Clefs concours, le corps
I. Les corps comme phénomène culturel et fait social total
En quoi notre corps est-il un produit et un reflet de nos appartenances culturelles et sociales?
A. Omniprésence technique du corps
Marcel Mauss, techniques du corps => “actes traditionnels efficaces”, “corps est le premier et le
plus naturel instrument de l’homme”
Ces techniques se transmettent mais semblent naturelles. Elles varient selon plusieurs critères:
- selon le sexe (homme / femme)
- selon l’âge (mobilité)
- selon le rendement (atteindre un but)
- selon l’éducation (techniques différentes)
“Il n’existe peut-être pas de ‘manière naturelle’ chez l’adulte” (car valeurs et normes)
B. Corps comme “fait social total”
Les techniques du corps sont des “montages physio-psycho-socio de séries d’actes” propres à chaque
société.
“homme total” => met en branle toute la société et ses institutions. Le corps est concerné par toutes
les institutions sociales.
P. Bourdieu: l’habitus, dispositions durables à agir, sentir et penser d’une certaine manière dans un
contexte donné qu’un agent social développé au cours de sa socialisation en fonction de ses
appartenances.
“hexis corporelle” => manière durable de se tenir, de parler, de marcher, et, par là, sentir et penser.
C. Corps fondement de la pensée
=/= corps comme objet de pensée et de volonté
= corps comme générateur de pensée et de volonté
F. Héritier: l’homme observe par son corps et par ses sens.
Lévi-Strauss: les préjugés de race n’ont aucun sens car le corps est le produit de l’homme (et non
pas le contraire).
1
, II. Le modelage historique du corps en Occident
Comment le rapport que nous entretenons à notre corps a-t-il évolué au fil du temps?
A. Visions du corps de l’Antiquité au Moyen-Âge
On a ET on est un corps. Corps et époque sont indissociables.
Antiquité:
- Le corps est à l’image de Dieu qui les protège.
- On ne sait pas si corps et âme ne font qu’un.
- Le corps est composé des 4 éléments, si il y a un déséquilibre alors, il y a maladie.
Moyen-Âge: #chritianisme++++
- La douleur est comme un instrument de salut (passion du Christ).
- Le corps malades et difformes sont punitions justes bien que la Charité leur soit allouée.
- L’alchimie remplace la médecine antique.
B. Tournant dans la modernité
Renaissance: dignité des corps et rationalisme + expériences menées comme si Dieu n’existait pas.
Dualisme - René Descartes - organisme comme mécanique (corps + âme)
VS
Monisme - Baruch Spinoza - corps et esprit => une substance
→Apparition de la perspective et du réalisme = représenter les corps tels qu’ils sont et non pas
comme ils devraient l’être.
→Divertissement n’est plus vu comme un détournement de Dieu => les jeux se développent mais
manque de temps pour les pratiquer avant la Révolution industrielle. Les loisirs sont alors normalisés
pour le “bien” de la société (alcool prohibé aux EU entre 1920 et 1933)
→ Apparition de la douche, du bain, de la toilette parce qu’au Moyen-Âge, on ne se lavait pas car cela
ouvrait les pores et laissait les maladies entrer ainsi que le diable = on changeait de vêtements pour
se laver.
C. Vers la civilisation des mœurs?
Norbert Elias, 1939: il observe un auto refoulement croissant des pulsions corporelles.
Les “bonnes” manières se répandent ainsi qu’une sensibilité et une volonté de bannir les pulsions.
La violence est également bannie des échanges interpersonnels et monopolisée par l’Etat.
George Mosse, 1990: Remet cet auto refoulement en question. Il remarque une brutalisation des
sociétés européennes suite à la Grande Guerre et la colonisation ainsi qu’une hausse des génocides.
=> Il semblerait que N. Elias décrit le vernis d’une civilisation fragile.
Dans la 2ème moitié du XXe siècle, on observe une “libéralisation” des corps (dénudation dans
l’espace public). Seins nus à la plage (Kaufmann, 1955) pointe un contrôle et une domination
masculine.
+ apparition de modifications du corps (bijoux, sport, coiffure…) qui conduisent à un culte du
corps.
2
, III. Le corps en philosophie
Suis-je maître de mon corps?
=> Déterminer si nous avons ou si nous sommes un corps. Comprendre la séparation entre corps et
esprit/âme en pensant cette union comme nécessaire.
Corps sensible =/= esprit intelligible
Corps comme matière organisée ayant pris une certaine forme (pierre = corps) au sens physique.
=/=
Corps humain comme contraire de l’âme et de l’inerte, distinction entre la pierre et le corps humain.
=/=
“Mon corps” - “corps propre” se distinguant de mon activité mentale, il est ce par quoi je me manifeste
à autrui.
“JE” => conscience ou esprit, plus qu’un corps.
Alors, corps non-essentiel, constitutif de l’identité personnelle, assujetti à un esprit? Quelle relation
entre les deux?
A. Corps instrument
Notre esprit établit des intentions et dirige le corps vers l’extérieur. Tout geste a une origine
intellectuelle avant d’être corporelle // artisanat.
Socrate dans l’Alcibiade majeur, cordonnier et joueur de lyre.
L’homme est dominé par son esprit et emprisonné par son corps
=> “corps comme tombeau de l’âme” - Platon.
Les gestes de la main sont décidés par un esprit, Richard Sennett les nomme “intelligence de la main”
=> itération, reproduction après une phase d’observation
B. Corps interface
Un corps sans esprit est une étendue et un esprit sans corps est impossible.
Il y a des réactions corporelles incontrôlables, en dehors de notre maîtrise (menstruations).
Kant observe la cautérisation d’une plaie chez les plantes => maîtrise du corps sur lui-même.
Si la maîtrise du corps par l’esprit est partielle, elle reste nécessaire.
Le corps communique à l’esprit par les sens qui peuvent alors le tromper. Descartes explique que la
cire chaude et la cire froide sont 2 textures mais pourtant une seule substance. Les sens restent
essentiels pour détecter les douleurs qui communiquent au corps une agression extérieure.
C. Corps comme médiation vers autrui
Le corps se heurte au “regard social” qui norme, autorise et interdit. Il est façonné par le dispositif
social qui l’entoure.
Mauss: les gestes portés sur d’autres corps diffèrent selon les sociétés… (accouchement debout) Ces
gestes paraissent spontanés alors qu’ils ne sont que le fruit d’un apprentissage. Le corps social
contrôle le corps individuel.
Corps comme mode d’apparaitre et de se soumettre au regard du tiers.
Sartre: L’Être et le Néant => le garçon de café est avant tout une posture.
Il y a 2 sources de pouvoir sur le corps:
- le libre arbitre, pouvoir pour moi-même
- pouvoir du regard social qui contraint les corps et les façonne puis les accapare
3
, IV. Le corps politique
A. Une métaphore traditionnelle
Aristote =) la cité : out dont le citoyen = le membre et hors duquel il ne pourrait point vivre, hors de la
cité, il n'y a plus de citoyens; l'homme ne s'accomplit vraiment qu'au sein de la communauté
politique : « l'homme est un animal politique » = l'homme ne peut accéder à une vie proprement
morale (orientée par les distinctions morales entre le juste et l'injuste, le noble et l'ignoble etc.) qu'à
l'intérieur de la Cité, Cité = vie proprement humaine. Une cité ne peut être heureuse si ses citoyens ne
le sont pas.
Pour les chrétiens du Moyen Âge : l'univers = créé par Dieu = tout ordonné selon certains principes.
Jean de Salisbury : La société = corps dont le prince est la tête, le clergé est l'âme, les soldats sont les
mains, les collecteurs d’impôt dont le ventre, les paysans sont les pieds. =) vision hiérarchique de la
communauté politique : les différents groupes sociaux se complètent, chacun ayant un rôle spécial à
jouer, et ils s'ordonnent du plus fort au plus faible. Roi désigné comme "la tête" du royaume car il doit
en garantir l'harmonie. Quant au clergé, il est "l'âme" du corps politique au sens où il doit
constamment rappeler à tous, et notamment au prince, les exigences de la justice et de la charité
chrétienne. En élevant le prince et le clergé au sommet du corps politique, Jean de Salisbury ne leur
confère pas un pouvoir absolu : il place chacun sous la surveillance de l'autre =) La métaphore du
corps politique vise à exprimer la responsabilité morale réciproque qui existe entre les citoyens.
B. Une métaphore dangereuse
Les Deux corps du roi, 1957, Ernst Kantorowicz =) étudie la façon dont les juristes anglais puis
français ont mobilisé la métaphore du corps à partir du XV° siècle pour justifier le pouvoir
monarchique. Empruntant à la vision théologique de l'Eglise comme corps du Christ, ces juristes
affirment que le monarque n'a pas seulement un corps physique mortel. Il possède aussi un corps
politique immortel, qui est le royaume.
XXe siècle : Le parti nazi et le PCUS visent à exercer une domination totale, non seulement sur l'État
mais sur la société entière =) emploient un langage biologique: les opposants et les victimes de la
terreur = "virus", "microbes", "parasites" dont il faut constamment purger la société. Il s'agit de fondre
la société en un tout absolument insécable. Aucun écart de parole ni de pensée n'est possible: tous
doivent suivre la volonté du chef, comme un seul homme, ou comme un seul corps. Le penseur
français Claude Lefort (1924-2010) : le totalitarisme correspondrait à une tentative pour refaire de la
société un corps, à l'époque démocratique. Pour comprendre cette interprétation, il faut partir de la
révolution démocratique. Sous l'Ancien Régime, la société était représentée comme un corps dont le
roi était la tête =) vision religieuse de la société, le roi tenant son autorité de Dieu et étant responsable
devant Lui. Avec la démocratie =) La société devient autonome, le pouvoir n'est plus fondé sur une
autorité divine et les droits individuels sont proclamés. En un mot, la société ne forme plus un Corps.
La démocratie provoque une sorte d'angoisse ou de vertige: on ne sait plus comment représenter la
société. Le totalitarisme constituerait alors dans tentative meurtrière pour unifier à nouveau la société
dans le Parti dans le corps du Chef, qu'il s'agisse de Hitler ou de Staline.
C. Une métaphore incontournable ?
Au contraire =) le pouvoir totalitaire détruit le corps politique auquel il s'applique : il isole les
individus les uns des autres (Même s'ils vivent les uns sur les autres, cf. appartements
communautaires soviétiques, les individus se méfient systématiquement les uns des autres) =) forcés
de se surveiller et de se dénoncer.. De plus, le pouvoir totalitaire s'efforce de détruire toutes les
caractéristiques historiques et culturelles de la société car le partage d'une identité collective à
défendre pourrait être une source de résistance parmi les citoyens =) Il modifie la langue, abolit les
coutumes traditionnelles, supprime toute forme de religion héritée. Hannah Arendt (1906-1975) Les
Origines du totalitarisme : la soumission totale de la société au pouvoir signifie que cette société ne
forme plus du tout un corps politique.
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