EL2 : L’aveu de Mme De Clèves à son mari
- Eh bien, Monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l’on n’a
jamais fait à son mari, mais l’innocence de ma conduite et de mes intentions m’en donne la force. Il est vrai
que j’ai des raisons de m’éloigner de la cour, et que je veux éviter les périls où se trouvent quelquefois les
personnes de mon âge. Je n’ai jamais donné nulle marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d’en laisser
paraître, si vous me laissiez la liberté de me retirer de la cour, ou si j’avais encore madame de Chartres pour
aider à me conduire. Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me
conserver digne d’être à vous. Je vous demande mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du
moins je ne vous plairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus
d’amitié et plus d’estime pour un mari que l’on en a jamais eu ; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-
moi encore, si vous pouvez.
Monsieur de Clèves était demeuré pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses mains, hors de lui-
même, et il n’avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé de parler, qu’il jeta les yeux sur
elle qu’il la vit à ses genoux le visage couvert de larmes, et d’une beauté si admirable, il pensa mourir de
douleur, et l’embrassant en la relevant :
- Ayez pitié de moi, vous-même, Madame, lui dit-il, j’en suis digne ; et pardonnez si dans les premiers
moments d’une affliction aussi violente qu’est la mienne je ne réponds pas, comme je dois, à un procédé
comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d’estime et d’admiration que tout ce qu’il y a jamais eu de
femmes au monde ; mais aussi je me trouve le plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m’avez
donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue, vos rigueurs et votre possession n’ont pu
l’éteindre : elle dure encore ; je n’ai jamais pu vous donner de l’amour, et je vois que vous craignez d’en
avoir pour un autre. Et qui est-il, Madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? Depuis quand
vous plait-il ? Qu’a-t-il fait pour vous plaire ? Quel chemin a-t-il trouvé pour aller à votre cœur ?
Intro :
→ C.A.O - Contexte : 1678 / sous Louis XIV / Classicisme = auteurs sous le règne de Louis XIV qui ont 1
idéal commun avec sobriété – style – clarté de la langue – volonté de plaire et d’instruire / siècle de
Molière, Racine…
- Auteur : Mme de La Fayette (XVIIe s) : petite noblesse / épouse le comte de La Fayette / écrit
anonymement (car femme et aristocrate) / ex. d’œuvres : La Princesse de Montpensier / La Princesse
de Clèves / Zaïde
- Œuvre : roman historique / au XVIe s, à la cour des Valois + sous Henri II / 1 er roman considéré
« psychologique » : pour la 1e fois détails des sentiments ou trouble des personnages / Résumé : Mlle.
De Chartres épouse le prince de Clèves sans réellement l’aimer, lors d’un bal, elle tombe ♥ du duc de
Nemours. Sa mère la met en garde, ce qui l’empêche d’aller au-delà d’une simple passion amoureuse.
- Extrait : thème : l’aveu de Mme de Clèves à son mari à Coulommiers, lorsque Nemours l’observe /
narrateur externe au récit / pdv interne (sentiments de M de Clèves seulement) / dans la 3 e partie du
roman
LIRE LE TEXTE
→ Problématique : Qu’est-ce que cet aveu a d’héroïque ?
Plan : I/ L’aveu de Mme de Clèves (paragraphe 1)
II/ Les réactions du mari (paragraphe 2)
III/ La tirade du mari (paragraphe 3)