Les variations du contrôle juridictionnel de légalité dans le contrôle de l'excès de pouvoir
Édouard Laferrière définissait le recours pour excès de pouvoir comme « un procès fait à un acte ». Le recours pour excès de
pouvoir ne semble donc pas se définir comme un contentieux entre des parties mais plutôt comme une contestation de la
validité juridique d’un acte, c'est-à-dire un contrôle de sa légalité. En d’autres termes, son rôle est de vérifier que les autorités
administratives n’ont pas outrepassé les compétences qui leur sont dévolues. Un recours en excès de pouvoir est une demande
adressée au juge administratif afin de demander l’annulation d’un acte administratif, en invoquant une cause d’illégalité de ce
dernier. Le juge peut accéder à cette demande si l’illégalité de la décision litigieuse est avérée. Par respect de la légalité il faut
entendre respect de la loi au sens large, on va donc contrôler la conformité de l’acte administratif faisant grief à l’ensemble des
normes lui étant supérieures hiérarchiquement. Ces normes ne sont pas nécessairement écrites, elles intègrent également les
règles jurisprudentielles dégagées par le juge administratif. Le recours pour excès de pouvoir permet donc au juge administratif
d’éliminer de l’ordonnancement juridique tout acte qui serait entaché d’illégalité. Dans le cadre de ce recours le juge
administratif exerce donc un contrôle juridictionnel de légalité. Ce contrôle juridictionnel peut être défini comme un contrôle
des actes du gouvernement par le juge administratif. Le principe de légalité ayant une importance capitale en droit
administratif, il est primordial d’en assurer le respect. Effectivement, ce principe a pour objectif d’assurer la sécurité juridique
puisqu’il permet aux administrés de savoir à quelles règles de droit ils sont soumis et dans quelle mesure les autorités
administratives sont compétentes. Ainsi il préserve la sécurité juridique en assurant la prévisibilité de l’action administrative. Il
convient donc d’étudier les différents types de contrôles exercés par le juge administratif français ainsi que les effets qu’ils
produisent dans le cadre du contrôle juridictionnel de légalité exercé dans le cas d’un recours pour excès de pouvoir. Ce pouvoir
de contrôle accordé à l’administration trouve son fondement dans les lois des 16 et 24 août 1790 qui fixent le principe de
séparation entre la justice administrative et judiciaire. Ainsi le juge administratif devient le seul maitre du contentieux
administratif. Lorsque la justice administrative sera déclarée déléguée par la loi du 24 mai 1872, le pouvoir de contrôle du juge
administratif prendra alors tout son sens, s’appuyant sur la reconnaissance de la justice administrative à part entière. Des suites
de ces lois, la jurisprudence administrative n’a cessé de renforcer le pouvoir de contrôle de la légalité des actes administratifs
accordé au juge administratif. En effet au cœur de la décision d’annulation se placent désormais, outre l’interprétation de la loi,
un relevé et une appréciation des faits. Si ce pouvoir peut s’exercer à travers différents moyens, il est intéressant de s’intéresser
aux effets qu’il produit lorsqu’il est invoqué dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Le juge va alors contrôler la
légalité interne et externe de l’acte, et s’il juge que ce dernier est entaché d’illégalité, il va pouvoir en prononcer l’annulation. Ce
contrôle de légalité n’est pas exercé de façon désordonnée et arbitraire, mais en fonction de règles strictement prédéfinies. Il
existe d’ailleurs différents types de contrôles, chacun étant appliqué à un certain type d’actes. Il convient donc de se demander
de quelle manière le juge administratif exerce son pouvoir de contrôle juridictionnel de légalité dans le cadre d’un recours pour
excès de pouvoir. Pour répondre à cette interrogation, nous nous intéresserons dans un premier temps aux différentes formes
de légalité soumises au contrôle du juge administratif et pouvant être à l’origine du recours pour excès de pouvoir avant de nous
pencher dans un second temps sur l’étendue de ce contrôle juridictionnel exercé par le juge administratif.
I- Les différentes formes de légalité soumises au contrôle du juge administratif et pouvant être à l’origine d’un
pour excès de pouvoir
Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, le requérant adresse au juge administratif une demande d’annulation
d’un acte administratif. Pour appuyer sa décision il soulève un ou plusieurs vices de légalité. Il est donc du ressort du juge de
vérifier si le principe de légalité a bien été méconnu par l’auteur de la décision administrative contestée. Ainsi nous verrons
dans un premier temps qu’il appartient au juge de procéder au contrôle de la légalité externe de ce dernier, et dans un
second temps qu’il est parfois chargé d’effectuer un contrôle de la légalité interne.
A- La légalité externe de l’acte
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, - Il faut tout d’abord se pencher sur les différents types de recours relevant du contentieux de l’excès de pouvoir. On
trouve d’abord le recours en déclaration d’inexistence, c’est un recours par voie d’action qui a comme conséquence de
prononcer l’inexistence d’un acte. Il s’applique uniquement aux actes dont l’illégalité est si grave que l’on juge qu’ils
n’ont pas pu produire d’effets de droit. Il faut ensuite évoquer le recours en appréciation de légalité qui correspond à
l’appréciation par le juge administratif de la légalité d’un acte administratif après renvoi d’une juridiction judiciaire non
répressive. Il s’agit donc d’un recours par voie d’exception. Pour finir on distingue le recours pour excès de pouvoir, le
plus important et le plus utilisé. Ce dernier est une demande d’annulation d’un acte.
- Le juge administratif peut dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir avoir à juger de la légalité externe d’un acte
administratif.
- Les vices de légalité externe sont ceux qui touchent aux conditions de la manifestation de la volonté, c'est-à-dire qui a
pris cet acte, et comment il a été pris. Il en découle trois vices de légalité externe : le vice d’incompétence, le vice de
procédure et le vice de forme.
- Le vice d’incompétence est un moyen d’ordre public qui peut être soulevé par les parties à tout moment de la
procédure, ou à tout moment par le juge lui-même. Il s’agit de vérifier si l’autorité administrative qui a pris l’acte était
compétente pour le faire.
- L’incompétence peut être matérielle, c'est-à-dire que l’auteur de l’acte a pris une décision en dehors de ses
attributions. Cette incompétence peut être territoriale lorsque l’auteur de l’acte a pris une décision concernant un
territoire qui ne s’avère pas être sous son autorité ou encore temporelle quand l’auteur de l’acte n’était plus, ou pas
encore, compétent au moment où il a adopté la décision.
- Les vices de procédure concernent l’édiction de l’acte, c’est à dire la façon dont il est pris. Les textes applicables
prévoient des procédures particulières et elles doivent être respectées, dans le cas contraire on parlera de vice de
procédure ( CE, 3 juillet 1998, Association de défense de l’environnement de Saint-Come d’Olt : exemple d’acte
administratif annulé pour vice de procédure).
- Il existe 3 types de procédure. Pour commencer il est parfois exigé la consultation d’un organisme ou d’une autorité
supérieure, cette consultation préalable peut être facultative ou obligatoire. Ensuite il y a le respect du droit de
défense. Ce droit doit être respecté avant que l’administration ne prenne une mesure de sanction. Principe posé dans
le PGD de l’arrêt 5 mai 1944 Dame Trompier Gravier. Et pour finir il faut qu’avant toute mesure disciplinaire
l’administration transmette son dossier à la défense (article 65 de la loi du 22 avril 1905).
- Arrêt Danthony du 23 décembre 2011 : le Conseil d’Etat a considérablement réduit le champ d’application du vice de
procédure pour annuler un acte administratif et a fixé les conditions précises de son utilisation. On distingue deux
conditions posées par cet arrêt : premièrement le vice doit avoir privé les intéressés d’une garantie, et deuxièmement
le vice doit avoir été de nature à influer le sens de la décision : il n’est de nature à entrainer l’illégalité d’une décision
administrative que si les pièces faisant grief étaient de nature à influencer la décision rendue.
- Le vice de forme est souvent confondu avec le vice de procédure, pourtant il s’en distingue aisément. Il sanctionne la
violation des règles relatives à des exigences de forme concernant l’acte administratif (forme écrite, signature
obligatoire …). Cependant les annulations pour vice de forme sont relativement peu fréquentes, le juge administratif
souhaitant éviter d’imposer à l’administration des règles trop strictes qui risqueraient d’avoir pour conséquence
d’entraver la portée de son action.
- Arrêt du Conseil d’Etat, 3 juin 2013 , Commune de Lamastre : dans cet arrêt le juge administratif prononce l’annulation
d’un acte administratif sur le motif du vice forme. En effet, la décision litigieuse ne comportait pas le nom et le prénom
de son signataire.
- Les vices de forme et de procédure ont été à l’origine de différentes décisions jurisprudentielles visant à limiter leur
portée afin de préserver la sécurité juridique. Le Conseil d’Etat a jugé dans l’arrêt CFDT datant du 18 mai 2018 qu’après
l’expiration du délai de recours contentieux, les vices de forme et de procédure ne peuvent plus servir de base à la
contestation d’un acte administratif. Néanmoins, même lorsque ces vices sont applicables, leur pouvoir a été
considérablement limité. (Arrêt Danthony du 23 décembre 2011 qui fixe leurs strictes conditions d’applicabilité).
B- La légalité interne de l’acte
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