OE3 Emancipations créatrices : Les Effarés
Les effarés, Cahiers de Douai, 1870
Noirs dans la neige et dans la brume, Quand, sous les poutres enfumées
Au grand soupirail qui s’allume, Chantent les croûtes parfumées
Leurs culs en rond Et les grillons,
A genoux, cinq petits, -misère!- Quand ce trou chaud souffle la vie;
Regardent le boulanger faire Ils ont leur âme si ravie
Le lourd pain blond… Sous leurs haillons,
Ils voient le fort bras blanc qui tourne Ils se ressentent si bien vivre,
La pâte grise, et qui l’enfourne Les pauvres petits pleins de givre,
Dans un trou clair. -Qu’ils sont là, tous,
Ils écoutent le bon pain cuire. Collant leurs petits museaux roses
Le boulanger au gras sourire Au grillage, chantant des choses,
Chante un vieil air. Entre les trous,
Ils sont blottis, pas un ne bouge Mais bien bas, -comme une prière…
Au souffle du soupirail rouge Repliés vers cette lumière
Chaud comme un sein. Du ciel rouvert,
Et quand, pendant que minuit sonne, -Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
Façonné, pétillant et jaune, -Et que leur lange blanc tremblotte
On sort le pain, Au vent d’hiver…
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INTRODUCTION
Le XIXe siècle est une période marquée par de nombreuses instabilités notamment dans la sphère
politique avec la fin du 2nd Empire. C’est dans ce contexte particulier qu’Arthur Rimbaud, jeune poète prodige
né en 1854 et décédé en 1891, prend la plume. Parmi ses textes les plus emblématiques figurent les "Cahiers
de Douai", un recueil poétique composé entre 1870 et 1872, alors qu’il n’avait que 16 ans, ces cahiers
témoignent d’une soif insatiable de liberté et d'expérience. À travers une écriture visionnaire, Rimbaud
exprime sa volonté d’émancipation, qu' elle soit sociale, politique ou littéraire en brisant les codes de la poésie
classique. Les "Cahiers de Douai" incarnent ainsi le cri de révolte d'un poète en perpétuelle quête d'absolu et
de vérité.
PASSAGE
Suite à la défaite contre la Prusse, l’hiver 1870 est très rude et Paris est affamé. Le poème “Les Effarés”
est inspiré du roman de Victor Hugo, les Misérables, ainsi que de ses personnages, Cosette et Gavroche,
victimes de la misère. Constitué de 12 tercets de deux octosyllabes (en rimes suivies) et d'un tétrasyllabe, il
permet ainsi à R de dénoncer la pauvreté des enfants.
— — — — — — — — — — — — — — — — LECTURE DU TEXTE — — — — — — — — — — — — — — — —
PROBLÉMATIQUE
Comment Rimbaud dénonce t'-il la misère dans ce poème?
MOUVEMENTS
Nous verrons tout d'abord l'opposition de deux mondes (5 premières strophes), puis l’enjeu satirique
de la poésie dans les 7 dernières strophes.
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Une misère pathétique
Extrait Procédés Analyse
Noirs dans la neige et ● Antithèse : “noirs/neige” et ➔ Scène contrastée en noir et blanc : intérieur =
dans la brume, “brume/allume” lumière / extérieur = brume
Au grand soupirail qui ● Prep “dans” X2 + CC lieu et manière ➔ Lecteur progressivement plongé dans tableau
s’allume, ● Expression familière “cul” ➔ Langage populaire capte l’attention du lecteur +
Leurs culs en rond + assonance en “u” retarde l’identité de ce groupe nominal
mentionné vers 4 (suspense).
A genoux, cinq petits,
-misère!- ● Exclamation et tirets ➔ Tonalité pathétique du poème, R suscite la
Regardent le + incise/interjection “misère” compassion du lecteur face à cette scène de
boulanger faire + adj “petits” supplication > sensat° de cri d’horreur.
Le lourd pain blond… + CCM ambigüe “a genoux” ➔ Position = adoration divine / corps ploie sous la
misère / supplication.
● Article défini “le pain” > symbole ➔ Symbole attire l’attention (réf à la révolution
française car pas assez de pain?).
HYPOTYPOSE : description saisissante et animée.