COURS DE MATHÉMATIQUES PREMIÈRE ANNÉE (L1)
UNIVERSITÉ DENIS DIDEROT PARIS 7
Marc HINDRY
Introduction et présentation. page 2
1 Le langage mathématique page 4
2 Ensembles et applications page 8
3 Groupes, structures algébriques page 23
4 Les corps des réels R et le corps des complexes C page 33
5 L’anneau des entiers Z page 46
6 L’anneau des polynômes page 53
7 Matrices page 65
8 Espaces vectoriels page 74
9 Applications linéaires page 84
10 Introduction aux déterminants page 90
11 Géométrie dans le plan et l’espace page 96
Appendice : Résumé d’algèbre linéaire page 105
12 Suites de nombres réels ou complexes page 109
13 Limites et continuité page 118
14 Dérivées et formule de Taylor page 125
15 Intégration page 135
16 Quelques fonctions usuelles page 144
17 Calcul de primitives page 153
18 Intégrales impropres page 162
19 Courbes paramétrées et développements limités page 167
20 Equations différentielles page 178
21 Fonctions de plusieurs variables page 189
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, Tous les chapitres sont importants. Le premier chapitre est volontairement bref
mais fondamental : il y aura intérêt à revenir sur les notions de langage mathématique et
de raisonnement tout au long du cours, à l’occasion de démonstrations. Les chapitre 19
et 20 reposent sur une synthèse de l’algèbre (linéaire) et de l’analyse (calcul différentiel et
intégral) tout en étant assez géométriques. Le chapitre 21 (fonctions de plusieurs variables)
appartient en pratique plutôt à un cours de deuxième année; il a été ajouté pour les
étudiants désirant anticiper un peu ou ayant besoin, par exemple en physique, d’utiliser
les fonctions de plusieurs variables et dérivées partielles, dès la première année.
L’ordre des chapitres. L’ordre choisi n’est que l’un des possibles. En particulier
on pourra vouloir traiter l’“analyse” (chapitres 12-20) en premier : pour cela on traitera
d’abord le chapitre sur les nombres réels et complexes (ou la notion de limite est introduite
très tôt), le principe de récurrence et on grapillera quelques notions sur les polynômes
et l’algèbre linéaire. La séquence d’algèbre linéaire (chapitres 7-11) est très inspirée de
la présentation par Mike Artin (Algebra, Prentice-Hall 1991) mais on peut choisir bien
d’autres présentations. On pourra aussi par exemple préférer étudier Z avant R et C (du
point de vue des constructions, c’est même préférable!). Le chapitre 16 sur les fonctions
usuelles peut être abordé à peu près à n’importe quel moment, quitte à s’appuyer sur les
notions vues en terminale.
Nous refusons le point de vue : “... cet ouvrage part de zéro, nous ne
supposons rien connu...”. Au contraire nous pensons qu’il faut s’appuyer sur les con-
naissances de terminale et sur l’intuition (notamment géométrique). Il semble parfaitement
valable (et utile pédagogiquement) de parler de droites, courbes, plans, fonction exponen-
tielle, logarithme, sinus, etc ... avant de les avoir formellement introduit dans le cours. Il
semble aussi dommage de se passer complètement de la notion très intuitive d’angle sous
prétexte qu’il s’agit d’une notion délicate à définir rigoureusement (ce qui est vrai).
Illustrations : Nous avons essayé d’agrémenter le cours d’applications et de motiva-
tions provenant de la physique, de la chimie, de l’économie, de l’informatique, des sciences
humaines et même de la vie pratique ou récréative. En effet nos pensons que même si
on peut trouver les mathématiques intéressantes et belles en soi, il est utile de savoir que
beaucoup des problèmes posés ont leur origine ailleurs, que la séparation avec la physique
est en grande partie arbitraire et qu’il est passionnant de chercher à savoir à quoi sont
appliquées les mathématiques.
Indications historiques Il y a hélas peu d’indications historiques faute de temps,
de place et de compétence mais nous pensons qu’il est souhaitable qu’un cours contienne
des allusions : 1) au développement historique, par exemple du calcul différentiel 2) aux
problèmes ouverts (ne serait-ce que pour mentionner leur existence) et aux problème résolus
disons dans les dernières années. Les petites images (mathématiques et philathéliques)
incluses à la fin de certains chapitres sont donc une invitation à une recherche historique.
Importance des démonstrations Les mathématiques ne se réduisent pas à l’exac-
titude et la rigueur mais quelque soit le point de vue avec lequel ont les aborde la notion de
démonstration y est fondamentale. Nous nous efforçons de donner presque toutes les dé-
monstrations. L’exception la plus notable est la construction des fonctions cosinus et sinus,
pour laquelle nous utiliserons l’intuition géométrique provenant de la représentation du
cercle trigonométrique ; l’intégrabilité des fonctions continues sera aussi en partie admise.
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,Il y a là une difficulté qui sera levée avec l’étude des fonctions analytiques (faite en seconde
année).
Difficulté des chapitres Elle est inégale et bien sûr difficile à évaluer. Certains
chapitres développent essentiellement des techniques de calculs (chapitres 6, 7, 10, 16, 17,
18, 19, 20), le chapitre 11 reprend du point de vue de l’algèbre linéaire des notions vues en
terminales, d’autres développent des concepts (chapitres 2, 3, 4, 5, 8, 9, 12, 13, 15) et sont
donc en ce sens plus difficiles ; le chapitre 14 est intermédiaire dans cette classification un
peu arbitraire. Enfin le chapitre 21 n’est destiné à être appronfondi qu’en deuxième année.
Résumés En principe les énoncés importants sont donnés sous l’entête “thèorème”
suivis par ordre décroissant d’importance des “propositions” et des “lemmes”. Un “résu-
mé” de chaque chapitre peut donc être obtenu en rassemblant les énoncés des théorèmes
(et les définitions indispensables à la compréhension des énoncés). Nous avons seulement
inclus un chapitre résumant et synthétisant les différents points de vue développés en
algèbre linéaire (après le chapitre 11).
Archimède [Aρχιµήδης] (∼ 287–∼ 212)
Al Khwārizmῑ (fin VIIIe , début IXe )
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, CHAPITRE 1 LE LANGAGE MATHÉMATIQUE
Ce chapitre, volontairement court, précise les modalités du raisonnement mathématique.
En effet on n’écrit pas un texte mathématique comme un texte de langage courant : ce
serait théoriquement possible mais totalement impraticable pour de multiples raisons (le
raccourci des “formules” est notamment une aide précieuse pour l’esprit).
Une définition précise le sens mathématique d’un mot ; par exemple :
Définition: Un ensemble E est fini si il n’est pas en bijection avec lui-même privé d’un
élement. Un ensemble est infini si il n’est pas fini.
On voit tout de suite deux difficultés avec cet exemple : d’abord il faut avoir défini
“ensemble” (ce que nous ne ferons pas) et “être en bijection” (ce qu’on fera au chapitre
suivant) pour que la définition ait un sens ; ensuite il n’est pas immédiat que la définition
donnée coı̈ncide avec l’idée intuitive que l’on a d’un ensemble fini (c’est en fait vrai).
Un énoncé mathématique (nous dirons simplement énoncé) est une phrase ayant un
sens mathématique précis (mais qui peut être vrai ou faux) ; par exemple :
(A) 1=0
(B) Pour tout nombre réel x on a x2 ≥ 0
(C) x3 + x = 1
sont des énoncés ; le premier est faux, le second est vrai, la véracité du troisième
dépend de la valeur de la variable x. Par contre, des phrases comme “les fraises sont des
fruits délicieux”, “j’aime les mathématiques” sont clairement subjectives. L’affirmation :
“l’amiante est un cancérogène provoquant environ trois mille décès par an en France et
le campus de Jussieu est floqué à l’amiante” n’est pas un énoncé mathématique, même si
l’affirmation est exacte. Nous ne chercherons pas à définir précisément la différence entre
énoncé mathématique et énoncé non mathématique.
Un théorème est un énoncé vrai en mathématique ; il peut toujours être paraphrasé de
la manière suivante : “Sous les hypothèses suivantes : .... , la chose suivante est toujours
vraie :... ”. Dans la pratique certaines des hypothèses sont omises car considérés comme
vraies a priori : ce sont les axiomes. La plupart des mathématiciens sont d’accord sur un
certain nombre d’axiomes (ceux qui fondent la théorie des ensembles, voir chapitre suivant)
qui sont donc la plupart du temps sous-entendus.
Par exemple nous verrons au chapitre 5 que :
THÉORÈME: Soit n un nombre entier qui n’est pas le carré d’un
√ entier alors il n’existe
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pas de nombre rationnel x tel que x = n (en d’autres termes n n’est pas un nombre
rationnel).
Pour appliquer un théorème à une situation donnée, on doit d’abord vérifier que les
hypothèses sont satisfaites dans la situation donnée, traduire la conclusion du théorème
dans le contexte et conclure.
Par exemple : prenons n = 2 (puis n√= 4) alors 2 n’est pas le carré d’un entier donc
le théorème nous permet d’affirmer que 2 n’est pas un nombre rationnel. Par contre √
l’hypothèse n’est pas vérifiée pour n = 4 et le théorème ne permet pas d’affirmer que 4
n’est pas un nombre rationnel (ce qui serait d’ailleurs bien sûr faux!).
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