EL11 : « La dispute entre Louis et Antoine », Juste la fin du monde
ANTOINE (…) – Tu ne te disais rien, je sais, je te vois.
Tu ne te disais rien,
Tu ne pensais pas que tu me dirais quelque chose,
Que tu me dirais quoi que ce soit,
Ce sont des sottises, tu inventes.
C’est là ; à l’instant,
tu m’as vu,
et tu as inventé tout ça pour me parler.
Tu ne te disais rien parce que tu ne me connais pas,
tu crois me connaître mais tu ne me connais pas,
tu me connaîtrais parce que je suis ton frère ?
Ce sont aussi des sottises,
tu ne me connais plus, il y a longtemps que tu ne me
connais plus,
tu ne sais pas qui je suis,
tu ne l’as jamais su,
ce n’est pas de ta faute et ce n’est pas de la mienne non plus,
moi non plus, je ne te connais pas
(mais moi, je ne prétends rien),
on ne se connaît pas
et on se s’imagine pas qu’on dira telle ou telle chose à
quelqu’un qu’on ne connaît pas.
Ce qu’on veut dire à quelqu’un qu’on imagine,
on l’imagine aussi,
des histoires et rien d’autre.
Ce que tu veux, ce que tu voulais,
tu m’as vu et tu ne sais pas comment m’attraper,
« comment me prendre »
- vous dites toujours ça, « on ne sait pas comment le
prendre »
et aussi je vous entends, « il faut savoir le prendre », comme
on le dit d’un homme méchant et brutal –
tu voulais m’attraper et tu as jeté ça,
tu entames la conversation, tu sais bien faire,
c’est une méthode, c’est juste une technique pour noyer et
tuer les animaux,
mais moi je ne veux pas,
je n’ai pas envie.
Pourquoi tu es là, je ne veux pas le savoir,
Tu as le droit ; c’est tout et rien de plus,
et ne pas être là, tu as le droit également,
c’est pareil pour moi.
Ici d’une certaine manière, c’est chez toi et tu peux y être
chaque fois que tu le souhaites et encore, tu peux en partir,
toujours le droit,
cela ne me concerne pas.
Tout n’est pas exceptionnel dans ta vie,
dans ta petite vie,
c’est une petite vie aussi, je ne dois pas avoir peur de ça,
tout n’est pas exceptionnel,
, tu peux essayer de rendre tout exceptionnel
mais tout ne l’est pas.
LOUIS – Où est-ce que tu vas ?
ANTOINE. — Je ne veux pas être là.
Tu vas me parler maintenant,
tu voudras me parler
et il faudra que j’écoute
et je n’ai pas envie d’écouter.
Je ne veux pas. J’ai peur.
Il faut toujours que vous me racontiez tout,
toujours, tout le temps,
depuis toujours vous me parlez et je dois écouter.
Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu’ils veulent entendre,
mais souvent, tu ne sais pas,
je me taisais pour donner l’exemple.
Catherine !
Intro :
→ C.A.O - Contexte : 1990, XXe siècle
- Auteur : Jean-Luc Lagarce : dramaturge, retourne vers sa famille car malade (sida)
- Œuvre : similitudes avec tragédie (annonce de la mort + unité de temps : 24h, de lieu : maison
familiale, d’action : annonce de la maladie)
- Extrait : thème : Conflit entre 2 frères (Louis/Antoine), Antoine n’a jusqu’ici presque pas parlé ici,
longues tirades (reproches), sentiment d’injustice familiale et sociale
LIRE LE TEXTE
→ Problématique : Comment théâtralement cette scène de conflit se met-elle en place ?
Plan : I/ Un quasi-monologue au cours duquel Antoine se confronte verbalement à son frère (l.140 à
164)
II/ Antoine refuse de se faire prendre au discours des autres (l.165 à 192)
III/ Antoine refuse l’aveu de Louis (l.193 à la fin)
Développement :
I/ Un quasi-monologue au cours duquel Antoine se confronte verbalement à son frère (l.140 à 164)
a) Une confrontation qui s’appuie sur la négation de ce que Louis prétend être et prétend vouloir
faire
-« tu ne te disais rien, je sais, je te vois », « parce que tu ne me connais pas », « tu ne me connais
plus » = bcp de phrases négatives Louis ne connait pas son frère