américaine, et d’en faire aussi l’instrument nécessaire de la modernisation.
Le développement d’un État-Providence qui veut accompagner le développement.
Des nationalisations sont lancées par le GPRF :
Les nationalisations
Décembre 1944, les houillères du Nord-Pas-de-Calais.
Janvier 1945 : Renault et Berlier (sous forme de sanction).
Industrie
Mai 1945 : usines d’aviation Gnome et Rhône (qui devient SNECMA) : c’est aussi une sanction.
Avril 1946 : création d’EDF et de GDF, des Charbonnages de France.
Transports Juin 1945 : Air France.
Décembre 1945 : Banque de France et quatre grandes banques de dépôt, le Crédit Lyonnais, la
Société Générale, ainsi que la Banque Nationale du Commerce et de l’Industrie (BNCI) et le
Comptoir National d’Escompte de Paris (CNEP) dont la fusion en 1966 donne naissance à la BNP.
Banque
Avril 1946 : nationalisation de 34 sociétés d’assurances et de la Caisse nationale des dépôts et
consignations.
Mai 1946 : nationalisation du Crédit foncier, du Crédit national et des caisses du Crédit Agricole.
L’économie est donc structurée et facilitée par des services publics.
La reprise économique va être fondée sur la démographie : en 1946, le taux de natalité est de 21,4‰, taux qui se
maintient jusqu’aux milieu des années 1960. Ce boom démographique marque une rupture, alors que la France était
entrée dans le déclin. Alors qu’elle était le géant démographique au début du XIXème siècle, elle avait connu une longue
stagnation due à un malthusianisme très fort. Une dynamique très forte qui va être accompagnée (voire même soutenue)
par les ordonnances qui mettent en place les allocations familiales en avril 1946. 38% des couples constitués en 1950-51
vont avoir 3 enfants ou plus.
Néanmoins, on ne peut pas mettre au travail ces nouveau-nés et on doit faire face au phénomène de classes creuses : la
France va donc avoir recours à l’immigration. 40 000 travailleurs/an avec leurs familles entreront dans l’Hexagone, pour
un total de 600 000 entre 1947 et 1954.
2. L’élan des Trente G lorieuses
La France connait 5,5% de croissance moyenne de 1952 à 1972. En 1972, elle est telle que paraît un rapport de l’Hudson
Institute intitulé L’envol de l’économie française des années 1980.
C’est une croissance en deux périodes :
Une phase « IVème République », imprégnée d’un dirigisme et d’un fort protectionnisme. C’est alors la demande
intérieure qui commande la croissance. La durée de travail va être augmentée à 44-46h.
Une phase « gaulliste » : la France s’ouvre qui se confronte à la concurrence en tirant son épingle du jeu. Mais
le général de Gaulle traduit les conséquences d’une décision prise sous la IVème République : le marché commun,
alors même que l’économie française n’est pas prête pour faire face à la concurrence européenne.
L’effort d’adaptation a permis l’émergence d’une nouvelle géoéconomie française : l’Empire est délaissé pour se voir
substitué par l’insertion de la France dans l’économie européenne. La France s’adapte à la contrainte extérieure : cela
, implique des investissements conséquents (24% du PIB en 1964) et est construit sur un taux d’épargne assez important
alors même qu’il y a un État-Providence. Se met alors en place la « politique du circuit », qui voit le Trésor drainer une
part importante de l’épargne des ménages et des entreprises .
Malgré une poussée inflationniste en 1962, les grèves de 1968, la croissance est toujours soutenue jusqu’en 1973.
La balance commerciale est constamment positive sauf en 1964, l’excédent budgétaire est notable entre 1969 et 1973, ce
qui témoigne de la compétitivité de l’économie française qui a été capable d’évoluer pour exporter. Cette économie joue
à la fois sur une compétitivité-coût et compétitivité hors coût, faisant d’elle une industrie produisant dans la moyenne
gamme. À l’image de la compétition commerciale entre l’automobile allemande et française, la France pourrait néanmoins
finir par s’y laisser trop enfermée.
L’économie française se diversifie et s’améliore en termes de capacité. Mais, en dépit de ce bilan rutilant, deux problèmes
demeurent dans l’économie française :
L’inflation : le phénomène n’est pas propre à la France mais celle-ci serait plus susceptible à y être sujette : on
a souvent cru à une spécificité nationale, due à plus de rigidité, à la volonté des français de s’accrocher à leur
situation et donc au grippage du système. L’inflation interne réduit la compétitivité-prix des importations et
cela devient problématique, surtout quand il s’agit de faire face à la concurrence extérieure…
À quoi est due cette inflation ?
Conjoncturellement : la nécessité de se désendetter, l’excès de la demande sur l’offre, les besoins
d’investissements, les importations d’équipement.
Structurellement : une complaisance politique (Pom pidou : « mieux vaut l’inflation que le chômage »),
les tensions sociales, achetées par la hausse des salaires, le coût de fonctionnement d’un État qui se veut
grande puissance (guerres coloniales).
A partir des années 1960, la contrainte extérieure met fin au marché captif (zone africaine) et aux avantages dont
jouissaient les agents économiques sous le protectionnisme. Cette levée des protections nationales pose la question
de la réinsertion de l’économie française dans le concert des économies développées et pose la question de la
spécialisation de son outil productif. La contrainte française est aussi intérieure : le Business to Business est
inefficace (le commerce interentreprise) et cela traduit la faiblesse du tissu, non pas des entreprises triomphantes
(appelées branches fortes, possédant un taux de couverture supérieur à 120%), mais le tissu entrepreneurial
français des ETI qui ne rivalise pas avec le Mittelstand allemand. Le succès français est le fait de grands groupes
dans des secteurs très spécialisés : les exportations françaises sont celles de quelques champions. La France a
deux fois moins d’entreprises exportatrices que l’Italie.
2.1. La révolution agricole
On parle de « révolution silencieuse » : mais cette expression pourrait s’appliquer à tous les secteurs.
Les Trente Glorieuses ont, en France comme dans tous les pays occidentaux, conduit à des mutations profondes. Elles
se caractérisent par un effondrement du secteur primaire face à l’explosion du secteur tertiaire, et un secteur secondaire
qui est à son paroxysme mais qui plafonne.
Point de leçon
La loi des trois secteurs est une théorie économique qui divise les économies en trois secteurs d'activité :
exploitation de ressources naturelles (primaire), extraction des matières premières issues du section primaire
(secondaire), et services (tertiaire). Elle a été développée par Allan Fisher, Colin Clark et Jean Fourastié.