EL N°3 : Alcools, « Automne Malade »
Amorce : Aux XXème siècle, des poètes comme Apollinaire ou les surréalistes, ont
révolutionné l’art poétique, en renouvelant ses formes avec une grande liberté.
Présentation œuvre et auteur : Le poème Automne malade de Guillaume Apollinaire est
extrait du recueil Alcools (1913). C'est un poème du cycle d'Annie (Annie Playden).
Dans ce poème en vers libre, Apollinaire reprend un thème qui lui est cher, et qui a inspiré
beaucoup de poètes, l'automne. Dans Automne malade, Apollinaire fait une description
poétique de l'automne, et nous montre en quoi cette saison représente la fin d'un cycle.
Lecture :
Problématique : En quoi cette célébration de l’automne permet à Apollinaire d’évoquer sa
tristesse ? / En quoi ce poème associe tradition et modernité ?
Mouvements : (I) La mort de l’automne (v. 1 à 13) et (II) Le paysage automnal pour évoquer
l’amour douloureux (v. 14 à 23)
I – La mort de l’automne (v. 1 à 13)
Le poème s’ouvre sur une apostrophe : « Automne malade et adoré » (v 1). Effectivement,
Apollinaire d’adresse directement à cette saison qu’il semble aimer en témoigne l’adjectif
qualificatif « adoré » présent dans le rythme binaire : « malade et adoré ». Cependant,
« malade » annonce le déclin de cette saison. C’est ce que vient confirmer le vers 2 grâce
au futur prophétique : « Tu mourras ». Les deux propositions subordonnées
circonstancielles de temps : « quand l’ouragan soufflera dans les roseraies » et « quand il
aura neigé » (v 2 et 3) montrent que l’automne est victime d’éléments naturels plus forts que
lui contre lesquels il ne peut rien. La longueur du vers, en effet, suggère la puissance du vent
qui va mettre fin à sa vie. L’allitération en r : « mourras/ ouragan / roseraies » fait résonner
le souffle de l’ouragan et mime la mort de cette saison. La compassion du poète s’exprime
dans le cinquième vers grâce à la personnification : « Pauvre automne ». En effet, l’hiver
chasse l’automne comme le montre la référence, à deux reprises, à la neige : « blancheur »
(v 6), « de neige » (v 7) Sa mort est imminente, il ne peut l’éviter et le futur laisse place à
l’impératif « Meurs ». Mais l’automne disparaît avec splendeur. Effectivement, les éléments
qui le caractérisent sont mélioratifs : « blancheur », « richesse », « fruits mûrs » (v 6-7) Les
éperviers, au vers 9, à la recherche d’une proie, qui apparaissent en même temps que
l’hiver, sont à considérer comme une menace. Le verbe d’action « planent », conjugué au
présent, indique une action qui est en train de se dérouler et accentue la sensation de
danger. Dans ces neuf premiers vers, Guillaume Apollinaire respecte une certaine tradition
poétique. Pourtant, dans le vers 10, il affirme sa modernité en évoquant les nixes, des
nymphes des eaux présentes dans les légendes germaniques. La paronomase : « nixes
nicettes » crée un jeu sonore inquiétant, inquiétude accentuée par leur apparence effrayante
et leur difformité : « aux cheveux verts et naines ». Le poète joue avec les conventions
poétiques en proposant un alexandrin dans cette strophe en vers libres. Les nixes rappellent
les sirènes maléfiques du poème : « Nuit rhénane ». Effectivement, elles symbolisent Annie
Playden qui a rejeté la passion d’Apollinaire. Il est vrai que le vers 11 : « Qui n’ont jamais
aimé », grâce à la négation partielle, peint un amour non partagé. Les vers 12 et 13 créent
un distique assez surprenant mais surtout moderne si l’on considère la longueur de la
strophe précédente. La référence au cri des cerfs au vers 13 est singulier. Nous pouvons
noter que l’évocation amoureuse est, ici, très charnelle. C’est suite à ce cri qu’Apollinaire va
s’épancher sur ses sentiments.