OE3 Emancipations créatrices : Ma bohême
Ma Bohême
(Fantaisie)
Les Cahiers de Douai s’achèvent sur ce sonnet célèbre qui présente un autoportrait rêvé, comme l’indique
le titre « Fantaisie ». Le poète, insouciant et solitaire, y savoure une liberté procurée par l’évasion qui nourrit et transforme
sa création poétique. Mais le dernier tercet du poème annonce la fin du rêve et fait entrevoir un monde angoissant.
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
Bohême : a été donné par comparaison aux habitants de la Bohême qui menaient une vie sans règles, marginale.
En musique, une « fantaisie » est une forme libre ; en littérature, une œuvre d’imagination.
Paletot : veste ou manteau.
Idéal : parce qu’il est parfait pour voyager ? Ou est-il tellement usé qu’il n’est plus qu’une « idée » ?
Féal : fidèle serviteur d’un seigneur.
Rêvées : au pluriel, le mot « amours » est féminin ; d’où le féminin du participe passé « rêvées ».
La « Grande-Ourse » désigne une constellation : Rimbaud dort donc à la belle étoile.
Comme un vin de vigueur : comme un vin fort, une eau-de-vie (qui donne de la vigueur).
Des lyres : des instruments de musique à cordes dont jouaient les poètes dans l’Antiquité.
Les élastiques : les lacets.
Blessés : troués.
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INTRODUCTION
Le XIXe siècle est une période marquée par de nombreuses instabilités notamment dans la sphère
politique avec la fin du 2nd Empire. C’est dans ce contexte particulier qu’Arthur Rimbaud, jeune poète prodige
né en 1854 et décédé en 1891, prend la plume. Parmi ses textes les plus emblématiques figurent les "Cahiers
de Douai", un recueil poétique composé entre 1870 et 1872, alors qu’il n’avait que 16 ans, ces cahiers
témoignent d’une soif insatiable de liberté et d'expérience. À travers une écriture visionnaire, Rimbaud
exprime sa volonté d’émancipation, qu' elle soit sociale, politique ou littéraire en brisant les codes de la poésie
classique. Les "Cahiers de Douai" incarnent ainsi le cri de révolte d'un poète en perpétuelle quête d'absolu et
de vérité.
PASSAGE
Le poème “Ma Bohème” est le dernier des Cahiers de Douai. Le poète évoque la vie de bohème qu’il a
connu lors de ses fugues de Charleville vers Paris ou encore vers la Belgique. Ce poème autobiographique est
en alexandrin presque régulier, car seules les rimes des quatrains ne sont pas identiques.
— — — — — — — — — — — — — — — — LECTURE DU TEXTE — — — — — — — — — — — — — — — —
PROBLÉMATIQUE
Nous sommes alors en mesure de nous demander comment cet hymne à l’errance et à la liberté
permet-il à Rimbaud de célébrer la poésie ?
MOUVEMENTS
Nous verrons tout d'abord que R est un poète vagabond (1er quatrain), puis un petit-poucet rêveur
(2e quatrain), que sa poésie s'inspire de la nature (1er tercet) et lui procure du bonheur (2e tercet).
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Un poète vagabond (premier quatrain)
Extrait Procédés Analyse
Je m’en allais, les ● Imparfait ➔ Habitude, dure longtemps > mode de vie poète
poings dans mes ● Répétition v. “aller” ➔ Voyage/mvt = fuite sans destination, libération
poches crevées ; ● 1 perso du sing des conventions sociales
➔ Aspect autobiographique
Mon paletot aussi ● Allitération en “p” ➔ Dureté de la vie bohémienne, détermination et
devenait idéal ; + sonorités dure en “k” et “r” colère de R + pauvreté car X bagages.
● Double sens adj “idéal” ➔ Veste tellement usée > plus qu’une idée de la
veste / ref philo de Platon + poésie Baudelaire
J’allais sous le ciel,
Muse ! et j’étais ton ● CC Lieu “sous le ciel” ➔ Liberté physique total sans but précis
féal ; ● Apostrophe “Muse” à la césure ➔ Inspiration poétique est divine et romantique +
+ personnification + tutoiement dévouement total à son art > guide le poète
Oh ! là ! là ! que ● Interjection monosyllabic + “!” ➔ Insiste enthousiasme du poète, caractère
d’amours splendides ● Voc hyperboliques “splendides” et familier en oppo avec caractère divin de muse
j’ai rêvées ! “rêvées” + autodérision sur sa naïveté
➔ Thème du rêve qui s’oppose à la pauvreté
évidente du poète