Introduction:
Molière est l'un des plus grands dramaturges français, célèbre pour ses comédies qui dénoncent des défauts
humains à travers des personnages excessifs comme L’Avare ou encore Le Malade Imaginaire. Le Malade
imaginaire est la dernière pièce de Molière jouée en 1673.C’est une comédie-ballet en trois actes séparés par
des intermèdes. Elle met en scène Argan, un père de famille hypocondriaque qui veut marier sa fille
Angélique avec un jeune médecin, Thomas Diafoirus.Dans la scène précédente, Béline a averti Argan : un
homme aurait été surpris dans la chambre d’Angélique. Elle prétend que Louison l’aurait vu, d’où cette scène
d’interrogatoire. Nous verrons comment, dans cet interrogatoire à la fois cruel et comique entre Argan et Louison,
le père manifeste sa tyrannie à l’encontre de sa naïve enfant. Dans une première partie, de « Et n’avez-vous rien
vu aujourd’hui ? » à « apprendra à mentir », le tyrannique Argan veut battre Louison afin qu’elle lui révèle avoir
surpris Angélique avec un homme. Dans une deuxième partie, de « Ah ! mon papa » à « morte tout à fait »,
Louison lui avoue qu’elle va tout lui révéler, puis feint la mort. Enfin, dans une troisième partie, de « Voyez-vous »
à la fin de la scène, Louison décrit à Argan le rendez-vous galant entre Angélique et Cléante.
1-Argan demande à Louison de lui faire le rapport de ce qu’elle a vu dans la maison : « Et n’avez-vous rien vu
aujourd’hui ? » L’adverbe temporel« aujourd’hui » suggère qu’une telle demande est quotidienne. La
tournure interro-négative invite Louison à répondre « Non, mon papa. » Argan tend ainsi un piège cruel à son
enfant, puisqu’il sait qu’elle a vu un homme avec Angélique.L’adresse respectueuse et tendre, exprimée par le
groupe nominal « mon papa », participe de l’antithèse comique entre le père autoritaire et l’enfant
obéissante.Un plaisant jeu de répétitions se met en place : « Assurément ? / Assurément. » Ces phrases
nominales accélèrent le rythme du dialogue.Le déni de Louison provoque alors la colère d’Argan, qui ironise : «
Oh çà, je m’en vais vous faire voir quelque chose,moi.» L’interjection exclamative de Louison exprime sa peur :
« Ah ! mon papa ! » La comédie repose sur des procédés cruels, puisque le spectateur assiste à une scène de
maltraitance infantile non justifiée.
2-Louison avoue alors à son père ce qu’elle sait en disant : « C’est que ma sœur m’avait dit de ne pas vous le
dire ; mais je m’en vais vous dire tout. »L’antithèse (« ne pas vous le dire » / « vous dire tout ») et l’hyperbole «
vous dire tout » souligne la faiblesse et l’incapacité de l’enfant à conserver un secret. La tournure impersonnelle
« Il faut » souligne sa froideur, d’autant plus que le châtiment est désormais inutile.Alors même qu’elle n’a pas
été frappée, Louison se prétend blessée puis morte : « Ah ! mon papa, vous m’avez blessée. Attendez : je suis
morte. (Elle contrefait la morte.) »Pour se soustraire aux coups, Louison cherche à tirer avantage de la crédulité
d’Argan, qu’elle sait sensible aux problèmes de santé, et donc à la mort.Argan va jusqu’à accuser les verges : «
La peste soit des verges ! Ah ! ma pauvre fille, ma pauvre petite Louison ! »Cette réplique désespérée souligne
les contradictions et le ridicule d’Argan, aussi naïf que tyrannique.Cependant Louison rassure son père : « Là,
là, mon papa, ne pleurez point tant : je ne suis pas morte tout à fait. »L’amusante ruse de l’enfant contraste avec
la crédulité du père. Cette scène souligne également que le père tyrannique n’est pas dénué de toute
tendresse pour ses filles, ce qui amorce le dénouement où Argan finira par accepter le mariage entre Angélique
et Cléante.
3- Argan reconnaît enfin le stratagème (« Voyez-vous la petite rusée ? »), avant de reprendre son interrogatoire
: « je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout. » C’est donc une scène de troc
.L’enthousiasme enfantin de Louison (« Oh ! oui, mon papa. ») est cependant modéré par la mise en garde
d’Argan à l’impératif : « Prenez-y bien garde, au moins ; car voilà un petit doigt qui sait tout, et qui me dira si
vous mentez. »
Conclusion:
Nous avons vu comment, dans cet interrogatoire à la fois cruel et comique entre Argan et Louison, le
père manifeste sa tyrannie manipulatrice à l’encontre de son enfant.
Argan parvient ainsi à arracher à la rusée Louison des aveux capitaux pour la suite de l’intrigue, puisque
le père apprend que le maître de musique d’Angélique est en vérité son amant.