RESPONSABILITE
CIVILE II
, INTRODUCTION
Il existe une multitude de régimes spéciaux dans différentes matières. Certains sont intégrés au Code
civil tandis que d’autres non. Les plus connus sont les régimes en lien avec les accidents de la circulation
et les produits défectueux. Il en existe d’autre en matière de responsabilité médicale, environnementale
etc.
La matière est confrontée à l’éclatement des régimes qui créé une difficulté quant à la connaissances
des conditions des différents régimes à appliquer.
Le développement de ces RS s’observe depuis le début de XXème. En effet, depuis cette époque l’on
en a le plus recours afin de répondre aux nouveaux besoins de la société moderne. En effet, la nature
des dommages se diversifie, le législateur apportant une réponse à travers un régime spécial. Le but
majeur de ces régimes spéciaux permet de garantir une réparation automatique des victimes.
La multiplication a pour inconvénient de complexifier la matière en la rendant beaucoup moins lisible.
De plus, l’on est confronté à des questions d’agencement de ces différents régimes. C’est-à-dire lorsque
une situation peut se rattacher à plusieurs régimes spéciaux. IL faut savoir vers lequel la victime se
tournera pour obtenir réparation. La victime dispose-telle d’un droit d’option ? L’un des régimes va-t-il
primer sur l’autre ? Lequel ? Pourquoi ?
Exemple : Suite à l’ablation d’un testicule, un homme se fait poser une prothèse qui éclate au cours
d’une partie de tennis. La Cour de cassation a du s’interroger sur le régime applicable. Ici, deux régimes
spéciaux rentrent en concurrence : La responsabilité médicale ou la responsabilité du fait des produits
défectueux. L’on peut aussi se fonder sur le droit commun puisque l’accident est postérieur à la pose de
la prothèse, ce qui suffirait à évincer la responsabilité médicale. L’on peut aussi considérer qu’au regard
de la particularité du produit, la responsabilité du fait des produits défectueux serait exclu.
Les juges du fond ont appliqué la responsabilité du fait des produits défectueux car la prothèse constitue
un produit.
La Cour de cassation a censuré les juges du fond dans un arrêt 1ère civ. 12 juillet 2012. En effet,
l’exclusion de la loi sur les produits défectueux se justifie au motif que « les prestataires de soins ne
peuvent être assimilés à des distributeurs ou à des producteurs de produits ». Dès lors, hormis les cas
dans lesquels le médecin serait lui-même producteur de la prothèse, l’on se trouve en dehors du champ
d’application de la loi sur les produits défectueux.
Elle exclue ainsi ladite loi et se rabat sur le droit commun de la responsabilité pour faute.
La Cour énonce que l’on ne peut agir contre les médecins sur le fondement de la loi sur les produits
défectueux puisqu’ils ne sont pas assimilés comme des distributeurs. Dès lors, la victime doit-elle agir
contre le producteur, sur le fondement de ladite loi, ou contre le médecin sur le fondement de la faute
en droit commun.
En principe, le régime spécial est exclusif du régime général, mais à l’encontre des mêmes personnes.
Toutefois, le cumul est admis à l’encontre de personnes différentes. Il n’y aura pas de cumul de
réparation.
La Cour de cassation semble admettre que l’on peut multiplier les recours contre le médecin et le
producteur.
À ce jour, beaucoup questions de cumul se présentent en raison de situations variées.
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,Exemple : Un accident de la circulation est due en raison de la défectuosité d’un produit du véhicule.
Appliquera-t-on la loi sur les produits défectueux ou la loi BADINTER, ou simplement la responsabilité
unique du producteur du véhicule ? La jurisprudence ne cesse de se construire en la matière.
Le développement des RS s’inscrit dans un mouvement de mutation de la responsabilité qui a influencé
le législateur dans la manière de les penser.
SECTION 1 - LA MUTATION DE LA RESPONSABILITE CIVILE :
Le Code civil de 1804 semble identique à l’actuelle version. L’on pourrait penser qu’il y a une certaine
stabilité en la matière. Or, la responsabilité a évolué dans ses fondements et son traitement. Le
mouvement d’objectivation de la responsabilité civile s’inscrit en faveur de l’indemnisation de la
victime. Tous les régimes spéciaux sont des régimes objectifs détachés de la notion de cause.
Dans le Code de 1804, le fondement traditionnel reposait sur la faute puisque la responsabilité n’était
pas conçue comme une branche particulière du droit. Aujourd’hui, la matière semble devenir autonome.
L’idée de faute se retrouve dans les articles 1382s du Code civil de 1804 sans être conçues comme des
responsabilités objectives. A cette époque, la responsabilité est moraliste. Ainsi, si l’on doit une
réparation, c’est parce que le dommage a été causé par sa faute ou sa négligence. La responsabilité est
une réparation de la faute.
Cette conception classique a rapidement été dépassée. Dès le milieu du XIXème siècle, la responsabilité
pour faute a perdu de sa raison d’être. Les dispositions civilistes étaient insuffisantes pour appréhender
les risques inhérents aux nouvelles technologies. La révolution industrielle a apporté le développement
du machinisme dans les activités personnelles et professionnelles, de nouveaux risques sont apparus.
Or, l’on n’a plus forcément de fautif. Même en cas de fautif, celui-ci pouvait être difficilement
identifiable.
A ce stade, la responsabilité est impuissante à appréhender ces nouveaux risques. Avec le
développement des nouveaux risques d’accidents, l’enjeu n’est plus de trouver un fautif mais quelqu’un
pour indemniser la victime.
Paragraphe 1 – Les facteurs de la mutation :
Dans un contexte de révolution industrielle, deux facteurs sont à prendre en compte :
- Le développement du recours à l’assurance de responsabilité (facteur pratique)
- Les revendications doctrinales et propositions en faveur d’une évolution de la responsabilité
(facteur théorique).
A. Le développement de l’assurance de responsabilité
Ce développement est marqué par la RI, l’apparition des nouveaux risques. Le développement de la RI
encourage le recours à l’assurance. Les rapports entre l’assurance et la responsabilité sont très ambigus
parce que, d’une part, la responsabilité suscite le recours à l’assurance et, d’autre part, le recours à
l’assurance va faciliter et favoriser la responsabilité.
Avec la généralisation du recours à l’assurance, l’on assiste à un laxisme des juges en matière des
responsabilités. L’admission de la responsabilité est ainsi souplement admise.
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, Ce développement des assurances fut spontané en raison des métiers qui faisaient poser des risques
majeurs sur les particuliers. Par la suite, le législateur a développé les assurances obligatoires. Tout un
nombre de professions doit être assuré contre un certains nombres de risques. Les individus sont assurés
contre les risques personnels et professionnels.
Le législateur a lié l’obligation d’assurance avec les régimes spéciaux, comme en témoigne la loi
BADINTER.
Au fur et à mesure de l’essor de l’assurance, le législateur fut plus souple sur les conditions d’admission
de la responsabilité. Elles se sont atténues au regard de l’exigence de la faute et de la causalité.
Au-delà, la jurisprudence a très rapidement admis que l’assurance puisse devenir, pour les victimes, un
instrument de protection. Des actions directes vont être reconnues aux victimes contre l’assurance de
l’auteur du dommage. Ce type d’action n’est pas conditionné à la mise en œuvre de la responsabilité de
l’assuré.
L’avantage du développement de l’assurance repose sur la rapidité de l’indemnisation. Or, à long terme,
cette tendance a amplifié une forme de dénaturation de la responsabilité. Ainsi, le responsable disparait
derrière le mécanisme de l’assurance.
Si l’on se situe dans un système d’assurance, la responsabilité de l’auteur n’est qu’un simple support
pour l’assurance. Il n’y a plus d’idée de responsabilisation de l’individu, cela fait ainsi échec à la morale.
L’enjeu sera de déterminer l’assurance en charge d’indemniser la victime.
Par conséquent, l’on passe d’une pure logique de responsabilité à une logique d’indemnisation massive.
Certains organismes, tels les fonds d’indemnisations, ne s’intéresse pas aux quelconques responsabilités
pouvant exister (terrorisme, inondation etc.). Les victimes sont indemnisés indépendamment de la mise
en cause de la responsabilité des auteurs. Le système des fonds d’indemnisation se déconnecte du
système classique.
Le droit français reste, tout de même, sur des mécanismes de responsabilités classiques, reposant sur
une certaine morale.
Le développement de l’assurance n’est pas le seul facteur permettant l’évolution de la responsabilité.
B. Les propositions doctrinales
Avec la révolution industrielle, la doctrine a réagi en faisant état des limites du système qui avait été
initialement conçu dans le Code civil. Dès la moitié du XIXème siècle, les auteurs font le constat d’une
inadéquation du système en place avec le développement de la révolution industrielle.
La difficulté est que le système prive énormément de victime de réparation faute de ne pas pouvoir
identifier les responsables. Une évolution des fondements de la responsabilité est ainsi prônée par la
doctrine.
Le XIXème et le XXème siècle ont connus un important débat entre les partisans de la faute et ses
détracteurs. Ainsi, la question se tournait vers la suppression ou le maintien de la faute.
La théorie du risque fut développée afin de proposer une modification des fondements de la
responsabilités afin de généraliser et de faciliter la réparation des dommages. Cette théorie du risque
s’inscrit dans un fort contexte d’accidents du travail, essentiellement liés au développement du
machinisme.
En France, SALEILLES a été le défenseur de la théorie du risque. Il propose une nouvelle orientation
de la responsabilité. Il est parti du constat de l’élargissement jurisprudentiel de la notion de faute, qui
avait vocation à appréhender les accidents du travail, pour montrer son inadaptation à ces hypothèses.
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