Khôlle de Philosophie : Est-il vrai d’affirmer que l’art transfigure le réel ?
INTRODUCTION :
La philosophie ne sait pas réellement ce qu’est l’art, elle se préoccupe avant tout de sa fonction. Mais si elle devait
en donner une définition, elle le définirait ainsi : « Le mort art a un sens général, dérivé du latin ars et du grec
technê qui renvoient tous deux au savoir-faire de la technique, l’art renvoie à une manière d’être ou de faire. Il
se précise lorsqu’il s’associe à l’idée d’une spécialisation du savoir-faire impliquant des règles qui lui sont
propres ; il se particularise encore lorsqu’il désigne un ensemble de pratiques humaines, celle des artistes qui
selon Baudelaire, sont « ces hommes qui sont voués à l’expression de l’art ». Ainsi, la question : « est-il vrai
d’affirmer que l’art transfigure le réel ?» porte-elle aussi bien sur l’essence même de l’art ainsi que sur la nature
du réel en question. En effet, le réel, c’est avant tout le monde dans lequel nous vivons par opposition à un monde
fantastique, imaginaire qui obéirait à d’autres lois. Du latin res qui signifie la chose, le réel désigne à la fois
l’ensemble des choses qui existent hors de nous, qui n’a pas de consistance propre hors de la vie que nous leur
prêtons mais également l’ensemble des choses qui se présentent à notre esprit avec une intensité telle que son
existence semble s’imposer à nous. Ainsi, est dite réaliste la représentation qui produit sur nous la plus forte
impression de réalité. Alors que l’objectif de l’œuvre de l’art a longtemps été considéré comme la nécessité de
copier la nature dans une vision réaliste, le fait même de s’interroger sur sa possible capacité à transfigurer le
réel, c’est-à-dire à changer l’aspect, la nature même de la réalité en la montrant sous un autre jour, revient
directement à nous questionner sur ce qui dans la nature même de l’art permet de demander si elle nous éloigne
du réel. Car littéralement, si l’art transfigure, transforme le réel, il le fait tomber dans l’artificialité et nous éloigne
ainsi de la réalité. Or, l’œuvre d’art a une manière particulière de s’inscrire dans la réalité sans pour autant y être
entièrement. Elle fait partie des objets ou tout du moins, est perceptible par nos sens comme la musique. C’est
pourquoi une telle question relève un paradoxe : Comment l’œuvre d’art, qui est une partie du réel pourrait-elle
le transformer et ainsi nous éloigner de la réalité ? En effet, l’œuvre d’art est tirée du réel par sa matière, à l’image
de la statue qui issue du bloc de marbre, a dû modeler son essence afin de devenir œuvre d’art. Ainsi, comment
l’œuvre d’art, objet issu du « monde réel » pourrait-elle, en transformant le réel, nous faire accéder à la
réalité d’un monde artificiel ? Mais la possibilité d’une telle transformation paradoxale n’est-elle pas plutôt
le signe que l’art est capable de nous faire redécouvrir le réel dans sa vérité originelle ? Dans ce cas, peut-
on réellement dire que l’art transfigure le réel ? Ne nous permet-il pas simplement de contempler une
réalité que nous ne sommes pas capables de voir ?
-I. L’œuvre d’art transforme le réel pour nous faire accéder à un monde artificiel qui possède sa réalité
propre. => Pour commencer, l’œuvre d’art semble nous éloigner du réel en le transformant afin de nous
plonger dans un monde artificialisé, c’est-à-dire qui a ses propres règles et donc, sa réalité propre.
A. Lien originel entre art et religion : La réalité plus haute d’un autre monde.
Le lien originel entre l’art et la religion en est l’exemple le plus frappant, à travers l’art, le pratiquant est invité
dans la réalité plus haute d’un autre monde. En effet, l’œuvre d’art, en tant que symbole religieux est une
passerelle entre le dévot et sa religion, l’œuvre d’art est ici le moyen de révéler une réalité supérieure,
radicalement différente de celle dans laquelle nous vivons. Elle ne vaut ainsi pas pour elle-même, mais comme
intermédiaire vers le divin. Par exemple, la peinture est commandée par des règles strictes dans son
organisation picturale avec divers artifices tels que les jeux de proportions, la signification des couleurs. Que
ce soit dans l’art architectural avec ces cathédrales gothiques aux voutes presque irréelles de part leur
immensité ou que ce soit les statues des temples grecs, l’œuvre d’art a pour fonction de tourner le regard du
fidèle vers un autre monde à travers l’organisation d’un tout parfait. (Peinture sur les coupoles des cathédrales
surplombent le dévot => ouverture vers le paradis => coupole de la catedrale Santa Maria del Fiore => la
réalité de la coupole est transfigurée pour la présenter comme une ouverture vers le paradis.
Transition : cette artificialisation du réel me mène donc à mon prochain point, l’art transforme le réel par ses
artifices.
B.L’art transforme le réel par son artifice.
Par définition, l’artifice désigne un moyen habile pour déguiser la vérité, le réel peut être comparé à une forme
de subterfuge. Baudelaire dit que « l’étonnement est une des grandes jouissances causées par l’art et la
littérature ». Ainsi, nous pouvons dire que l’art, de par sa capacité à transformer le réel, à le montrer sous un
autre aspect, est capable de nous arracher à la banalité de nos existences avec la nouveauté qu’il nous montre.
C’est pourquoi la contemplation d’une œuvre d’art est toujours accompagnée de cette impression « étrange »
que nous avons face à cette vision décalée de ce à quoi nous nous attendons dans le monde « réel ». Par
exemple, les surréalistes font de l’étonnement, de l’émerveillement qu’une œuvre peut procurer, l’une des