EL1 : Le vol du portrait
Il y avait longtemps que Monsieur de Nemours souhaitait d’avoir le portrait de Madame de Clèves.
Lorsqu'il vit celui qui était à monsieur de Clèves, il ne put résister à l'envie de le dérober à un mari
qu'il croyait tendrement aimé ; et il pensa que, parmi tant de personnes qui étaient dans ce même
lieu, il ne serait pas soupçonné plutôt qu'un autre.
Madame la Dauphine était assise sur le lit, et parlait bas à Madame de Clèves, qui était debout
devant elle. Madame de Clèves aperçut, par un des rideaux qui n'était qu'à demi fermé, monsieur de
Nemours, le dos contre la table, qui était au pied du lit, et elle vit que, sans tourner la tête, il prenait
adroitement quelque chose sur cette table. Elle n'eut pas de peine à deviner que c'était son portrait,
et elle en fut si troublée, que madame la Dauphine remarqua qu'elle ne l'écoutait pas, et lui
demanda tout haut ce qu'elle regardait. Monsieur de Nemours se tourna à ces paroles ; il rencontra
les yeux de madame de Clèves, qui étaient encore attachés sur lui, et il pensa qu'il n'était pas
impossible qu'elle eût vu ce qu'il venait de faire.
Madame de Clèves n'était pas peu embarrassée. La raison voulait qu'elle demandât son
portrait ; mais en le demandant publiquement, c'était apprendre à tout le monde les sentiments que
ce prince avait pour elle, et en le lui demandant en particulier, c'était quasi l'engager à lui parler de
sa passion. Enfin elle jugea qu'il valait mieux le lui laisser, et elle fut bien aise de lui accorder une
faveur qu'elle lui pouvait faire, sans qu'il sût même qu'elle la lui faisait. Monsieur de Nemours, qui
remarquait son embarras, et qui en devinait quasi la cause s'approcha d'elle, et lui dit tout bas :
- Si vous avez vu ce que j'ai osé faire, ayez la bonté, Madame, de me laisser croire que vous
l'ignorez, je n'ose vous en demander davantage.
Et il se retira après ces paroles, et n'attendit point sa réponse.
Madame la Dauphine sortit pour s'aller promener, suivie de toutes les dames, et monsieur de
Nemours alla se renfermer chez lui, ne pouvant soutenir en public la joie d'avoir un portrait de
Madame de Clèves.
Intro :
→ C.A.O - Contexte : 1678 / sous Louis XIV / Classicisme = auteurs sous le règne de Louis XIV
qui ont 1 idéal commun avec sobriété – style – clarté de la langue – volonté de plaire et
d’instruire / siècle de Molière, Racine…
- Auteur : Mme de La Fayette (XVIIe s) : petite noblesse / épouse le comte de La Fayette / écrit
anonymement (car femme et aristocrate) / ex. d’œuvres : La Princesse de Montpensier / La
Princesse de Clèves / Zaïde
- Œuvre : roman historique / au XVIe s, à la cour des Valois + sous Henri II / 1 er roman considéré
« psychologique » : pour la 1 e fois détails des sentiments ou trouble des personnages /
Résumé : Mlle. De Chartres épouse le prince de Clèves sans réellement l’aimer, lors d’un bal,
elle tombe ♥ du duc de Nemours. Sa mère la met en garde, ce qui l’empêche d’aller au-delà
d’une simple passion amoureuse.
- Extrait : thème : la PDC, entourée du public de la Cour et dans la chambre de Mary Stuart,
surprend Nemours en train de voler discrètement le portrait que le Prince de Clèves possède
d’elle : elle se retrouve face à un dilemme.
LIRE LE TEXTE
→ Problématique : En quoi ce vol qui se déroule en public permet-il de rendre compte de
sentiments privés, intimes ?
Plan : I/ Le duc de Nemours a prémédité le vol du portrait (paragraphes 1 et 2)