Chapitre 2
L’homme neurobiologique
L’objet de ce chapitre vise à comprendre le lien entre le comportement humain et la
structure et le fonctionnement du système nerveux. Plus spécifiquement, nous allons
examiner deux questions :
1° Comment le système nerveux, dans sa dimension anatomique et neurophysiologique,
détermine-t-il le comportement ainsi que la vie mentale (perceptions, émotions, cognitions) et
relationnelle de l’être humain ?
2° Inversement, comment l’expérience – qu’elle soit traumatique ou, au contraire,
quotidienne ou thérapeutique – s’inscrit-elle au niveau du système nerveux ?
Pendant longtemps, psychologie clinique et neurosciences sont demeurées étrangères,
parfois « ennemies », l’une à l’autre. Il faut admettre que les points de rencontre étaient quasi
inexistants. D’un côté, des modèles très généraux du fonctionnement psychique, mais bien en
prise avec la souffrance psychique. De l’autre côté, des modèles précis et bien validés du
fonctionnement du cerveau, mais peu utiles lorsqu’il s’agit d’aider une personne en état de
souffrance psychique.
Pendant longtemps, cerveau et appareil psychique se sont imposés comme deux entités
relativement distinctes alors même que l’un n’est pourtant pas concevable sans l’autre. La
métaphore informatique s’est imposée. D’un côté, un ensemble de systèmes qui peuvent être
comparés à ceux que l’on trouve dans un ordinateur : une partie est constituée du « matériel »
ou « hardware » - càd de circuits relativement figés et fondamentalement, peu modifiables par
l’expérience - et qui correspondent chez l’homme au système nerveux.
De l’autre côté, une partie composée de programmes, - càd de procédures acquises et
essentiellement modifiables avec l’expérience - et qui correspond chez l’homme à l’appareil
psychique, à la pensée – mais totalement immatérielle.
Cette dichotomie est évidemment très réductrice. On est en mesure aujourd’hui de mieux
décrire comment l’expérience s’inscrit dans le système nerveux et comment celui-ci, en
retour, conditionne ce que nous percevons de l’expérience.
Dans ce chapitre, grâce aux progrès des neurosciences, nous allons montrer que la
psychologie clinique est enfin en mesure de valider un certain nombre de ses postulats
concernant l’émergence d’un symptôme et son traitement.
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1. SYSTÈME NERVEUX ET COMPORTEMENTS
Veuillez vous reporter à votre cours de neurophysiologie et neuro-anatomie. Dans ce
cours, et plus particulièrement ce chapitre, nous allons nous interroger sur les liens qui
unissent l’organisation du système nerveux et le fonctionnement psychique et relationnel.
1.1. Le modèle de Mac Lean
Mac Lean (1973) formule une proposition concernant l'organisation de l'encéphale humain
qui s’inscrit dans la perspective de l’architecture en plans étagés, évoquée ci-dessus. Elle
s'inscrit dans une triade à la fois spatiale, temporelle et fonctionnelle et rend compte de la
longue évolution, de la lente ontogenèse et des interactions diverses qui caractérisent la mise
en place du SNC.
Selon cette hypothèse, l'encéphale adulte est constitué de trois cerveaux emboîtés
échafaudés à des phases successives du développement de l'individu, mais aussi apparus à des
époques différentes de l'évolution phylogénétique: le cerveau reptilien ou paléencéphale, le
cerveau paléo-mammalien ou paléocortex et le cerveau néo-mammalien ou néocortex.
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1.1.1. Le cerveau reptilien ou paléencéphale
Le cerveau reptilien ou paléencéphale est le plus ancien et le plus résistant (meurt le
dernier). Simple épaississement du tube neural initial, il suffisait à la vie de nos lointains
ancêtres de l'ère secondaire. L'homme en garde la trace dans le tronc cérébral. Ces structures
gèrent les niveaux de vigilance et sont le siège de comportements plus ou moins automatiques
liés à la survie individuelle (équilibre biologique et endocrinien).
Au coeur du tronc cérébral se trouve un groupe de noyaux appelés la formation réticulée.
Ces noyaux reçoivent leurs informations de la plupart des systèmes sensoriels de l'organisme
(p.ex., la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, etc.) et de certaines autres parties de l'encéphale,
notamment du cervelet et des hémisphères cérébraux. Le système réticulé activateur, qui
exerce une influence sur l'éveil et le degré général d'activation et de conscience – qui peuvent
tous être perturbés chez les patients déprimés. Plus la formation réticulée reçoit
d’informations, plus elle active les autres zones du cerveau avec lesquelles elle est en contact.
Moins elle reçoit d’informations, moins elle active ces autres zones, de sorte que l’on constate
ici une boucle de rétroaction positive. Ce processus explique pourquoi nous avons besoin de
calme pour nous endormir, pourquoi les situations répétitives et ennuyeuses provoque le
sommeil ou, au contraire, pourquoi une situation excitante nous garde en éveil. Ceci explique
aussi pourquoi les techniques d’induction hypnotique sont efficaces.
Fondamentalement, ce système ne « vit » que l’instant présent, sans mémoire du passé ni
anticipation du futur.
Ce cerveau est désormais « coiffé » par deux structures d'apparition plus récente qui ont
pris le relais d'une partie de ses fonctions tout en établissant avec lui des rapports étroits.
Système parasympathique - système orthosympathique
On regroupe sous le nom de système neurovégétatif un ensemble de centres nerveux situés
dans le bulbe rachidien ou dans la moëlle qui assurent des fonctions de coordination de
l'activité des viscères (organes profonds, comme le tube digestif).
Le système nerveux végétatif est constitué de deux parties à action opposée: le système
nerveux orthosympathique et le système nerveux parasympathique. Ces deux systèmes sont
responsables des activités inconscientes de l'organisme, comme le rythme cardiaque, la
contraction des muscles lisses.
Le système parasympathique contrôle les activités involontaires des organes, glandes,
vaisseaux sanguins conjointement avec le système orthosympathique.
Il est responsable du ralentissement de la fréquence cardiaque (cardio-modérateur), de
l'augmentation des sécrétions digestives et de la motilité du tractus gastro-intestinal. Il
intervient dans certains phénomènes pathologiques, tels les évanouissements ou lipothymies
("malaise vagal"), ou d’autres phénomènes tels que colites, diarrhées, vomissements, larmes,
etc. Le neurotransmetteur (infra) principal de ce système est l'acétylcholine.
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Le système parasympathique concerne la récupération de l’organisme et la vidange des
organes creux. Il favorise le travail interne de l’organisme en le mettant au repos, en
favorisant la digestion et en assurant le mécanisme de vidange de l’organisme par la
progression des aliments dans le tube digestif, la défécation et la miction. Il est stimulé
pendant le sommeil.
Son action sur la circulation et la respiration, toutes deux mises au repos, est opposée à celle
de l’orthosympathique.
Le système nerveux orthosympathique déclenche généralement des réponses antagonistes
au système nerveux parsympathique, de sorte que les deux systèmes « collaborent » à la
régulation du corps humain.
Le système orthosympathique a avant tout un rôle de défense. Il favorise l’action dirigée
vers l’extérieur plutôt que le travail interne de l’organisme. Il est stimulé dans les états
d’excitation émotionnelle et d’agression (stress), c’est-à-dire dans les conditions qui
nécessitent une défense. Il favorise l’effort bref et intense en stimulant la circulation et la
respiration.
Les neurotransmetteurs (infra) principaux du système orthosympathique sont l'adrénaline
et la noradrénaline.
ORGANE ORTHOSYMPATHIQUE PARASYMPATHIQUE
Glandes sudoripares stimulation -
Poils horripilation -
Pupille dilatation constriction
Cœur accélération ralentissement
Vaisseaux sanguins
• artères coronaires dilatation constriction
• artères musculaires dilatation constriction
• artères cutanées constriction dilatation
Bronches dilatation constriction
Appareil digestif
• sécrétions diminuées augmentées
• motilité diminuée augmentée
• rectum (remplissage) vidange
• sphincter lisse contracté relâché
• Flux sanguin diminué augmenté
Appareil urinaire
• sécrétions diminuées augmentées
• motilité diminuée augmentée
• vessie relâchement vidange
• sphincter lisse contracté relâché
Rate contraction -
Glycémie augmentation diminution
Foie glyogénolyse -
Glandes salivaires diminution augmentation
Médullo-surrénale sécrétion ++ -
Métabolisme catabolisme anabolisme
Médiateur chimique adrénaline acétylcholine
La complémentarité est observable, par exemple lorsqu’un prédateur vient d’avaler une
proie (activation du système orthosympathique) et qu’il la régurgite immédiatement s’il se
sent menacé (activation du système parasympathique) afin de faire face au danger (priorité au
système orthosympathique).
Ceci peut nous aider à comprendre le sens de certains symptômes comme la nausée ou les
vomissements dans certains troubles psychologiques. Ainsi, l’individu, lorsqu’il a affaire à
un stress intense ou lorsqu’il est confronté à une image mentale ou un souvenir pénible, a
envie de vomir.
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