DUNG, Manuela, De la tyrannie Vingt leçons du XXe siècle, Gallimard, 2017, 100p.
Depuis les débuts de la démocratie, la tyrannie existe. A la base partie intégrante du
système, elle désigne aujourd’hui l’usurpation et l’exercice du pouvoir par un tyran, ou un
gouvernement absolu, oppressif et arbitraire. Entre totalitarisme et fascisme, l’Europe a connu
au cours du XXe siècle plusieurs dirigeants aujourd’hui reconnus comme des tyrans. Tymothy
Snyder entame l’écriture de cet ouvrage au lendemain de l’élection de Donald Trump comme
Président des Etats-Unis. Ce dernier évoque en effet certains tyrans du siècle dernier.
Tymothy Snyder est un historien américain auteur d’analyses remarquées pour la vision
novatrice sue le nazisme et le stalinisme qu’elles offrent. Il a également été l’auteur de Terres
de sang, Le Prince rouge, Terre noire, La reconstruction des nations et plus récemment Road
to Unfreedom, œuvres concernant l’histoire de l’Europe. Membre permanent de l'Institut des
sciences humaines (IWM) de Vienne, il dirige l'axe de recherche « Europe unie – histoire
partagée ». Il est spécialiste de l'histoire de l'Europe centrale et de l'Est et de l'Holocauste, et a
reçu plusieurs prix pour ses recherches.
De la même manière que les Pères fondateurs des Etats-Unis se sont inspirés de
l’Histoire et des autres démocraties, Tymothy Snyder s’est consacré à une étude des échecs
démocratiques dans l’Europe du XXe siècle et en a tiré les enseignements dans le but
d’écarter la tyrannie. Snyder appelle tout d’abord à la vigilance et à la sensibilité à son
environnement. Un parti arrivant à la tête d’un Etat, même s’il a été élu par le peuple lors
d’élections libres, peut œuvrer pour devenir le seul et unique parti. Il faut voter et défendre le
vote. N’importe quelle élection peut être la dernière. Nous devons d’autre part être vigilants
aux symboles de haine déguisés en symboles de loyauté. Tolérer ce genre de symboles, même
pour éviter d’être importuné par les autorités ou d’en subir les pressions, c’est tolérer la
tyrannie, et lui ouvrir la voie. Les rejeter et ainsi donner l’exemple, c’est agir efficacement
contre elle. Chacune de nos actions a un impact sur le monde : « Dans la politique du
quotidien, nos mots et gestes, ou leur absence, comptent énormément ». Se distinguer
n’est pas facile, mais peut tout changer, et y compris sauver des vies. Les symboles doivent
inclure les citoyens, pas les exclure. Une vigilance concernant les milices, qui pratiquent une
forme d’exclusion, s’impose également. Habituellement contre le système, elles infiltrent les
forces armées et les transforment de l’intérieur lorsque la tyrannie a le pouvoir. Il faut aussi
être attentif à l’usage fait du langage. Par exemple, les tyrans utilisent souvent le mot
« exception » pour qualifier la situation dans laquelle le pays se trouve. Cette « exception »
sert ensuite de prétexte à des mesures d’« urgence » privant les citoyens de leurs libertés pour
prétendument maintenir la sécurité. Or, le renoncement à la liberté n’entraîne pas forcément
une amélioration de la sécurité. De même, l’« extrémisme » peut désigner tous les ennemis
des tyrans, et le mot « terrorisme » peut être utilisé dans un but de manipulation. On parle de
management de la terreur, lorsqu’on exploite celle-ci pour justifier des mesures « d’urgence »
dans le but de rendre un pouvoir autoritaire. De plus, les tyrans sont hostiles à la vérité et aux
faits. Il est primordial de croire ces-derniers, plutôt que de croire ce que l’on a envie
d’entendre. Klemperer a identifié quatre façons de réfuter la vérité. La première consiste à la
contredire en ayant recours à des mensonges, et la seconde à répéter incessamment les mêmes
propos, comme une incantation. La troisième est l’« autodéification » : le tyran se présente
comme leader divin. A partir de ce moment-là, ce qu’il dit est forcément vrai. Il n’y a plus
besoin de comprendre, il suffit d’avoir la foi : « du jour où la vérité était devenue
oraculaire plutôt que factuelle, la preuve perdit toute pertinence ». Cette technique
permet celle de la « pensée magique », qui consiste à se débarrasser de toute contradiction
réaliste. Il suffit de dire ce que le peuple veut entendre, et il y croira (à condition qu’il ait la
foi). C’est en s’informant bien qu’on trouve les faits et la vérité. Il est indispensable de se
donner les moyens de déchiffrer l’actualité en lisant, en se cultivant, en se méfiant et en se