DROIT DES
LIBERALITES
, INTRODUCTION
Le droit des libéralités est le droit qui régit la transmission des biens d'une personne à une autre, de son
vivant, volontairement et gratuitement. Cela s'oppose au droit des successions dans lequel la loi organise
la transmission des biens, légalement, au décès de la personne. Les règles relatives à la dévolution
successorale sont supplétives, (il y a quelques exceptions) c'est pourquoi toute personne peut modifier
ces règles pour favoriser certains successibles ou tiers grâce à des libéralités.
Depuis la loi de 2006, la libéralité est définie à l'article 893 al 1 CC: "La libéralité est l'acte par lequel
une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre
personne". On appelle disposant la personne qui fait la libéralité, et gratifié la personne qui reçoit celle-
ci. Il s’agit de termes généraux.
Art 893 al 2 CC : "Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament." Les
libéralités faites entre personnes vivantes sont des donations, et celles qui sont prévues par une personne
de son vivant, mais qui ne seront délivrées qu'à sa mort sont des legs, qui sont contenus dans des
testaments.
Il existe une autre différence entre ces libéralités puisque certaines ont à l'origine un contrat (donation),
d'autres ont à l'origine, un acte unilatéral (testament). Parce qu'il s'agit d'un contrat, les donations
nécessitent le consentement du gratifié.
CM – Droit des libéralités 2
, PARTIE I : LES REGLES COMMUNES A TOUTES
LIBERALITES
En principe, un individu est libre de disposer à titre gratuit de ses biens pourvu qu’il utilise un des deux
modes prévues par la loi : donation ou testament. Mais la loi apporte des restrictions à la faculté de
disposer à titre gratuit. Les libéralités sont en effet cantonnées à la seule quotité disponible dont peut
disposer un individu. Le but poursuivi est de protéger la famille contre des libéralités faites à des
étrangers. La loi règlemente également les pactes sur succession future.
D’autres restrictions résultent de l’existence de conditions de fonds destinées à protéger le disposant lui
-même car la libéralité est un acte sans contrepartie, et protéger sa famille, et aussi l’ordre public. Ainsi
il y a des conditions de validités des libéralités, relatives au consentement, à la capacité et à la cause.
C HAPITRE 1 : L A NOTION DE LIBERALITE
Il est important de savoir si un acte est une libéralité car les libéralités sont soumises à un régime spécial,
c’est le cas du rapport successoral (opération qui a lieu avant le partage et qui consiste à restituer une
libéralité qui a été faite), de la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire, de la révocation pour
ingratitude, de la fiscalité des donations.
Paragraphe I - Les éléments constitutifs de la libéralité :
La libéralité comprend un acte matériel (critère économique objectif) et un élément intentionnel ou
intellectuel (critère subjectif). Un arrêt 1ère civ. 24 juin 2015 rappelle qu’une libéralité suppose un
appauvrissement (élément matériel) du disposant dans l’intention de gratifier.
A - L’élément matériel :
La libéralité implique un appauvrissement du disposant et un enrichissement corrélatif du gratifié,
résultant du transfert de droit subjectif d’un patrimoine à un autre. Il s’agit d’un acte à titre gratuit,
sans contrepartie économique. C’est un critère objectif de la libéralité.
Cependant un acte à titre gratuit n’est pas nécessairement une libéralité, il existe un autre type d’acte à
titre gratuit : les prestations de service ou de travail gratuites, c'est-à-dire des contrats de bienfaisance.
Ce sont des contrats en vue desquels une partie rend à l’autre un service bénévolement sans contrepartie
(exécuter un travail bénévolement ou prêter un bien dont on est propriétaire). L’absence de transfert
d’un élément, d’un bien ou d’un droit d’un patrimoine à l’autre permet de distinguer les deux sortes
d’actes à titre gratuit.
L’article 893 du code civil, issu de la loi de 2006, édicte d’ailleurs que « La libéralité est l’acte par
lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits ». Toutefois la
frontière entre les deux types d’actes n’est pas parfaitement net puisque la mise à disposition d’un bien
immobilier a pu, selon les cas, constituer un prêt à usage ou une donation entre vifs.
Pendant longtemps, les tribunaux ont exigé un appauvrissement effectif (en capital, civ.16 déc. 1940) ;
puis ont été assimilé en libéralité les dons en usufruit ou encore les dons de fruits et de revenus (1ère civ.
14 janv. 1997).
Il faut un lien de causalité entre l’appauvrissement et l’enrichissement, mais ce lien peut ne pas être
direct, c’est le cas lorsqu’il y a une assurance vie. Généralement l’assurance vie n’est pas considérée
comme une libéralité, par exception elle peut en constituer une néanmoins et il n’y a pas de lien direct
car dans ce cas le capital reçu par le bénéficiaire provient, par l’intermédiaire de l’assureur, des primes
versées par l’assuré.
CM – Droit des libéralités 3
, La libéralité est un acte qui exclut une contrepartie économique. En effet, l’arrêt Req. 24 janv.1928
énonce que toute donation implique nécessairement que le disposant se dépouille de la chose sans rien
recevoir en échange ou du moins sans recevoir un équivalent qui fasse disparaître la gratuité essentielle
du contrat.
La jurisprudence et la doctrine estiment qu’il y a incompatibilité entre la gratuité et l’aléa, par
conséquent l’acquisition d’un bien avec clause d’accroissement (la tontine) qui constitue un contrat
aléatoire ne peut recevoir la qualification de libéralité (1ère civ. 14 déc. 2004). Il n’en va autrement que
si le pacte tontinier n’est pas aléatoire parce que, par exemple, un seul des contractants à financer l’achat
ou si le pré décès de l’un des contractants est prévisible en raison d’un mauvais état de santé. De même,
un contrat d’assurance vie n’est pas une libéralité puisque ses effets dépendent de la durée de la vie
humaine (ch. mixte 23 nov. 2004). Là encore, un mauvais état de santé fait disparaître l’aléa. Lorsque
les primes versées par le contractant sont manifestement exagérées au regard de ses facultés, l’assurance
vie sera considérée comme une libéralité.
En l’absence d’appauvrissement, une libéralité pourrait être requalifiée en acte à titre gratuit, peu
importe la qualification donnée par les parties. Et à l’inverse, l’appauvrissement de l’auteur de l’acte
peut conduire à requalifier en libéralité un acte initialement qualifié de vente (civ. 16 juillet 1959).
On parle de gratuité objective qui s’oppose à la gratuité subjective qui réside dans l’intention libérale.
B - L’élément intentionnel.
Toute libéralité implique une intention libérale, l’animus donandi. Elle représente l’élément constitutif
subjectif. dans un arrêt Req. 27 juin 1887, la chambre des requêtes a affirmé que « la volonté de donner
ou de léguer est de l’essence de la disposition à titre gratuit ». Il existe deux conceptions de l’intention
libérale :
- Selon la thèse subjective ou affective, l’intention libéralité implique seulement la conscience et
la volonté de s’appauvrir et elle exclut tout motif égoïste. Si le disposant est motivé par un
mobile égoïste, s’il a poursuivi un intérêt moral (la générosité, la recherche de reconnaissance,
la vanité, la haine à l’encontre de celui qui est dépouillé), l’acte ne sera pas à titre gratuit. Selon
cette thèse, très peu d’actes seront considérés comme des libéralités car il est rare qu’un individu
se dépouille au profit d’un autre sans rien n’attendre en retour.
- Selon la thèse objective ou abstraite distingue le mobile et l’intention, intention qui se confond
avec la conscience et la volonté de ne pas recevoir de contrepartie. Ainsi il suffit que la personne
soit consciente de se dépouiller et qu’elle ne veut pas recevoir de contrepartie. La recherche
d’un intérêt personnel n’empêche pas la libéralité. L’inconvénient de cette conception est
qu’elle admet trop largement la qualification de libéralité, puisque l’intention se confond avec
le consentement.
Ce sont les juges du fond qui apprécient souverainement l’élément intentionnel et il en résulte une
jurisprudence incertaine mais dans l’ensemble c’est plus la conception abstraite qui est privilégiée.
Exemples :
1ère civ. 30 sept. 2009 : La Cour de cassation a adopté la deuxième conception en jugeant que les mobiles
ayant amenés le disposant à faire une libéralité n’ont pas à être pris en compte, ainsi l’intention libérale
est compatible avec la volonté de déshériter. Et la Cour de Cassation a affirmé que la volonté de priver
un héritier réservataire de la quotité disponible n’exclue pas l’intention libérale du testateur vis à vis
d’une tierce personne.
Cass. Com. 5 oct. 2004 : La Cour de Cassation dit qu’un avantage quelconque, y compris une simple
satisfaction morale, en l’espèce il s’agit de l’exercice d’un culte auquel des donateurs entendaient
contribuer, n’est pas de nature à exclure toute intention libérale.
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