Lecture linéaire n°12
“Il parut alors une beauté à la cour” - La Princesse
de Clèves de Mme de La Fayette
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, Extrait
1 « Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on
doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans
un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la
même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de
France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame
de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires.
5 Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la
cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ;
mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle
songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. // La plupart des
mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes
personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée
; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a
10 d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de
dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et
leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle
lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête
femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui
avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il
était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de
15 soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur
d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.
Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et
quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs
mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait
presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la
mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle ; il fut surpris
20 de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec
raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat
que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et
sa personne étaient pleins de grâce et de charmes. »
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, Introduction
Madame de La Fayette = invente le roman psychologique moderne, un récit court,
resserré autour d’une intrigue unique et de quelques personnages, montrant les
tourments de l’amour au travers d’une analyse minutieuse de la psychologie des
personnages.
La Princesse de Clèves = 1678 / LE succès de Madame de La Fayette = œuvre cle de
la littérature française / œuvre pessimiste = l’amour est toujours néfaste
Portrait de Melle de Chartres = début du roman / première apparition de Melle de
Chartres (future Princesse de Clèves) / occasion de mettre en place les différents
enjeux du roman
Dans quelles mesures Melle de Chartres est-elle décrite ? (Je sais pas si la
problématique vous va ?)
Pour comprendre comment le narrateur rend le portrait de Mlle de Chartres attrayant,
nous nous pencherons sur les 3 mouvements du texte. Le premier qui est la
description du physique et du milieu social de Mlle de Chartres, puis l’éducation
vertueuse de celle-ci et enfin, l’éloge de la jeune fille qui est sensationnelle.
Lignes 1 à 5 : présentation générale du personnage /
Description du physique et du milieu social
1er mouvement du texte (De « il parût alors une beauté à la cour » à « une des plus
grandes héritières de France« )
Ligne 1 ● Forme impersonnelle : effet d'attente accentué par le fait qu'elle ne
soit pas nommée, pas d'indication sur son passé, déterminant indéfini
« une beauté ». « alors », adv temporel qui marque le caractère
soudain de l'événement qu'est cette apparition
● Répétition « beauté » et polyptote (fig de style qui consiste en la
répétition de plusieurs mots de même racine, ou encore d'un même
verbe): « belle » : insistance sur son apparence exceptionnelle
● Métonymie « une beauté » terme abstrait qui se détache du pluriel «
belles personnes » qui fait que cette singularité se détache d'un
ensemble vague et stéréotypé. Elle répond aux canons de beauté
classiques. Registre épidictique: de l'éloge.
Le portrait est évasif : seule la « beauté » de la Princesse de Chartres (qui
n’est même pas nommée) est mentionnée au début. L’emploi de la tournure
impersonnelle « il parut » ainsi que des articles indéfinis (« une beauté
parfaite ») accentuent ce caractère. La métonymie « une beauté » souligne la
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