SÉANCE 8 : LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE DES
JURIDICTIONS FRANÇAISES
Exercice :
Quelle place le règlement Bruxelles I bis accorde-t-il aux privilèges de juridictions des articles 14 et
15 du Code civil ?
- La place est peu importante pour ces privilèges puisqu’ils sont utilisés à défaut d’application
des règles communautaires ainsi que des règles internes contenues pas le Code de procédure
civile.
- Peu utilisés dans les faits
- Importance conséquente du droit de l’Union européenne qui régit la désignation de la
juridiction compétente dans de nombreux litiges civils et commerciaux
- Critère de la compétence générale du règlement.
En raison de la méfiance qu’il affiche envers les juridictions étrangères, le privilège de juridiction ne
pouvait qu’être considéré avec défaveur par des instruments unificateurs européens, même si les
récentes évolutions jurisprudentielles lui ont retiré une bonne part de sa nocivité. Il n’est donc pas
surprenant qu’il ait été exclu par les textes européens et d’abord par la Convention de Bruxelles et par
le règlement Rome I bis. qui lui a succédé.
Cependant, cette exclusion n’est pas totale. On peut même dire qu’ils sont exclus qu’en tant qu’ils
instituent un privilège fondé sur la nationalité. En effet, l’article 4, §2, de la convention et du
règlement permet à tout étranger domicilié en France d’invoquer à son profit l’article 14, mais
uniquement à l’égard d’un défendeur domicilié dans un État tiers, puisque si le défendeur est domicilié
dans l’Union européenne, l’article 14 est exclu.
Par ailleurs, la règle ne peut être utilisée que dans les matières visées par la convention et le règlement.
Mais le règlement du 29 mai 2000, en matière matrimoniale a introduit une possibilité technique.
On peut donc constater que les textes européens ont substitué au privilège de nationalité un privilège
de domicile, mais qu’ils n’ont pas supprimé les fors exorbitants. En outre, si cette règle confère
incontestablement au demandeur une position avantageuse par rapport à un défendeur domicilié dans
un État tiers, elle pourrait être critiquée comme manifestant une sorte de « nationalisme européen ».
Toutefois, elle n’est pas aussi discriminatoire que l’on pourrait le croire puisqu’elle bénéficie à toute
personne domiciliée en France, pas seulement aux ressortissants de l’Union européenne. Elle ne
remplace dont pas un privilège de nationalité française par un privilège de citoyenneté européenne
mais véritablement par un privilège de domicile.
Cas pratique n°1 :
Une société chinoise a conclu un contrat de prestation de service avec une société péruvienne ainsi
qu’une société allemande, toutes donnant compétence au juge français en cas de litige. Suite à un
litige, les sociétés allemandes et péruvienne ont mis en œuvre la clause attributive de juridiction. Or, la
société chinoise ne souhaite plus être attraite devant le juge français.
Il convient de savoir s’il est possible de contester la validité de la clause attributive de juridictions.
La compétence du juge français doit être envisagée, en l’absence de loi de police, d’abord sous l’angle
des règles d’origine communautaire puis, si ces dernières ne sont pas applicables, au regard des règles
de droit interne.
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TD – Droit international privé – Séance 8 : Conflit de juridictions (règles européennes)
, L’article 27.A du règlement Rome I bis, en matière de clause attributive de juridiction, dispose que
« si les parties sont convenues d’une juridiction d’un État membre pour connaitre des différends nés
ou à naitre à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la
validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité au fond selon le droit de cet
État membre ».
Au regard des faits, les trois sociétés ont convenues de désigner le juge français comme compétent
pour résoudre les litiges. La France étant partie à l’Union européenne, cette disposition semble
applicable.
S’agissant de l’appréciation de la clause en présence, le juge de l’État membre est lié par les termes
des points a), b) et c) dudit article 27 du règlement Rome I bis, lesquels disposant que la clause
attributive de juridiction est conclue « par écrit ou verbalement avec confirmation écrite » ; « sous une
forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles où » ; « sous une forme
qui soit conforme aux usages » dans le commerce international.
En l’espèce, le juge qui sera saisi à l’occasion du litige devra d’emblée examiner si la clause est
conclue sur un support déterminé par le règlement.
En cas de succès, il convient pour le juge de s’assurer que la clause attributive de juridiction ne porte
atteinte aux règles de compétences exclusives au sein du règlement Rome I bis. En effet, la clause ne
peut déroger aux compétences en matière d’assurances (art. 15), aux compétences en matière de
contrats conclus entre consommateurs (art. 19), ainsi qu’en matière de contrats de travail (art. 23). De
plus, la clause ne peut déroger aux dispositions de l’art. 24 (droits réels, sociétés, brevets, voies
d’exécution).
Au regard des faits, la clause ne porte atteinte aux articles précités. En effet, il s’agit d’un contrat de
prestation de service conclu entre trois sociétés personnes morales. Dès lors, la clause attributive de
juridiction, désignant le juge français est valable.
Cas pratique n°2 :
Un français est victime d’un accident de la circulation à Londres. De fait, il est renversé par un belge,
domicilié au Sénégal et bénéficiaire d’une police d’assurances luxembourgeoise. En raison de
douleurs survenues après l’accident, la victime souhaite intenter une action en réparation.
Il convient d’aborder la question de la juridiction compétente en matière d’action en réparation.
La compétence du juge français doit être envisagée, en l’absence de loi de police, d’abord sous l’angle
des règles d’origine communautaire puis, si ces dernières ne sont pas applicables, au regard des règles
de droit interne.
Étant saisi d’une action présentant un élément d’extranéité, la compétence du juge doit être recherchée
dans le règlement Rome I bis en matière d’action en justice civile et commerciale puisque le dommage
s’est produit au sein d’un État membre de l’UE.
Concernant l’application temporelle du RB1, l’action doit être intentée après l’entrée en vigueur du
présent règlement, soit après le 10 janvier 2015, en vertu de l’art. 66. Au regard des faits, l’action
semble être intentée après son entrée en vigueur, l’application temporelle est vérifiée.
Concernant l’application matérielle, il doit s’agir d’une action civile ou commerciale (art. 1.1) et ne
doit pas faire partie des exclusions prévues à l’art. 1.2 RB1. En l’espèce, l’action de Yanis découle du
civil puisqu’il a subi un dommage corporel. Dès lors, l’application matérielle est vérifiée.
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