ETAT ET NATION
L’état-nation est une notion abstraite, on revient à des concepts basés sur les croyances et les
valeurs. La question l’Etat-Nation nous amène à nous demander lequel de l’état ou de la nation
existait avant l’autre.
La nation n’a rien à voir avec le nationalisme qui se caractérise par des idéologies, des doctrines ou
des revendications d’indépendance. Ces mouvements utilisent la parole ou les armes pour faire
aboutir leurs revendications. Le nationalisme peut aussi prôner l’élimination de ceux qui ne
correspondent pas au critère du nationalisme.
On parle déjà de sentiment national dans la cité grecque sous l’antiquité. On ne peut pas vraiment
parler de sentiment national pour la France du 19e siècle, c’est encore une société très rurale,
fortement ancrée dans la religion, les gens sont attaché à leurs provinces. La nation n’est donc pas
une chose si évidente. Il faut rester attaché à l’idée de sentiment, d’affection pour la cité, pour la
communauté à laquelle on appartient. C’est surtout le sentiment de partager une culture commune
entre tous les individus sans l’idée des religions, de cités entre les deux, mais un lien direct entre les
citoyens et la culture.
I) Les variations de la nation en France
A) La naissance de la nation française
Cette sociohistoire nous amène à nous demander quelles sont les origines politiques et culturelles de
la France. Terme latin du MA, la natio, pouvait désigner différents groupes.
Cependant, Colette Beaume considère que le terme de natio ne renvoie pas à un groupe ethnique.
Le terme de patrie n’apparait en 1540 et ne va être formulé qu’au 18e siècle avec la révolution. Avec
la patrie on va parler d’un nationalisme romantique au 19e siècle.
Si on revient au MA, le phénomène national est en fait une construction légendaire de la part de
professionnels de l’écrit qui sont au service du roi de France.
Il y avait qq chose de divin, de sacré sur l’origine de la royauté française. En fait, le phénomène de
nation va se construire réellement autour de période de guerre, de famine car c’est à ce moment-là
que les croyances partagées entre le roi et ses sujets subsistent et deviennent plus fortes que les
structures. C’est comme cela que l’on voit la formation de la nation. C’est aussi à ce moment-là que
la France va se trouver une identité notamment en prenant connaissance de ses rivaux, afin d’y faire
face. L’état royal s’est renforcé avec une bureaucratisation progressive.
La construction de la nation se fait parallèlement à la construction de l’état royal → la France a une
l’histoire lointaine, idéalisée, divine, que le peuple français est le peuple élu etc.
B) La France des terroirs sous la IIIe république
Avant la première GM, la France est assez hétérogène avec des provinces, des langues locales, un
attachement aux villages etc. La vie politique française est essentiellement animée par les notables
(Eugen Weber). Il faut bien comprendre qu’à l’époque la vie politique nationale a un impact sur la vie
politique locale, il y a de grands débats sur la laïcité ou le catholicisme (Vendée).
Cependant, sous la IIIe république on se trouve encore dans une période de trouble, le second
empire s’est effondré depuis peu, il y a encore des monarchistes qui souhaitent le retour des
bourbons. La république n’avait toujours pas fait ses preuves, on ne pouvait donc pas construire un
esprit national autour de la république.
C’est en fait la 1ere GM qui va démontrer aux yeux des français que la république a gagné la guerre
et que donc elle a gagné sa légitimité par rapport à la monarchie.
L’armée française en tant que telle était aussi un facteur d’insertion dans le sentiment de
nationalisme, à une culture nationale.
Si on en revient à avant 1914 on voit que progressivement la république est rythmée par des
échéances électorales, par le suffrage universel → accorde la vie politique locale avec la vie politique
,nationale. C’est pour cela que tous ces éléments sont des facteurs qui vont contribuer à forger un
début réel de culture nationale.
C) La nation et l’Etat vus par De Gaulle
Cette vision est encore, aujourd’hui, utilisée par les politiques.
De gaulle avait la particularité d’associer à sa personne la France, il se considérait comme la France. Il
ne parlait pas au nom d’un droit divin mais il a, à la base, l’image d’un chef militaire. Quand il va
entrer en résistance lors de la 2nd GM, dans son appel du 18 juin 1940, il dit « moi CDG, soldat et chef
français, j’ai conscience de parler au nom de la France ».
Il s’identifie à la France dans un moment de crise si fort qu’il s’identifie à la France par rapport à
l’ennemi, à l’Allemagne nazi. La conception nationale de CDG est un fait une entité politique. On a ici
une activation de croyance de la part de DG, ses croyances ont pour fondement les valeurs de la
révolution française, liées au droit de l’homme, c’est une identité forte car on oppose le pays des
droits de l’homme à un pays que DG et ceux qui le rejoignent savent totalement opposé
idéologiquement aux valeurs française. DG dans ses croyances, estimait aussi que parmi les alliés il y
avait l’Angleterre donc l’identité repose aussi sur les droits de l’homme. Chez DG, l’identité française
est beaucoup plus porteuse d’universalité, de fraternité, elle s’adresse à tous les autres peuples. Et
s’il s’attache à ce type de croyance, il ne les exprime pas pendant la 2GM mais quand il sera
président. Il considèrera que la France est l’ami des peuples et que donc l’Algérie doit devenir
indépendante. Il sera aussi le premier à reconnaitre le régime de Mao Zedong. Mais pour que la
Nation française existe et résiste, il faut des conditions que seul l’état peut lui donner, par exemple
de disposer d’une armée.
Au-delà du chef militaire, DG savait que s’il devait diriger la France en 1858, il fallait des institutions
pour le faire élire. L’Etat lui permet de mettre en œuvre son idée de la nation française. → Légalité
rationnelle parfaitement légitime.
Philip G. Cerny a étudié la politique de DG dans ses aspects idéologiques. Il distingue 3 facteurs
importants dans le système de croyance de DG :
- le premier est le facteur ethnique qui caractérise l’âme des peuples
- Le facteur géographique détermine les traits permanant d’une nation
- Le facteur historique qui explique les différentes variations des phénomènes politiques et sociaux et
qui explique pourquoi on en est arrivé à la Ve république. La France a toujours eu besoin d’une sorte
de monarque, la Ve république permet d’en avoir un mais rationnalisé.
Chez DG, la nation française a très souvent été opposée à la nation allemande donc alliance avec la
Russie ou l’Angleterre. DG, de par son passage dans l’histoire va forger une identité française basée
sur des valeurs universelles, cette croyance que la France est la seule à posséder un rayonnement à
parler avec tous les peuples, à défendre leurs libertés tout en sachant que chaque peuple a ses
propres références culturelles et historiques. Avec DG on est dans une forme de républicanisme
autoritaire qui peut être guerrier quand la république est attaquée et au fond le gaullisme est une
sorte « d’Evangile » de la liberté pour les autres peuples.
R. Rémond a lié le gaullisme au Bonapartisme.
II) Les déclinaisons sociologiques de l’Etat-Nation
A) Classes et Etat-Nation
Le marxisme propose plusieurs définitions de la nation mais ce sont des définitions qui s’opposent
entre-elles (Marx, Lénine, Staline, Mao Zedong).
A la base, les héritiers du marxisme ont tous leur propre théorie de la nation, mais tous n’étaient pas
Russe, à la base Staline était Géorgien, on peut supposer que l’homme en tant que tel avait sa propre
définition. De même que Mao Zedong qui a cherché à décliner le marxisme à la chinoise.
- La nation chez Marx et Engels : Chez ces deux auteurs, la nation est une étape transitoire, l’état est
aussi une étape transitoire. Pour eux, tout est lié à une forme de capitalisme qui provoque les
guerres entre les nations, entre les états à cause de la concurrence et au fond pour que la paix
s’instaure il faut une révolution prolétariale. Il n’y aura alors plus d’état, plus de nation d’un point de
, vue culturel. Ce qui est paradoxal, c’est qu’ils étaient en fait opposé à l’émancipation des peuples, ils
n’adhéraient pas au nationalisme, ils estimaient que c’était un frein à la lutte des classes.
- Lénine : il perçoit la nation négativement. Les ouvriers doivent se définir avant tout par leur
appartenance de classe et non par rapport à sa nationalité et leur appartenance de classe dépend de
leur appartenance au parti Bolchévique → est ouvrier celui qui adhère au parti bolchévique. Il se
méfiait du nationalisme, notamment dans l’ancien empire Russe, c’est pourquoi il voulait un pouvoir
centralisé et puissant. Toutes les nations de cet empire devaient s’effacer derrière le parti
bolchevique.
- Chez Staline il y a une définition de la nation très fermée. C’est un territoire, un peuple, une culture
et une vie économique et tous ces éléments sont homogènes. Il y a aussi une arrière pensé, pour
écarter du pouvoir tous ceux qui étaient juifs à l’image de Trotski. Dans l’union soviétique de Staline,
en donnant une définition très fermée de la nation, il va en fait favoriser certains peuples et en
exclure d’autre + faire peur à la grande majorité de tous les peuples de l’union soviétique.
B) Nation et monopole de la culture légitime
La culture peut servir de variable pour expliquer, en partie ou totalement, l’existence d’une nation à
part entière.
● Stein Rokkan : est un sociologue norvégien qui a tenté d’élaborer une sociologie de l’état-nation
européen. Il estimait que l’état nation est né en Europe mais que cela repose sur plusieurs processus
historiques vécus par chaque peuple européen à travers plusieurs facteurs.
L’apparition de l’alphabet permet, d’après lui, de créer une homogénéité culturelle. Il engendre les
langues écrites et c’est avec l’écriture que l’on peut commencer à cerner des cultures spécifiques.
Il a aussi élaboré deux modèles, le modèle géoéconomique et le modèle géopolitique. Dans ces deux
modèles il y a 3 variables qui permettent d’expliquer les processus historiques vécus par le
européens qui ont aboutis à l’Etat-Nation.
- La première est une variable économique, elle divise l’Europe en deux : L’Europe de l’ouest
composée d’élites urbaines, les économies sont monétisées et l’état est rationalisé avec un droit qui
se développe + Les états de l’Est : Ce sont des états agraires, dominés par les aristocrates et les
nobles et l’état y est patrimonial = le roi et les nobles possèdes les terres et les paysans.
- La seconde c’est la variable culturelle, elle traverse l’Europe du nord au sud. Au nord il a des élites
transnationales, protestantes, qui commandent la construction de la nation, dans le protestantisme
les pasteurs ne dépendent plus de Rome → construction de nations indépendantes au pouvoir
religieux + mariage des pasteurs → homogénéisation des sociétés. Dans le sud, il y a essentiellement
une paysannerie catholique où la nation a encore du mal à se créer puisque le catholicisme domine
encore culturellement des peuples.
- La troisième est la variable territoriale. Elle explique la capacité d’un centre à émerger dans une
zone et à se constituer en capitale. Cette variable traverse l’Europe du Sud-Est au Nord-Ouest. Dans
cette variable, l’état-nation dépend de la possession d’une capitale politique et administrative et qui
diffuse les valeurs de la société. Dans l’histoire des état-nation soit c’est le roi qui désigne la capitale,
soit elle est déjà fixée et le souverain s’y installe.
● Ernest Gellner est un sociologue tchèque, d’après lui, l’état-nation est lié à la modification de la
structure des sociétés. Il prend comme exemple l’introduction de la Phalange chez les grecs. Tout
comme l’apparition de l’alphabet, elle permettait l’affirmation d’identité locale. La modification de
structure doit démontrer qu’une société peut s’adapter aux nouvelles ères. Pour lui, l’école est
l’institution spécifique des états modernes qui produit l’identité de culture à tous les individus. Là
encore, pour faire exister une nation, une culture, il faut qu’il y ait un état avec une institution
comme l’école. Il fait aussi une comparaison entre les états modernes qui monopolisent la culture
légitime et les empires agro-lettrés qui reposaient sur un état essentiellement technico-agricole et
étaient contrôlés par une élite parmi laquelle il y avait des prêtres, des bureaucrates, qui contrôlaient
les moyens de construction et de destruction et cette élite était séparée du reste de la population +
ils avaient leur propre langage, leur propre système d’écriture. Ex : langue de l’élite ottomane.