Mouvement 2 : Le souvenir de la femme aimée prend vie (Strophe 5 à 9)
• La figure de la femme aimée interrompt son élégie
L’introspection de l’auteur va être bouleversée par la “présence” d’un élément qui vient perturber le fil
du récit : le champ lexical de l’interruption et de la violence “tout à coup” “frapper” “tomber” contraste
avec le calme précédemment énoncé. La métonymie “la voix qui m’est chère” incarne en réalité la voix
de son amante décédée, qui semble retrouver l’usage de la parole grâce à la volonté du lac “flot attentif”
qui est personnifié.
• Julie est impuissante face à la force du temps
Le sixième quatrain est au discours direct, c'est à dire que les paroles sont rapportées telles quelles,
entre guillemets, sans modification. Le discours utilisé par la femme est plutôt autoritaire : à travers une
apostrophe exclamative “O temps !” et des impératifs comme “suspends, laissez, suspendez” elle
exprime sa volonté d’arrêter le temps, avec la répétition du verbe “suspendre”, afin de retrouver
l’homme qu’elle aime. Elle s’adresse directement aux heures et au temps et le supplie presque de la
laisser retrouver son mari, pour la laisser retrouver le bonheur caractérisé par les mots “propices,
délices, beaux”, qui sera cependant interrompu et assombri par la rapidité du temps qui passe en ligne
23. Le lyrisme est omniprésent dans cette strophe : utilisation de l’interjection, personnification du
temps et des heures avec l’impératif, laissent clairement entrevoir la détresse qu’éprouve cette femme
face au temps, sur lequel elle n’a aucun pouvoir.
• Le ton de Julie devient pathétique
Au lyrisme vient s’ajouter la tonalité pathétique : avec implorer “,” malheureux “, ” ici-bas “, ” dévorent “,
qui laisse à penser que le temps est transformé en une sorte de bourreau contrôlant le destin de chaque
homme. L’utilisation presque excessive de l’impératif en vers 26,27,28 “Coulez, prenez, oubliez” montre
le désarroi qu’exprime Julie face à une notion du temps impitoyable. Par la suite, la strophe 8 souligne
une fois de plus l’impuissance de l’homme face au temps qui passe avec les verbes “demander, échappe
et fuit”, avec les locutions adverbiales “en vain, encore”. La femme va ensuite s’adresser directement à la
nuit, qui représente la mort, et chante le triomphe de la vie, représentée par l’aurore, sur la nuit, alliée à
la mort. Ses propos, transformées en supplication, donne un rythme régulier au poème : les
enjambements prolongent la longueur du vers, à l’image du temps qui prolonge le désarroi.
• Une incitation à profiter du temps avant la fin
Julie transforme ses propos en une leçon sur le temps : l’utilisation répétitive de l’impératif “Aimons
donc !” suivi de “Hâtons” et “jouissons”, renforce l’impression de hâte avec l’hémistiche en vers 34. Ici
une fois de plus le champ lexical du temps est omni présent : ” heure “, ” temps “, ” hâter “, ” couler “. On
retrouve la métaphore filée de l’eau et du temps à travers une double négation totale : “L’homme n’a
point de port, le temps n’a point de rive”. Ces négations montrent que l’homme ne peut pas stopper le
temps, représenté comme “fugitif” qui n’a pas de limites. Cette incitation encourage les hommes à
prendre conscience de la valeur du temps.