M1S1 2015/2016 Droit des associations Mr Rabu
Cours du Mercredi 21 octobre
Introduction
Sur le fait associatif, Tocqueville dans son ouvrage De la démocratie en Amérique, a pu dire qu’ « une association
politique, industrielle, commerciale ou même scientifique ou littéraire est un citoyen éclairé et puissant qu’on ne saurait
plier à volonté ni opprimer dans l’ombre et qui défendant ses droits particuliers contre les exigences du pouvoir sauve les
libertés communes ».
Cette approche des choses hérite de l’état d’esprit de la loi de 1901 et de celui des individus lorsque l’on parle des
associations. L’association est un regroupement d’individu exerçant nécessairement une activité si ce n’est d’intérêt
général, d’intérêt social, avec au moins un substrat politique derrière. Cette vision est à la fois partielle et partial.
Une association peut très bien être un regroupement d’individus qui se moque éperdument de tisser du lien social, d’être
un contre pouvoir et une association peut très bien être un agent économique extrêmement puissant et mû par des intérêts
totalement intéressés.
Dans les années 80-90 on a eu de la littérature sur les associations commerçantes mais aujourd’hui finalement la
puissance économique des associations se manifeste à travers l’économie sociale et solidaire. Une association peut être
une entreprise parce qu’elle génère de la richesse. La question de savoir ce qu’elle en fait est autre chose.
Ce poids des associations n’est réel que s’il regarde les chiffres, si on en croit les statistiques officielles on aurait à peu
près 1,3 M d’associations. Environ 16M d’adhérents ; 11M de bénévoles ; 1,8M de salariés.
Ces chiffres nous sont donnés par l’obligation de déclaration des associations et surtout grâce à un arrêté du 14 octobre
2009 qui porte création du Répertoire nationale des associations situées sur le territoire français (RNA). Cet arrêté
contribue aussi à la simplification et à la dématérialisation des procédures applicables aux associations mais avant tout de
collecter des données, avoir des informations exactes sur le paysage associatif. Une association peut ne pas se déclarer,
mais est-elle véritablement une association ? Juridiquement discutable, il s’agit d’un groupement dépersonnalisé ayant
des conséquences juridiques, ces groupements échappent à la veille de l’Etat. L’intérêts des pouvoirs publics pour les
associations s’est manifesté par la création d’un CNVA remplacé par un Haut Conseil à la Vie Associative, organisme qui
a rendu son premier rapport l’an dernier.
Cet intérêt renouvelé des Etats pour le phénomène associatif doit être replacé dans un contexte historique dans la mesure
où l’on s’aperçoit que l’intérêt du pouvoir pour les associations oscille à travers l’histoire de l’interdiction pur et simple
des regroupements d’individus à la pleine reconnaissance des associations.
A l’époque romaine la vie associative existait à travers des collèges et des fondations. Les associations dès lors pouvaient
se créer librement sous réserve de respecter l’ordre public. Sous Jules César le régime associatif se durci un petit peu
puisqu’il soumet la constitution d’association à un mécanisme d’autorisation préalable qui conditionne leur capacité
d’ester en justice et qui va conditionner également leur aptitude à passer des actes juridiques. Epoque de constitution libre
mais aussi de dissolution discrétionnaire à la demande du pouvoir, celui-ci n’hésitant pas à le faire quand il le souhaite
pour les associations risquant de compromettre le pouvoir du monarque. Principalement seules les associations à but
économique ou charitable sont pleinement autorisées.
Avec le déclin de l’empire romain les associations ont quasiment disparues. Elles disparaissent et la crise économique du
bas empire mène seulement au renforcement des associations au caractère professionnel parce que les commerçants et les
artisans vont devoir adhérer à des associations qui auront un caractère officiel et surtout doté de ce que l’on appellerait
aujourd’hui des prérogatives de puissance publique, notamment pour normer l’activité de ses associations.
La période du MA a été caractérisée par les invasions barbares, mise à mal du pouvoir et également de l’activité
associative. Avec cette quasi disparition de l’Etat c’est l’Eglise qui va apparaitre comme la seule structure stable, c’est
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donc le pouvoir ecclésiastique qui va prendre en charge un certain nombre de question sociale par la création
d’associations d’entraides, c’est la naissance des confréries. Elle créait des associations à caractère non religieux mais
qu’elle maintient sous son contrôle.
Par la suite les carolingiens vont interdire les associations professionnelles, de secours mutuels, au profit d’associations
professionnelles officielles.
Sous l’AR le pouvoir royal se montre particulièrement méfiant à l’égard des corps intermédiaires, ce sont eux qui
remettent systématiquement en cause le pouvoir et menacent sa stabilité. Au XIII ème siècle à Paris par exemple les
associations volontaires sont purement et simplement interdites. 1538 les associations festives de jeunes gens sont
prohibées. Le 1er juillet 1686 une déclaration est adoptée suivie le 12 mars 1689 d’une ordonnance, ces textes prévoyant
de manière plutôt radicale la peine de mort en cas de flagrant délit de constitution d’association ou la galère à perpétuité
et même pour les personnes qui ne faisaient qu’assister à des réunions secrètes du culte protestant. En 1789 l’édit
d’Aguessau rappel la soumission des associations religieuses catholiques et la nécessité d’obtenir une autorisation
préalable expresse du roi lui-même par le biais d’une lettre patente enregistrée par le parlement. Les associations non
autorisées sont donc interdites, interdiction maintenue tout au long du XVIII ème siècle.
On se dit qu’avec la révolution de 1789 cela allait changer, mais il n’en est rien, la RF ne va pas bouleverser les rapports
entre le pouvoir et les associations, paradoxalement c’est la liberté individuelle qui limita la liberté d’association. La
preuve en est que la DDHC de 1789 ne contient aucune référence à la liberté d’association. Elle envisage la liberté
d’opinion aux articles 10 et 11 mais uniquement au titre de la liberté individuelle.
Dans C° de 1791 il y avait une disposition prévoyant « que la souveraineté est une, indivisible, inaliénable, indescriptible
appartenant à la Nation, aucune section du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice » : le constituant
refuse alors que les individus puissent se regrouper dans des structures pour pouvoir défendre une idée politique
susceptible de contester le pouvoir en place.
Toujours à la même époque on a des décret de 1790 qui autorisent les citoyens à se rassembler paisiblement mais dès que
l’on a un texte qui est favorable, quelques mois ou années plus tard un autre texte va dans le sens inverse, une loi de 1790
par exemple sur la suppression des congrégation religieuse. Les décrets d’Allarde suppriment les corporations au nom
de la liberté professionnelle, création dans la loi Le Chapelier en 1792 d’un délit de coalition.
La période de la Terreur se manifeste également par une interdiction pure et simple de tous les groupements
défavorables au gouvernement.
Sous le Directoire on interdit les associations, les corporations contraire à l’OP. Seul étaient autorisées dans cette
période les associations caritatives et mutualistes. Quelques années plus tard sous Napoléon 1er la création d’une
association est autorisée mais ne peut se faire qu’avec l’agrément du gouvernement. Sous la Restauration on va alourdir
les sanctions applicables aux membres d’associations interdites.
Finalement à la fin du régime le débat commence à s’ouvrir sur la liberté d’association. A la fin des années 1840 le
débat nait et la révolution de 1848 vit la proclamation de la liberté des associations mais pas au sens de la III ème
République. La création de ces groupements reste conditionnée au respect des droits et libertés d’autrui mais surtout au
respect de la sécurité publique. Ce qui va conduire par la suite le gouvernement à interdire les clubs et réunions publiques
susceptibles de menacer l’OP.
Le Second empire va marquer le retour d’une législation rigoureuse, drastique, envers les associations. Les membres
des sociétés dites secrètes sont déportés en Outre-mer. Malgré tout à l’époque le pouvoir se montre plutôt tolérant à
l’égard de certains associations, bien entendu des associations qui ne sont pas opposées au pouvoir : des associations de
notables, de partisans de l’ordre et mansuétude à destination des associations de secours mutuel.
C’est in fine sous la III ème République que sera réellement consacrée cette liberté d’association. En 1883 Valdeck
Rousseau dépose un premier projet de texte relatif au contrat d’association et c’est à lui que l’on doit la loi de 1884 sur la
liberté syndicale qui proclame la liberté de création des syndicats professionnels ouvriers ou patronaux. Le premier
projet ne parvient pas à aboutir au texte que l’on connait aujourd’hui, et il aura fallu attendre 1899 pour que le projet de
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texte que l’on connait aujourd’hui soit déposé à l’AN. Novembre 1899 dépôt du projet qui va aboutir après discussion des
assemblées à la loi du 1er juillet 1901. Abroge par conséquent l’article 291 du code pénal.
Les sources du droit des associations :
- Internationalement la DUDH de 1948 prévoit à son article 20 que toute personne a droit à la liberté de réunion et
d’association pacifique, nul ne peut être contraint de faire partie d’une association.
Pareillement le PIDCP de 1966 de même que la Convention des NU sur les droits de l’enfant font état de cette liberté
d’association. A la grande différence de la DUDH ces textes n’ont qu’une valeur morale. Un autre texte international
fondamental est la CESDHLF ratifiée par la France en 1974, son article 11§1 prévoit que « toute personne a droit à
la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association y compris le droit de fonder avec d’autres les
syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ». §2 « L’exercice de ces droits ne peut faire
l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société
démocratique à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime. Le présent
article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces
armées, de la polices ou de l’administration de l’Etat ». Dans ces textes on nous dit par principe qu’il y a cette liberté
d’association mais qu’elle n’est pas absolue, restriction possible dans les cas cités et sous réserve que la mesure soit
nécessaire rappelant le principe de la proportionnalité.
Quant au droit du marché intérieur de l’UE, l’Union est sensible à la question associative. Nous avons dans le Traité de
Lisbonne la nécessité d’un dialogue et de la participation associative mais au final nous n’avons rien de nature à
instituer un régime européen des associations.
- Au niveau interne les associations voient leur régime défini initialement par la loi de 1901, ce texte a été depuis
modifié à plusieurs reprises et notamment depuis les années 2000, ex loi du 1er août 2003 relative aux mécénats et
fondations, ordonnance de juillet 2005 portant simplification du régime de libéralités à ces groupements, loi de mars
2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives et la loi de juillet 2014
relative à l’économie sociale et solidaire (loi ESS) qui est très importante sans l’être : importante pour les
associations car elle définit la notion de subvention, elle revient aussi sur les libéralités fait au profit d’association et
surtout elle insère deux articles concernant les restructurations d’associations avec des dispositions relatives au
fusion, scission et apports partiels d’actifs. Complété par décret du 16 août 1901. A côté de ce droit commun des
associations il y a plein de textes spéciaux qui encadrent certaines associations.
Le particularisme du contrat d’association :
L’article 1er de la loi de 1901 dispose que l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes
mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de
partager les bénéfices.
- L’association est donc un contrat et est donc régie par le droit des obligations. En dehors des dispositions de la loi de
1901, c’est le droit commun des obligations qui aura vocation à s’appliquer pour régler toutes questions relatives à la
constitution/fonctionnement et dysfonctionnement/disparition d’une association.
/!\ L’association est la convention par laquelle dans le projet de réforme du droit des obligations le contrat est redéfini,
le contrat n’est plus appréhendé comme une catégorie de convention mais il est qualifié d’accord. Si ce projet de texte
est maintenu en l’état il va falloir s’interroger sur ce que signifie aujourd’hui une convention. Est-ce que la notion de
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convention était regardé par rapport à ce qu’était un contrat. Si le contrat n’est plus une espèce de convention que reste-
t-il de la convention ?
L’association est un contrat, et à partir de là tout est quasiment dit. Mais ce n’est pas n’importe quel contrat et ce n’est
pas n’importe quel groupement. Ce groupement qu’est l’association est le fruit d’une conjonction de deux libertés : la
liberté d’association et la liberté contractuelle. Ces deux libertés viennent autoriser et faciliter les libres constitution et
fonctionnement des associations. Ces deux libertés n’ont pas les mêmes caractéristiques, la liberté d’association ne
peut s’exercer que collectivement. La liberté contractuelle est une liberté publique mais individuelle. Certes on
contracte toujours avec quelqu’un mais le fait de contracter est une démarche personnelle. Elles n’ont pas la même
caractéristiques et pendant longtemps elles n’ont pas eu la même valeur normative : la liberté d’association est
reconnue universellement, elle a une valeur constitutionnelle qui a été consacré assez tôt (CE, Amicale des
Annamites de Paris, 1956 et en 1971 le CC affirme expressément la valeur constitutionnelle de cette liberté).
Tandis que pour la liberté contractuelle les choses sont moins évidentes. Pendant longtemps la JP du CC refusait toute
forme de consécration constitutionnelle, la liberté contractuelle n’était qu’un OVC. Puis il lui a reconnu une certaine
valeur à partir du 13 janvier 2000 puisque le CC affirme que seul un motif d’IG peut remettre en cause le contenu
d’une convention. Il se prononce alors sur l’intangibilité des contrats qui découle de la puissance de la liberté
contractuelle. Puis le 19 décembre 2000 le CC accorde une protection constitutionnelle à cette liberté, il se prononce
à ce moment là sur une mesure portant atteinte à la liberté contractuelle, pour valider cette mesure il avance qu’elle est
motivée par un motif d’IG (assise juridique du texte litigieux) et cette mesure ne porte pas atteinte contraire à la C° à la
liberté contractuelle qui découle de l’article 4 de la DDHC. Avec cette décision on a un fondement constitutionnelle,
art 4 de la DDHC qui permet de consacrer un caractère constitutionnel à la liberté contractuelle. Donc le législateur
peut porter atteinte à la liberté contractuelle mais uniquement pour des motifs d’IG et uniquement pour les atteintes
proportionnelles au but recherché.
Dans l’esprit du prof la liberté contractuelle est à l’origine de tout groupement, c’est pour lui le moyen d’exercer
d’autres libertés publiques dont la liberté d’association.
Paul Didier dans Brève note sur le contrat organisation, a développé une théorie sur la distinction entre les contrats
échanges et les contrats organisations, il a essayé de proposer une distinction en droit des contrats qui apporterait des
cohérences et justifierait que les groupements, sociétés, associations, GIE, sont de véritables contrats.
Dans un contrat d’association on met tout au profit du groupe, ce qu’il y a en retour est la participation de cette
entreprise commune et la réalisation du but social du groupement.
L’association est la source d’un double effet juridique : d’une part un effet qui découle de la liberté contractuelle, la
force obligatoire d’un contrat, que l’on va appliquer au contrat d’association et d’autre part l’opposabilité de ce
contrat qui va se cristalliser dans la personnalisation du groupement.
- Deuxième caractéristique : le but commun, de sorte que l’association est fondée sur un intérêt collectif distinct des
intérêts individuels de ses membres. Ce qui va impliquer pour eux l’obligation de collaborer à l’objectif défini dans
le contrat d’association. On parle d’ affectio consociatonis. Les membres de l’association partage ce but commun qui
est généralement manifesté dans les statuts par la définition de l’objet social mais pas nécessairement, il peut en effet
résulter des actes de ses membres ou de l’association en tant que telle mais assurément cette condition doit être
satisfaite car si ce n’est pas le cas, le juge ou l’administration devrait dissoudre le groupement. Si les sociétaires ne font
acte du fait qu’ils poursuivent un but commun la société est fictive et doit être dissoute. Afin de poursuivre ce but
commun les membres mettent en commun leur connaissance ou leur activité, ce qui ressemble fortement à des apports
en industrie dans le droit des sociétés (mais pas en numéraires ni matériels, il n’y a pas de capital social dans une
association). Les membres de l’association doivent réaliser ses apports et doivent le faire à titre permanent. A
tout le moins il suffit que les stipulations du contrat d’association peuvent être appliquées d’une manière continue à
tous les actes qu’elle règle, à tous les actes accomplis par cette association. Cette permanence là est indépendante de la
durée de l’association et finalement elle n’exige pas que les membres soient de manière permanente en réunion, dans la
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