Dissertation – Mémoires d’Hadrien
En quoi les Mémoires d'Hadrien constituent-ils une biographie lyrique ?
Après la Seconde Guerre Mondiale, la découverte de la barbarie nazie pousse les Européens à
s’interroger sur les fondements de leur civilisation. C’est avec ce sentiment que Marguerite Yourcenar,
la première femme élue à l’Académie Française, publie son roman Mémoires d’Hadrien en 1951. Dans
ce roman, elle écrit les mémoires de l’empereur romain Hadrien, qui s’adresse au futur empereur Marc-
Aurèle dans une longue lettre, en s’interrogeant sur le sens de sa vie. Ce récit permet à l’empereur de
revoir sa vie et ainsi mieux comprendre sa mort prochaine : il fait alors le bilan de ce qu’il a vécu en
apportant ses réflexions sur ses goûts, ses principes et le monde qui l’entoure. Afin d’illustrer l’âme
artistique d’Hadrien, l’auteure doit faire preuve d’une grande finesse d’écriture pour incorporer le
lyrisme dans les paroles de son personnage. On peut alors se demander si, avec cette œuvre renommée,
Marguerite Yourcenar aurait crée le genre littéraire de la biographie lyrique. Nous allons commencer
par relever en quoi les Mémoires d’Hadrien constituent une biographie. Ensuite, nous verrons comment
l’auteure réussit à inclure le style lyrique à cette biographie.
Premièrement, les Mémoires d’Hadrien présentent la biographie d’un personnage historique en
transmettant la vérité, mais en ajoutant des éléments fictifs.
Cette œuvre est bien une autobiographie car le narrateur raconte les événements marquants de
sa vie sous forme d’un récit à la première personne « je », donc il est aussi le personnage principal. On
peut alors percevoir la coexistence de deux « je » : celui de la narration, au moment des différents
événements, et celui d’énonciation, lorsque l’empereur écrit sa lettre. Le roman se présente ainsi
comme un roman épistolaire, adressé au futur empereur Marc-Aurèle, qui succédera à Hadrien après
Antonin le Pieux. Dès l’incipit du roman, le narrateur prend le ton de la confession en annonçant qu’il a
« formé le projet de raconter [sa] vie » à son prochain successeur. En effet, il met en avant tous les
éléments de sa vie qui ont fait de lui ce qu’il est, à partir de sa naissance en Espagne jusqu’à ses
expéditions militaires, son voyage à Athènes ainsi que son règne en tant qu’empereur. Il explique qu’il
nous « offre ici un récit […] tiré de l’expérience d’un seul homme qui est [lui]-même ».
Les sources des Mémoires d’Hadrien sont très nombreuses et on peut les retrouver dans les
notes laissées par l’auteure. Puisque l’intention d’une biographie est de transmettre la vérité,
Marguerite Yourcenar a choisi de fonder son récit sur des sources fiables, notamment des écrits
antiques comme L’Histoire Auguste ou encore L’Histoire de Rome de Dion Cassius. Ces deux œuvres
ont été écrits au IIème et IIIème siècles, laissant ainsi moins de place aux mythes entourant l’empereur.
Hadrien est un personnage qui a accompagné Yourcenar tout au long de sa vie et elle trouve beaucoup
de ressemblances avec lui, comme leur passion pour les langues antiques. Elle projette ainsi d’autres
caractéristiques sur son personnage comme sa volonté de « [mentir] le moins possible » et de montrer
la réalité.
On peut alors se dire également que Marguerite Yourcenar profite de cette occasion pour faire
parvenir ses propres réflexions sur le monde à travers les paroles de l’empereur. Étant donné que les
Mémoires d’Hadrien n’est pas un réel roman autobiographique, il est avisé de supposer que l’œuvre
fait part de nombreux éléments fictifs. Pour en citer certains, une caractéristique importante de
Marullinus, le grand-père d’Hadrien, est son don divinatoire et sa croyance dans les astres. Or, c’est
une caractéristique emprunté à un oncle d’Hadrien, et il n’y a aucune preuve de cette particularité chez
son grand-père. Ensuite, il est important de signaler la romantisation du personnage d’Antinoüs. La
passion qu’il vit avec l’empereur est un des passages les plus marquants du livre, de la découverte du
véritable amour jusqu’au suicide du jeune amant. Par ailleurs, les brèves mentions des origines