Partie IV – Les libertés publiques
Titre I : Théorie générale
Ce premier titre se divise en 5 chapitres :
→ La notion de droits de l’homme et son contexte historique (chapitre 1)
→ Les sources des droits de l’homme (chapitre 2)
→ Les bénéficiaires et les débiteurs des droits de l’homme (chapitre 3)
→ Le régime des droits de l’homme et la détermination de leurs limites (chapitre 4)
→ La sanction des droits de l’homme dans l’ordre juridique interne (chapitre 5)
Chapitre 1 : la notion de droit de l’homme et son contexte historique
Section 1 : la notion de droit de l’homme
1.1. Les droits de l’homme : un double problème de terminologie et de définition
Il y a beaucoup de termes pour désigner les « libertés publiques » (c’est un vieux terme)
→ « Droits de l'Homme » (ex : Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 ; Déclaration des
droits de l'Homme et du citoyen de 1789)
→ « Libertés fondamentales » (ex : Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales du 4 novembre 1950)
→ « Droits fondamentaux » (ex : Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée à Nice
le 7 décembre 2000 et actuellement annexée au TUE et TFUE).
Mais tous ces termes désignent des mêmes réalités : La plupart, voire la totalité des auteurs les utilisent de
manière indifférenciée, parfois même sans y prêter la moindre attention.
→ Ça peut poser controverse MAIS dans ce cours on ne fera pas la différence et ils vaudront tous la meme
chose
L’imperfection des termes pris individuellement
Liberté publique : évoque prioritairement les pouvoirs d'autodétermination de l'individu, et corrélativement, les
obligations négatives d'abstention imposées à toutes les autres personnes
→ dans cette perspective, il ne convient pas pour désigner les droits dont dispose l'individu de réclamer
une prestation positive, de faire ou de donner, à charge de l'autorité (exemple : droit à l'instruction).
→ L'adjectif public laisse par ailleurs entendre que les prérogatives concernées ne seraient opposables qu'à
la puissance publique, or elles sont également opposables aux particuliers
→ C’est une vision trop limitée : pas tout à fait correcte pour désigner une partie de la réalité des Droits
fondamentaux
« droits de l'Homme » laisse entendre que les personnes morales, privées ou publiques, ne seraient pas titulaires
des droits concernés, or ce n’est pas le cas
→ Plus récemment on a considéré que l'appellation avait une connotation de genre qui ne désignait pas
vraiment la réalité des choses
o le Canada (où les sensibilités féministes sont particulièrement vives) a préféré utilisé le terme «
droits de la personne »
o La tendance récente consiste à prendre distance avec l’appellation « droits de l’Homme », pour
lui préférer celle de « droits humains » (traduction littérale de l’anglais Human Rights)
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, Q1 – Droit constitutionnel II | Anna Sonnenschein
EN GROS : Peu importe donc le signifiant, l'essentiel est le signifié et les difficultés afférentes à son exacte
identification
→ L’important n'est pas dans le mot que l'on utilise mais dans ce que l'on désigne quand on utilise ses
mots
→ Définition trop large : Risque de banaliser les droits de l'homme et de banaliser les violations de droits
l'homme
o Tout serait des droits de l'homme : il faut conserver un aspect discriminatif
→ Définition trop étroite : fera trop un tri qui dissimule des biais idéologiques
o Risquerait aussi de déformer la réalité décrite par excès de simplification
Définition
Dans le cadre de ce cours, on reprendre la définition de J.Mourgeon
Droit de l’homme : Prérogatives, gouvernées par des règles, que la personne détient en
propre, du simple fait de son humanité, dans ses relations avec les particuliers et le pouvoir
MAIS chacun des éléments de la définition retenue mérite que l’on s’y attarde :
Gouvernés par des règles
Par la, on ne veut pas dire que les DH sont une ure création du droit positif et des juristes
→ Ce qui forme la matière des droits de l'homme c'est une matière extra juridique : héritage philosophique,
éthique, religieux et culturel au sens large lentement façonné par l'Histoire
Par la, on veut donc dire que toutes ses inspirations ne pourront accéder à l'effectivité que si elles sont prises en
charge par le droit et la règle de droit
→ Seul celui-ci peut désigner les titulaires et les débiteurs des prérogatives concernées, et mettre sur pied
les mécanismes institutionnels de sanction en cas de non-respect de celles-ci
Comme le rappelle Danièle Lochak, « les droits de l’homme ne sont pas de pures et
simples propositions idéologiques, même s’ils sont l’expression d’une philosophie
politique... Ils ont besoin du droit pour exister concrètement »
Les relations avec les particuliers et le Pouvoir
Peut sembler contre intuitif comme perceptive
Normalement, on aperçoit les DH sous un angle vertical : c’est une prérogative contre la Puissance publique ou
des créances à charge de celui-ci
→ Cette perspective est par trop réductrice.
→ Fondamentalement, elle oblitère le fait que les prérogatives de puissance publique, contre lesquelles les
MAIS il faut aussi les voir dans un axe relationnel horizontal : les prérogatives de puissance publique, contre
lesquels les DH sont reconnus (axe relationnel vertical), n'ont de sens et de légitimité que si elles œuvrent à
l'instauration et au maintien d'un ordre sociétal (axe relationnel horizontal) nécessaire à l'épanouissement de
ces mêmes droits – par opposition à l'état de nature mortifère décrit par Hobbes.
Cette perspective complexe et dialectique trouve sa traduction concrète dans l'essor contemporain de
l'applicabilité horizontale (directe ou indirecte) des droits fondamentaux
Prérogatives détenues en propre du simple fait de son humanité
Prérogatives : avantage, un droit, un privilège, attaché à l’exercice d’une fonction ou à l’appartenance à un état
juridique
→ Les DH sont nécessairement des prérogatives reconnues par le droit positif MAIS toutes les prérogatives
ne sont pas des DH !
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, Q1 – Droit constitutionnel II | Anna Sonnenschein
Ce qui distingue la liberté d'expression (= DH) du droit au paiement du prix résultant d'un contrat de vente : ce
qui distingue les 2 c’est la fondamentalité
→ En ce sens, F. Sudre affirme que les droits de l'Homme sont « les droits et facultés assurant la liberté et
la dignité de la personne humaine ».
→ Il reste cependant que, par-delà cette affirmation et sous réserve de cas tout à fait évidents
MAIS la mise en œuvre de ce critère de « fondamentalité » peut s'avérer délicat
→ 3 approches peuvent être suivie
1° - Approche intuitive : ce qui fait la fondamentalité d'un bien c'est que, intuitivement, la communauté estime
que ce droit est un droit fondamental
→ Pas très scientifique
Problème : dans les cas les plus évidents, ca marche mais dans les caps plus complexes, ca ne tient pas
→ L'intuition peut être variable selon les individus et les cultures au sein desquelles ils s'épanouissent
→ exemples :
o Le droit de se promener nu en public est-il un droit de l’Homme ?
o Le droit d’accoucher à domicile est-il un droit de l’Homme ?
o Le droit de visionner un film déterminé dans un cinéma déterminé est-il un droit de l’Homme ?
2° - Approche nominaliste : Le droit fondamental est le droit que le discours juridique nomme comme tel
→ Beaucoup plus scientifique et objectif
Problème : pour qu'elle fonctionne correctement, il faudrait que les textes juridiques utilisent toujours les mêmes
termes pour définir les mêmes notions
→ s'il était parfaitement constant comme cela alors on aura quelque chose d'assez certain, mais ce n’est
pas le cas : tout n’est pas dans une parfaite cohérence
→ Parfois le problème c'est la traduction aussi qui change les mots
3° - Approche dogmatique/systématique : les droits fondamentaux sont des droits plus importants que les
autres : ils doivent donc se trouver au sommet de la hiérarchie (et ils sont donc dans la C°)
Problème : parfois meme les choses les plus fondamentales ne se trouvent pas dans la C°
→ Les C° peuvent ne pas être complètes (ex : Belgique) mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de droit
fondamental présents
→ Elle se base sur une parfaite rationalité des ordres juridiques, qui les conduit à regrouper dans leurs
sources suprêmes « tout l'essentiel, mais rien que l'essentiel » ; mais cette rationalité n’est souvent pas
présente
→ Jusqu’en 1994, le droit d’avoir accès à une vie conforme à la dignité humaine n’était consacrée que par
une loi du 8 juillet 1976 organique des Centres Publics d’Action Sociale mais il existait bel et bien malgré
qu’il ne soit pas ancré dans la C°
On voit donc qu’aucune de ces approches n’est infaillibles
Le caractère absolu des DH
Dans le régime juridique des droits concernées, très peu des droits fondamentaux sont absolus : la plupart
autorise, d'une manière ou d'une autre la possibilité que des impératif privés ou public soient mis en rivalité avec
lui et le surclassent
→ Leur caractère fondamental ne signifie pas qu’ils sont aboslu !
→ Les DH sont des droits relatifs qui peuvent être mis en balance
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, Q1 – Droit constitutionnel II | Anna Sonnenschein
Leur caractère fondamental leur offre simplement une « préférence abstraite »
→ Leur qualité fait qu'il rentre dans la balance, lesté avec un poids plus important que face à ce qu'on les
oppose
→ Ainsi, pour être surclassé, il faut un poids très très lourd de l’autre coté
o il peut être justifié de les restreindre, mais la justification requise est a priori plus élevée et
impérieuse que celles dont on se contenterait à propos de prérogatives n'ayant pas la qualité de
« droits de l'Homme »
→ les droits de l'Homme sont comparables à des atouts dans un jeu de carte (R. Dworkin)
Ce n’est donc que dans des cas très limités (interdiction de la torture, des peines inhumains et dégradants ;
interdiction de l’esclavage, …) que le droit fondamental concerné se révèle absolu càd qu’il prime a priori et de
manière inconditionnelle sur tout autre intérêt public ou privé susceptible de lui être opposé.
Cour européenne des droits de l’Homme, arrêt Gafgen c. Allemagne, 2010, § 107
À propos de menaces de violences physiques proférées à l’égard d’un individu pour lui faire avouer le lieu où il a caché
un enfant qu’il a enlevé : « A ce propos, la Cour admet la motivation qui inspirait le comportement des policiers et
l’idée qu’ils ont agi dans le souci de sauver la vie d’un enfant. Elle se doit néanmoins de souligner que, eu égard à
l’article 3 et à sa jurisprudence constante (…), l’interdiction des mauvais traitements vaut indépendamment des
agissements de la personne concernée ou de la motivation des autorités. La torture ou un traitement inhumain ou
dégradant ne peuvent être infligés même lorsque la vie d’un individu se trouve en péril. Il n’existe aucune
dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation. L’article 3, libellé en termes univoques,
reconnaît que tout être humain a un droit absolu et inaliénable à ne pas être soumis à la torture ou à un traitement
inhumain ou dégradant, quelles que soient les circonstances, même les plus difficiles. Le principe philosophique qui
sous-tend le caractère absolu du droit consacré à l’article 3 ne souffre aucune exception, aucun facteur justificatif et
aucune mise en balance d’intérêts, quels que soient les agissements de la personne concernée et la nature de
l’infraction qui pourrait lui être reprochée »
Cour eur. D.H., arrêt J.R. c. Grèce du 25 janvier 2018, § 137
« La Cour rappelle aussi sa jurisprudence selon laquelle, eu égard au caractère absolu de l’article 3 de la Convention,
les facteurs liés à un afflux croissant de migrants ne peuvent pas exonérer les États contractants de leurs obligations
au regard de cette disposition (…), qui exige que toute personne privée de sa liberté puisse jouir de conditions
compatibles avec le respect de sa dignité humaine. À cet égard, même un traitement infligé sans l’intention d’humilier
ou de rabaisser la victime, et résultant, par exemple, de difficultés objectives liées à la gestion d’une crise migratoire,
peut être constitutif d’une violation de l’article 3 de la Convention (….) »
Section 2. Les mutations des DH : des générations de droits
de l’homme à un continuum d’obligations
2.1. Présentation classique des trois générations de droits de l’Homme
La doctrine classique distingue 3 générations de DH
→ 1er : les droits civils et politiques
→ 2ème : les droits économiques, sociaux et culturels
→ 3ème : les droits de solidarité
Points positifs de la distinction :
→ Intéressent d'un pdv pédagogique : plus facile pour visualiser et pour enseigner
→ Donne aussi un aperçu de l'historicité de la matière
o Montre que la consécration des DH ne s’est pas faites en un jour
o Montre l'idée de progression, cette dimension historiques face à l’évolution des mentalités et
des bouleversements de tous ordres
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